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La décision de Bush sur les cellules souches:

Une attaque contre la science médicale et les droits démocratiques

Par Patrick Martin
14 août 2001

La décision, qu'a annoncée George W. Bush lors de son allocution télévisée, d'interdire le financement fédéral pour la quasi-totalité de la recherche sur les cellules souches embryonnaires est une attaque réactionnaire contre la science médicale. Cette décision n'a d'autre but que de gagner la faveur des éléments de l'extrême-droite au sein du Parti républicain.

L'action de Bush est une violation des droits démocratiques. C'est une violation flagrante de la séparation de l'Église et de l'État, qui reprend directement les vues religieuses de l'Église catholique et de certains groupes d'intégristes protestants pour en faire une politique du gouvernement fédéral.

La décision aura un effet dévastateur sur la vie des milliers de personnes souffrant de maladies comme la maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson, ou ayant subi un accident à la colonne vertébrale. La recherche sur les cellules souches est une source potentielle pour découvrir des traitements plus efficaces qui pourrait aller jusqu'à la guérison de ce type de problèmes médicaux. Cette décision souligne l'influence extraordinaire qu'a la droite chrétienne sur le Parti républicain et l'establishment politique américain dans son ensemble, un pouvoir sans aucune commune mesure avec le très petit appui de la droite religieuse au sein de la population américaine.

La vaste majorité des Américains appuie le financement public par le gouvernement fédéral de la recherche sur les cellules souches. Mais la vie et la santé de centaines de milliers de personnes, et en général les progrès de la médecine sont à la merci des préjugés de réactionnaires politiques et sociaux qui n'aspirent à rien de moins que d'être l'équivalent américain des mullahs iraniens.

La politique que Bush a annoncée est le plus contraignant qu'il était possible d'imposer sans carrément bannir tout financement de la recherche sur les cellules souches, ce qui aurait été accueilli par un sentiment général d'écoeurement dans la population. Bush était sous pression non seulement de la part des scientifiques et des défenseurs des victimes de maladie comme le parkinson et le diabète juvénile, mais même d'une partie des congressistes républicains pour accorder une forme de financement à la recherche sur les cellules souches.

Bush a tenté de présenter sa décision comme un feu vert pour la recherche qui mènerait à des traitements pour plusieurs maladies ou pour des déficiences génétiques. Mais il a plutôt limité le financement fédéral aux seules recherches portant sur les lignées de cellules souches qui existent présentement, ce qui aura pour effet de sévèrement restreindre une recherche sérieuse dans ce nouveau domaine.

Bush a aussi annoncé la formation d'un conseil présidentiel pour surveiller la recherche sur les cellules souches et faire des recommandations pour les politiques futures. Le président du conseil est Leon Kass, un bioéthicien conservateur de l'Université de Chicago. Kass est non seulement opposé à la recherche sur les cellules souches, mais aussi à la fécondation in vitro, la principale source des embryons qui ont donné les lignées de cellules souches jusqu'à maintenant.

Même si l'on devait accepter la prétention de Bush qu'il y a déjà soixante lignées de cellules souches disponibles pour les chercheurs, ce qui est contesté par plusieurs scientifiques du domaine qui considèrent le nombre avancé par Bush comme une grossière exagération, le nombre est très faible en regard des besoins de la recherche. Plusieurs de ces lignées de cellules souches ne rencontrent pas les standards du National Institutes of Health, l'organisme américain chargé du financement public de la recherche médicale. Certaines sont trop vieilles, ce qui limitent leurs capacités à se reproduire, d'autres sont la propriété privée des compagnies biomédicales qui ne les offriront pas publiquement alors que d'autres encore ont été développées sur d'autres continents et ne seront pas disponibles pour les scientifiques opérants aux États-Unis.

Soixante lignées de cellules souches est un nombre manifestement trop petit si l'on prend en compte la complexité du champ de recherche et le besoin d'une diversité biologique pour véritablement refléter les variations que l'on trouve chez les humains. Il y a six milliards d'êtres humains sur la planète aujourd'hui, chacun étant une combinaison unique des cent mille gènes qui forment le génome humain. En comparaison des soixante lignées de Bush, il y a cent mille embryons gelés qui sont potentiellement disponibles pour générer de nouvelles lignées de cellules souches aux États-Unis seulement.

Limiter la recherche sur les cellules souches, une discipline scientifique encore dans son enfance, aux seules lignées qui existent aujourd'hui est absurde à sa face même. Comment aurait-on développé de nouveaux antibiotiques si la recherche avait été limitée aux moisissures et aux champignons disponibles lorsque Alexander Flemming a découvert la pénicilline ? Jusqu'où aurait pu aller l'astronomie si l'Église catholique avait banni le télescope après Galilée ?

