Grande-Bretagne : des motions de censure ont été adoptées contre des parlementaires blairistes de premier plan

Des hourras ont salué l’adoption d’une motion de censure, par 94 voix contre 92, jeudi soir lors d’une réunion du Parti travailliste d’Enfield Nord contre la députée travailliste blairiste, Joan Ryan. Ryan, qui préside le groupe sioniste Labour Friends of Israël (Amis travaillistes d’Israël, LFI), a été à l’avant-garde de la campagne visant à renverser le dirigeant du Parti travailliste Jeremy Corbyn.

Le même soir, le député travailliste Gavin Shuker a également perdu une motion de censure après que 33 membres de son parti local de Luton South l’eurent adoptée contre seulement 3 voix en sa faveur, et cinq abstentions.

Depuis l’échec du coup de force de 2016 contre Corbyn, Ryan a été au centre de la campagne de déstabilisation impliquant le service secret MI5, le Mossad et la CIA contre le chef travailliste. Sa spécialité est de fabriquer des accusations d’antisémitisme contre Corbyn et ses partisans. L’objectif est de discréditer le socialisme dans l’espoir d’empêcher tout défi de la classe ouvrière à l’austérité et à la poursuite croissante du militarisme et de la guerre au Moyen-Orient et dans le monde.

La motion de censure contre Ryan a eu lieu malgré un courriel envoyé en début de semaine par le président de la section du Parti travailliste de la circonscription d’Enfield North, Siddo Dwyer, affirmant que la motion avait été exclue de l’ordre du jour.

La motion déclarait : « Notre député a à plusieurs reprises contribué et écrit des articles qui ont été exploités par une presse injustement hostile à Jeremy Corbyn. » Elle a appelé les membres de la section locale du parti à « ne pas faire confiance à notre députée Joan Ryan » et « à la suppression du whip [responsable de la discipline parlementaire] du parti et un processus de sélection ouvert pour notre prochain candidat parlementaire. »

Ryan a confirmé le récit anticommuniste qui sous-tend la campagne prétendument contre l’antisémitisme qui vise en fait les partisans de Corbyn. Affichant son mépris pour les membres du parti, dont le nombre d’adhérents à Enfield North est passé de 300 à 1000 depuis l’élection de Corbyn, elle a tweeté que la marge étroite n’était « guère une victoire décisive et que je ne pensais pas que trotskistes, staliniens, communistes et assortis durs à gauche m’accorderaient confiance. Je n’en ai pas à leur égard. »

Selon le blog pro-Corbyn Skwawkbox, les partisans de Ryan ont intimidé les membres chargés du dépouillement des bulletins de vote le soir du vote, notamment des menaces de violence physique et au moins une menace de mort.

Skwawkbox a rapporté des témoignages concernant un partisan de Ryan se jetant sur un jeune membre du Parti travailliste, disant : « Putain, je vais te tuer. » Dans un deuxième incident contre le même jeune, un partisan de Ryan « a menacé de l’agresser et puis s’est jeté sur lui de nouveau ». Dans les deux cas, disent des témoins bouleversés, le partisan de Ryan a dû être physiquement retenu par d’autres pour empêcher une agression. Les incidents étaient suffisamment graves pour être signalés à la police. »

Cet incident confirme que la véritable source de la violence antidémocratique et des agressions émane de la droite. Pas une seule source médiatique grand public – y compris la BBC et le Guardian – n’a rapporté les attaques des partisans de Ryan, car cela nuirait à leur récit mensonger décrivant les députés blairistes comme des martyrs politiques.

Dans toute la couverture médiatique de Ryan, elle est présentée comme la victime de la même « gauche extrémiste ». Rien ou presque n’est relayé de son sale parcours politique.

Ryan a d’abord fait parler d’elle lors du scandale des frais parlementaires qui défraya la chronique des journaux il y a dix ans, lorsque ses indemnités dépassaient celles de tout autre député – 173.691 £ (193 748 €) en 2007. En 2012, The Independent rapportait « qu’au moins dix tentatives furent lancées à partir d’ordinateurs au Parlement pour supprimer des informations en rapport avec les demandes d’indemnités de [Ryan] et 20 autres efforts pour supprimer ces informations, certains provenant de sa circonscription d’Enfield North, ont également été signalés dans les historiques de Wikipédia ».

En 2008, Ryan, en tant que vice-présidente du Parti travailliste et représentante du premier ministre Gordon Brown en Chypre, a appelé, avec 12 autres députés affiliés au groupe de réflexion Progress, à le remplacer à la tête du parti dans une élection et puis comme Premier ministre car à leurs yeux il ne menait pas une politique suffisamment blairiste (de droite).

Le plus significatif a été le travail de Ryan en tant que président de LFI, un groupe de lobby qui sert de couverture pour l’ambassade israélienne et qui est financé par celle-ci. Israël a été un protagoniste clé dans la campagne contre Corbyn et son soutien à la cause palestinienne.

Dans le film documentaire The Lobby, diffusé l’année dernière par Al Jazeera, le responsable parlementaire du LFI, Michael Rubin, déclare que : « Nous travaillons très étroitement ensemble », mais « publiquement, nous essayons simplement de garder la LFI comme identité distincte de l’ambassade ».

