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Le Zimbabwe au bord de la guerre civile

Par Chris Talbot
11 août 2000

Le Zimbabwe est confronté à un danger croissant d'effondrement économique et de guerre civile ouverte, surtout à cause des efforts entrepris par les pays occidentaux pour déstabiliser le régime du président Robert Mugabe.

La semaine passée, Mugabe a déclaré que 3 000 fermes appartenant à des propriétaires blancs seraient choisies à fin de confiscation. De ce nombre, 800 fermes étaient déjà identifiées pour être saisies et distribuées aux pauvres de la campagne. Un communiqué gouvernemental précisait qu'il serait fait appel à l'armée pour transférer des millions de paysans sur les terres, un demi million avant que ne commence dans quelques semaines la saison des pluies.

L'opération avait été déclenchée après une série de grèves organisées par l'Union commerciale des fermiers (CFU), syndicat représentant les riches fermiers blancs de Zimbabwe et qui avaient protesté contre les occupations des fermes soutenues par le gouvernement et organisées par l'Association des vétérans de la guerre. Les actions du CFU avaient anticipé un appel à la grève générale lancé par le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) pour étayer le CFU et, de façon plus générale, pour s'opposer à la violence politique exercée par le régime de Mugabe. L'action du MDC fut largement soutenue dans les zones urbaines.

Le MDC, qui est dirigé par Morgan Tsvangirai, également le chef de la ZCTU (Confédération nationale des syndicats de Zimbabwe), est un soi-disant parti réformateur qui soutient ouvertement les exigences du Fonds monétaire international (FMI).

En annonçant un accroissement du nombre de fermes confisquées, Mugabe réagit à des pressions croissantes de la part des pouvoirs occidentaux. En représailles au soutien que Mugabe apporte au mouvement d'occupation des terres, le Congrès américain vient de voter le « Décret pour la démocratie au Zimbabwe en 2000 » qui engage Washington à user de son influence pour bloquer toute aide internationale et toute aide financière au Zimbabwe. Ces mesures s'ajoutent aux sanctions déjà dictées par le FMI et qui sont d'ores et déjà en vigueur.

Entre-temps, la Grande-Bretagne a décidé d'intensifier les activités africaines de ses services secrets MI6 (l'équivalent de la Direction générale de la sécurité extérieure). Un nouveau comité ministériel a été établi et qui a pour fonction de surveiller toute tentative de coup d'état ou de menace de guerre civile en Afrique subsaharienne. Le comité, dont la sphère d'attribution englobera sans aucun doute le Zimbabwe, est dirigé par Clare Short, Secrétaire d'État britannique pour le Développement international. Le Comité a à sa disposition un « fonds de prévention de conflits » dont le montant annuel, s'élevant à 110 millions de livres sterling (177 millions de dollars américains), est destiné à coordonner les opérations du MI6.

L'antagonisme entre la ville et la campagne

Le MDC, basé surtout dans les cités et les villes, s'est aliéné la population des sans-terres et des laissés pour compte de la campagne en s'alliant, d'une part à l'intérieur, aux propriétaires fonciers blancs et, d'autre part sur le plan international, aux États-Unis, à la Grande-Bretagne et au Fonds monétaire international. Mugabe, quant à lui, cherche de plus en plus à transformer le mécontentement rural en un sentiment d'hostilité à l'encontre des cités et de leurs populations laborieuses. La fracture grandissante entre la ville et la campagne contient les germes de la guerre civile. Pour pouvoir expliquer comment la situation en est arrivée là, il est nécessaire d'examiner comment l'actuel état de fait entre Mugabe et les puissances occidentales s'est développé.

Mugabe était arrivé au pouvoir suite à 15 années de lutte armée contre le régime blanc soutenu par les Britanniques dans ce qui était alors la Rhodésie. Bien qu'il n'était jamais à cours de slogans maoïstes, Mugabe était le représentant politique d'une bourgeoisie nationale dont les ambitions étaient contrariés par le caractère raciste du régime. Les accords de Lancaster House de 1980, signés par Mugabe et le gouvernement britannique, avaient sauvegardé les relations capitalistes de la propriété privée ainsi que la domination par des groupes internationaux et une mince couche de riches fermiers blancs sur les secteurs clé de l'industrie minière et agricole. La redistribution des terres était basée sur le principe de « l'accord entre le vendeur et l'acheteur », sous réserve de compensation financée par un fonds d'aide britannique.

