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Corruption à l'Hôtel de Ville de Paris

Par notre correspondant
18 août 2000

Ces dernières semaines, de nouvelles révélations ont démontré l'ampleur de la corruption et de la discorde qui règnent au sein de certains partis politiques français. Le fait que l'Hôtel de Ville de Paris ait été au centre d'un réseau de favoritisme et de fraude électorale - ce dont l'administration de l'Hôtel de Ville est au courant depuis longtemps - est source de luttes intestines et de chantage dans les milieux politiques français.

Le scandale des fraudes électorales n'a cessé de faire les gros titres depuis mai dernier. Jacques Dominati (premier adjoint au maire de Paris - Démocratie Libérale,) et Guy Legris (commissaire principal à la Direction centrale des renseignements généraux et ancien responsable RPR pour la ville de Paris), un ami de l'actuel maire de Paris, Jean Tiberi (Rassemblement pour la République, RPR), furent les premiers à avoir été soupçonnés d'avoir fabriqué des listes d'électeurs fantômes dans le 3e arrondissement de Paris.

La presse française, l'hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné étant le premier en 1997 à l'avoir relaté, avait par la suite soulevé le problème des fraudes électorales dans le 5e arrondissement, fief de Tiberi avant qu'il ne s'installe dans le fauteuil de la mairie de Paris.

Ce scandale impliquait directement Xavière Tiberi, l'épouse de l'actuel maire de Paris. Le scandale a pris de l'ampleur depuis que Le Canard enchaîné a publié le 4 juillet les révélations de Raymond Nentien, secrétaire général de la mairie du 5e arrondissement de Paris, mettant directement en cause Tiberi. On a mis en sourdine les enquêtes judiciaires concernant ces « irrégularités », et celle du 5e arrondissement fut suspendue pour des raisons de procédure suite à l'intervention de l'avocat de Xavière Tiberi. Depuis, les enquêteurs soupçonnent des fraudes électorales dans au moins quatre autres arrondissements de Paris, dont les faits remontent à 1987 ; portant ainsi le nombre des arrondissements concernés à au moins six sur un total de vingt.

Les réactions de la soi-disant gauche française, suite aux premières révélations, ont exposé son attitude cynique et intéressée en face d'entorses aux principes démocratiques les plus élémentaires. Les Verts ont exigé des enquêtes judiciaires sur plusieurs politiciens de droite, dans le but de faire preuve d'indépendance par rapport au Parti socialiste, selon Yves Contassot, chef de file des Verts à Paris. Le Parti socialiste s'est borné à demander de Tiberi plus de « transparence » en réprimandant les représentants des Verts à l'Assemblée nationale pour faire trop de cas du scandale. Des membres du Parti socialiste ont refusé d'assister à des réunions entre Verts et socialistes dans le but de discuter de l'affaire et, grâce avec l'aide de la ministre socialiste de la Justice, Élisabeth Guigou, ils ont réussi à freiner les enquêtes amorcées a l'instigation des Verts.

Certains membres des Verts ont même prétendu que les réactions mitigées des socialistes relativement au scandale seraient dues à des irrégularités semblables dans les listes électorales du Parti socialiste. Le scandale, qui va croissant, a exacerbé les luttes intestines au sein de la « gauche » française, dont les relations internes sont tout aussi tendues que celles de la droite française.

Et, comme de fait, les rivalités au sein de la droite française n'ont pas manqué de se manifester. Philippe Séguin qui, après avoir démissionné en juin 1999, fut récemment désigné comme candidat officiel au fauteuil de maire de Paris pour 2001, et qui est un rival ardent de Tiberi, a demandé le rétablissement des listes électorales parisiennes et manoeuvre dans le but de s'assurer une position d'outsider du sale trafic d'influence parisien.
Les réactions de l'ensemble des partis politiques français au scandale étaient soit d'atténuer son importance soit de s'en servir pour attaquer des partis politiques adversaires. Aucun parti ou faction ne souhaite toutefois accuser les deux derniers maires de Paris, Jean Tiberi et l'actuel Président de la République, Jacques Chirac, ni tirer la conclusion logique de la découverte d'un vaste réseau d'illégalités dans Paris.