Rubin a révélé que Ryan était en contact quasi quotidien avec Shai Masot, un membre du personnel de l’ambassade israélienne à Londres, qui a été filmé (article en anglais) en train de comploter « le renversement » des députés perçus comme hostiles à Israël. Masot est également filmé en train de discuter avec des personnalités des Conservative Friends of Israël (CFI), dont Maria Strizzolo, collaboratrice principale du ministre de l’éducation Robert Halfon et ancienne directrice politique du CFI, pour savoir si Strizzoli pourrait aider à « renverser » l’adjoint du ministre des affaires étrangères, Sir Alan Duncan. Avec du recul, l’affaire ressemble maintenant à une répétition générale pour l’opération menée contre Corbyn.

Le mois dernier, le député de Luton South, Gavin Shuker, a été identifié dans la presse comme l’un des douze députés travaillistes menaçant de démissionner dans l’espoir de déclencher une motion de censure contre Corbyn. Parmi les autres membres du groupe figurent Liz Kendall, Chris Leslie, Luciana Berger, Iain Austin et Ruth Smeeth.

Vendredi matin, leur chef idéologique, Tony Blair, a confirmé le programme antisocialiste de la scission qui est prévue. Faisant écho au tweet de Ryan, il a déclaré à la BBC qu’il n’était « pas sûr » qu’il soit possible que les « modérés » du Parti travailliste puissent reprendre le parti aux partisans de Corbyn, issus des traditions minoritaires du parti, notamment les communistes et « les groupes trotskystes », et de suggérer l’émergence d’un nouveau parti « progressiste et modéré » à temps pour les prochaines élections générales.

Blair a déclaré à Nick Robinson de la BBC que les électeurs ne « toléreraient » pas une situation où le choix du prochain dirigeant du Royaume-Uni serait soit Corbyn, soit un parti conservateur dirigé par Boris Johnson : « Je ne sais pas ce qui va se passer et comment sera son déroulement, mais je ne pense tout simplement pas que les gens en général dans le pays vont accepter cela comme un choix valable. Quelquechose remplira ce vide. »

Lors de la réunion d’Enfield North, les membres du Parti de l’égalité socialiste (SEP) ont distribué des copies du commentaire de perspective du WSWS : Rejetez les accusations d’antisémitisme contre Jeremy Corbyn ! Chassez l’aile droite du parti travailliste ! Beaucoup se sont arrêtés pour discuter, disant qu’ils voulaient en finir avec la domination de la droite et lutter contre l’austérité. Un membre du Parti travailliste a déclaré qu’il souhaitait que les jeunes se soulèvent contre le coût élevé des loyers et du logement. Un autre a remercié les militants du SEP pour le tract indiquant son effet positif et disant que les jeunes devaient expulser la droite.

Les motions de censure expriment le sentiment de milliers de personnes qui ont rejoint le Parti travailliste, mais elles n’ont aucune valeur officielle et laissent la droite en place. Les blairistes n’ont aucun scrupule à défier les membres du Parti travailliste et ne partiront que s’ils sont expulsés.

Frank Field, qui a démissionné du groupe parlementaire des travaillistes en quittant son poste de whip du parti, a dû faire face à une motion de censure dans sa circonscription de Birkenhead. Mais il refuse de démissionner de son siège de député obtenu en étant inscrit au parti travailliste.

Après le vote, Ryan a déclaré : « Juste pour être clair, je ne démissionne pas. Je suis travailliste jusqu’à la moelle et je continuerai à me battre pour les valeurs du Parti travailliste. »

Shuker a tweeté un message à ses électeurs que le vote de censure ne « faisait partie d’aucune procédure formelle, alors cela ne change rien à mon rôle de député travailliste pour Luton South ».

Pourtant, la seule réponse de Corbyn et les dirigeants de Momentum (son mouvement de soutien) est de réclamer « une plus grande responsabilité démocratique » dans le processus de sélection des candidats parlementaires, dans le cadre duquel Momentum « travaillera avec les membres du comité exécutif national (NEC), le mouvement syndical et les délégués [des sections locales du Parti travailliste] » pour « assurer que le meilleur changement de règle possible soit adopté lors du congrès du parti de cette année pour atteindre cet objectif ».

Au lieu de dénoncer Blair en tant que criminel de guerre complotant la scission de son parti, Corbyn a exhorté « Tony » à « reconnaître que le nombre d’adhérents au parti est maintenant beaucoup plus important que jamais auparavant » et à comprendre que cela reflète « des aspirations » au changement social et que « les gens ne sont plus prêts à vivre dans une société aussi inégale. »

Blair est pleinement conscient de ce sentiment et, comme ses acolytes, est résolu à empêcher que de telles aspirations ne prenne le dessus sur les intérêts de l’oligarchie financière. Si Corbyn voulait sérieusement honorer le mandat qui lui avait été confié, il exhorterait les membres du parti travailliste à expulser immédiatement tous les députés de droite.

(Article paru en anglais le 8 septembre 2018)

Loading