Pendant un certain temps, le gouvernement de Mugabe avait été en mesure d'associer la défense des intérêts des milieux d'affaires à des mesures limitées de réformes sociales, s'assurant ainsi une base populaire pour son régime. Il était alors considéré par les pays occidentaux comme un allié précieux et une force stabilisante sur le continent africain.

Mais, au cours de la décennie écoulée, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont insisté de plus en plus pour l'instauration d'un programme de restructuration impliquant d'importantes restrictions budgétaires et l'ouverture de l'économie au capital privé international. Au fur et à mesure que les prix à l'exportation baissaient et que la dette extérieure du Zimbabwe augmentait, les « réformes » dictées par le FMI entraînaient une pauvreté grandissante. Une étude faite par le Programme de développement des Nations unies avait révélé que la proportion des Zimbabwéens vivant dans la pauvreté était passée de 40 à 75% au cours de cette dernière décennie.

Le déclin abrupt des conditions de vie, un taux de chômage de 50% et le caractère de plus en plus répressif du règne de Mugabe provoquèrent une opposition populaire tout en créant les conditions susceptibles de faire surgir de violents conflits sociaux. Conscient de l'ampleur des tensions sociales et politiques, Mugabe ne se vit pas en mesure de satisfaire les exigences du FMI pour une plus grande restriction des dépenses publiques et le retrait de 10 000 soldats zimbabwéens du Congo où ils assurent le soutien du régime de Laurent Kabila.

Il ne pouvait pas accepter des mesures susceptibles de saper son régime. Ceci avait été confirmé par un commentaire publié le 5 juillet dans le New York Times par un économiste occidental anonyme qui s'exprimait dans les termes suivants: « Nous avons tous sous-estimé l'impact social du programme [du FMI]. Et quand nous l'avons enfin reconnu, il ne nous a pas été possible nous retourner assez vite pour offrir notre aide ».

Il y a plusieurs années, les puissances occidentales, la Grande-Bretagne et les États-Unis en tête, avaient décidé qu'il était temps d'en finir avec Mugabe. Tout en supprimant littéralement toutes ressources financières et tous investissements au Zimbabwe, ils encouragèrent la formation du MDC comme une direction de remplacement plus encline à répondre à leurs exigences. Le MDC est basé sur une alliance entre des riches fermiers blancs et des sections de capitalistes noirs ainsi que de la classe moyenne urbaine, issue principalement de la couche plus jeune et qui a grandit durant la période de l'après-guerre civile.

Les syndicats jouèrent un rôle clé lors de la création du MDC, lui fournissant une base populaire parmi la classe ouvrière urbaine. Les fermiers blancs occupant trois des quatre postes directeurs, mais le secrétaire général en est le dirigeant syndical Tsvangirai.

Mugabe n'offre aucune solution progressiste aux menaces et aux ingérences des pays occidentaux. Au lieu de cela, il s'accroche au pouvoir en attisant la colère des pauvres de la campagne non seulement contre les fermiers blancs privilégiés et leurs protecteurs britanniques qui est très certainement justifiée et légitime, mais également contre la classe ouvrière. Les politiques réactionnaires de Tsvangirai et de la confédération des syndicats du Zimbabwe (ZCTU) lui fournissent en cela une aide précieuse.

Depuis près de deux décennies, Mugabe ne se soucie guère de la redistribution des terres, avec pour conséquence une érosion de l'appui populaire dans les campagnes à son régime. Dans le but de mettre fin à ce déclin, et de contrer les provocations des gouvernements occidentaux et des institutions financières, il organisa, au début de l'année, avec l'aide de l'Association des vétérans de la guerre, qui est contrôlée et financée par l'Union nationale africaine du Zimbabwe - Front patriotique (ZANU-PF), l'occupation de centaines de fermes appartenant à des propriétaires blancs. Lors des élections législatives qui eurent lieu en juin dernier, le MDC remporta la majorité des sièges dans les zones urbaines, mais la ZANU-PF remporta une courte majorité grâce à ses sièges ruraux.