Les dernières révélations du Canard enchaîné font qu'il devient de plus en plus difficile de minimiser l'affaire. L'hebdomadaire montre que les deux derniers maires ont sciemment toléré et dissimulé le favoritisme en vigueur dans la direction de la Sempap, une société privée chargée des travaux d'imprimerie de la ville de Paris après la privatisation de l'imprimerie « de gauche » de la municipalité en 1986. Le Canard enchaîné révéla que Jacques Brats, le directeur général de la Sempap, transmettait 80 % des contrats de la Sempap à une multitude de sociétés dirigées par ses amis ou par des membres de sa famille, et dont les prix payés étaient souvent le double ou le triple de ceux en vigueur sur le marché. Des inspecteurs de la ville de Paris découvrirent ces agissements en 1990 et indiquèrent dans les rapports adressés à la Ville de Paris que leur révélation au grand jour serait « explosive ». Chirac, alors maire de Paris, s'empressa d'insister dans une lettre à l'adresse des enquêteurs et que Le Canard enchaîné publia le 2 août, qu'il jugeait les résultats de leurs travaux comme ayant « la plus grande importance ».

La mairie de Paris ne fit rien jusqu'en 1992 alors que Le Canard enchaîné publia un article dénonçant le favoritisme et l'important gonflement des factures ayant cours à la Sempap. Après que Brats ait organisé des écrans pour ses sociétés favorites, le système démarra à nouveau ; la mairie de Paris endigua tous les efforts entrepris par les juges et les inspecteurs, qui avaient rapidement démasqué les tactiques de Brats, pour le mettre à la porte. En 1996, Jean Tiberi, le nouveau maire de Paris, dissolvait subitement la Sempap tout en conservant l'ensemble des documents susceptibles de compromettre Chirac. En 1997, les juges ouvrirent une instruction judiciaire pour « favoritisme, détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, prise et conservation illégale d'intérêt, complicité et recel » et confisquèrent les documents. Le 26 juillet et le 2 août de cette année, Le Canard enchaîné publiait des articles révélant cette affaire tout en critiquant Chirac pour son inaction.

Un autre mystère surgit de ce scandale décidément bien occulte : pourquoi Tiberi, alors qu'il dissolvait la Sempap en 1996, n'avait-il pas suivi le conseil de son chef de cabinet (également documenté par Le Canard enchaîné) d'éliminer également les rapports des inspecteurs ? Pour l'heure, la réponse n'est pas claire, mais nombreux sont ceux à supposer que Tiberi avait voulu conservé des documents compromettant pour Chirac afin de le faire taire lors d'éventuelles instructions judiciaires concernant le passé de Tiberi dans le 5e arrondissement. Ainsi donc, les politiciens français semblent pratiquer le chantage réciproque, chacun cachant un honteux secret et chacun gardant des détails embarrassants sur son voisin.

Les politiciens français n'ont cependant pas le monopole de l'odieux dans cette affaire. Le Canard enchaîné a exposé l'ensemble des détails du scandale Sempap et a joué un rôle primordial dans la révélation des scandales sur les fraudes électorales ; plusieurs quotidiens dont les moyens dépassent de loin ceux de l'hebdomadaire satirique - tels Le Monde, Le Figaro et Libération, pour n'en citer que quelques-uns - n'ont rien fait pour exposer ces scandales de la vie politique française. Ils se limitèrent tout simplement à mentionner les scandales révélés par les articles du Canard enchaîné sans faire le moindre effort pour s'associer ou supporter les recherches entreprises par Le Canard. Le public devrait également tirer les conclusions de ces affaires quant à la complicité des médias de masse français.

Nous découvrons ici un système de fraude politique, de favoritisme économique et de tentative de censure de la part des médias, qui est le pendant français du scandale politico-financier de la CDU et de Helmut Kohl en Allemagne. Les hégémonies d'après-guerre des partis de centre-droite en Europe se désagrègent, mais aucun parti traditionnel ne pourra vraiment remplacer les partis discrédités, vu qu'ils sont tous, d'une manière ou d'une autre, mêlés à des affaires de corruption. La question de la conscience indépendante et de la direction de la classe ouvrière se pose avec d'autant plus d'insistance.



 

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