En parlant de la ZANU-PF, Mugabe avait déclaré dernièrement: « Nos racines se trouvent dans la terre et non dans les usines. » Les dénonciations régulières par sa clique au pouvoir de la population urbaine pour être les laquais des fermiers blancs et du gouvernement britannique, ont résulté en attaques contre les ouvriers agricoles des exploitations blanches qui ont fini par se propager jusque dans les zones urbaines.

Depuis le mois dernier, l'armée n'a cessé de patrouiller les quartiers les plus pauvres, en tabassant tous ceux qui sont suspectés de soutenir le MDC. C'est cet état de fait qui explique le soutien dans les zones urbaines à l'appel à la grève générale du MDC, plutôt qu'un mouvement de sympathie pour les fermiers blancs.

La question de la terre

Mugabe avait été en mesure d'accroître sa popularité de par l'Afrique entière en exploitant la question de la terre. D'ores et déjà, 5 000 squatters, inspirés par les confiscations au Zimbabwe, occupent des terres au KwaZulu-Natal en Afrique du Sud. À l'issue d'un sommet de deux jours à Windhoek, en Namibie, la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), qui comprend quatorze pays d'Afrique australe, ont sanctionné la position de Mugabe quant à la question de la terre et ont exhorté le président d'Afrique du Sud, Mbeki, de faire pression sur la Grande-Bretagne pour qu'elle verse des dédommagements pour les fermes saisies par le gouvernement de Mugabe.

La question de la propriété de la terre, en Afrique, illustre de façon frappante l'incapacité de toutes les sections de la bourgeoisie nationale de résoudre les problèmes démocratiques et sociaux que la domination impérialiste et le sous-développement économique ont provoqué. Vingt ans après l'indépendance officielle du Zimbabwe, les fermiers blancs possèdent toujours plus de la moitié des terres arables alors que la majorité des ouvriers noirs subsistent sur de petits lopins de terre de qualité médiocre ou encore sont complètement privés de terre. Les noirs d'Afrique du Sud qui représentent 75% de la population, possèdent 25% de la terre et en Namibie, 4 000 blancs possèdent 44% du total.

Pour ce qui est de la politique agraire du MDC, elle est pratiquement identique à celle des propriétaires fonciers blancs et du gouvernement britannique qui exigent que les fermiers blancs soient intégralement indemnisés pour toute expropriation.

Alors que l'état actuel des choses à la campagne n'est ni juste socialement ni viable économiquement, le rôle de Mugabe consiste à utiliser la question de la terre comme une arme politique, sans pour autant avancer une politique rationnelle pour développer l'agriculture, deuxième industrie en importance pour les exportations, après l'or. Le démantèlement de vastes exploitations et domaines agricoles rentables en millions de lopins dépourvus d'eau et de machines agricoles, privés de crédits bon marché et de subventions, prépare le terrain pour un désastre social et économique.

De plus, en dépit de sa rhétorique anti-occidentale, Mugabe continue à défendre les intérêts du patronat aux dépens de la population laborieuse. Tout en promettant d'exproprier les exploitations blanches, son gouvernement a dévalué la monnaie et promit des restrictions budgétaires et des privatisations supplémentaires - des mesures parfaitement conformes aux exigences du FMI et de la politique préconisée par le MDC.

Une solution juste et viable à la question de la terre ne pourra être trouvée qu'au travers du développement d'un mouvement politique et social des travailleurs et des paysans pauvres et opprimés, et qui soit à la fois indépendant des deux camps rivaux de la bourgeoisie nationale. Ceci requiert une nouvelle direction socialiste, armée d'un programme pour la libération du Zimbabwe et de l'ensemble de l'Afrique de l'emprise des groupes multinationaux, du FMI et des banques occidentales.

 

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