En grande partie, les médias américains ont présenté la politique de Bush comme « la voie du milieu », comme une décision à la Salomon qui a pris en considération tous les points de vue significatifs. De telles balivernes disent moins sur l'annonce de Bush que sur l'indifférence des médias sur les questions des droits démocratiques et de liberté scientifique.

Le discours de Bush était une manifestation de la médiocrité et de la couardise de l'homme. Le président a soulevé ce qu'il a appelé « les questions fondamentales », surtout si un embryon devait être considéré comme étant une vie humaine. Mais il n'a pas donné de réponse à sa question, parce que s'il l'avait fait, il aurait dû adopter une position rejetée par une proportion écrasante de la population américaine. En fait, trois quarts de son discours aurait pu servir à annoncer le financement plein et entier de la recherche sur les cellules souches.

Le président américain s'est constamment référé à la morale, et a professé sa dévotion à la « culture de la vie ». Cela venait d'un homme qui en tant que gouverneneur du Texas a envoyé cent quarante-trois personnes, la plupart des pauvres et des membres d'une minorité, à la mort dans une chambre d'exécution de l'État, et qui en tant que commandant-en-chef de l'armée américaine prolonge l'embargo barbare contre l'Irak, responsable de la mort de plus de cinq cent mille enfants depuis la fin de la guerre du Golfe Persique.

Le critique de télévision au Washington Post, Tom Shales, a noté : « Un homme qui prétend être président des États-Unis était à la télévision hier soir pour annoncer et discuter sa décision sur la recherche sur les embryons humains ... Il semblait en grande partie confiant et calme, mais il y a au plus profond de ses yeux un quelque chose d'égarement, peut-être même de terreur. »

Shales a continué : « Le discours de Bush semble être ce que les gens dans cinquante ou cent ans de maintenant pourront considérer comme un exemple de l'ancien temps où tout était simple, avant que le clonage ne soit banal et la recherche sur les cellules souches ait aidé à guérir plusieurs des maladies les plus pernicieuses qui frappent l'humanité. »

On ne trouve pas beaucoup ni très souvent de tels commentaires dans les médias américains qui ont pour la plupart louangé le discours de Bush, prenant une syntaxe tortueuse et un trac évident pour une présentation soignée. On n'a pas vu non plus de suggestion dans la couverture de presse que le fait que Bush agisse en grand prêtre n'était pas approprié pour une démocratie constitutionnelle où le président est supposément élu pour prendre des décisions politiques, et non pour promulguer des décrets religieux.

Les politiciens libéraux du Parti démocratique ont eux aussi accueilli sans critique la décision de Bush. Le sénateur Edward Kennedy l'a décrit comme « un important pas de l'avant », n'ajoutant seulement « que ce n'était pas assez ». Le sénateur Tom Harkin, en tête du comité chargé de la loi pour étendre la recherche sur les cellules souches a, à peu de choses près, dit la même chose, ainsi que le leader de la majorité au Sénat, Tom Daschle.

Toutefois, la communauté scientifique et les défenseurs des victimes du parkinson, du diabète juvénile et des accidentés de la colonne vertébrale sont consternés. Le prix Nobel Dr Harold Varmus, le précédent président du National Institutes of Health, a déclaré que limiter le nombre des lignées de cellules souches disponibles aux chercheurs « serait un très mauvais investissement et un investissement très cruel ». Même si on pouvait arrivé à développer des thérapies, a-t-il expliqué, plusieurs ne pourraient en bénéficier parce qu'ils rejetteraient les cellules implantées. Seul un vaste programme de recherche permettrait que les traitements soient disponibles pour tous.

Arthur L. Caplan, le directeur du Centre de bioéthique de l'Université de Pennsylvanie, a émis un communiqué qui rejette entièrement que l'on puisse présenter la décision de Bush comme une décision équilibrée. « Quand un compromis n'est-il pas un compromis ? » demandait-il. « Lorsqu'un président déclare qu'il y a eu compromis mais qu'en réalité il penche entièrement sur un côté ... En limitant la recherche à ces seules lignées de cellules souches, Bush a en fait banni le financement fédéral de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. »

Caplan a remarqué que plusieurs des cent mille embryons maintenant stockés dans les cliniques de fertilité aux États-Unis l'étaient parce qu'ils présentaient des risques de malformation ou encore l'étaient depuis plus de cinq années, ce qui entraînait que leur implantation était très improbable et même dans certains cas, contreviendrait à l'éthique. Il continua : « Le président a déclaré que ces embryons sont aussi importants du point de vue de la morale que des enfants handicapés et que ceux cloués sur une chaise roulante à cause d'un accident à la colonne vertébrale, d'un traumatisme crânien, d'une crise cardiaque ou de la maladie de Parkinson. Ce n'est pas le cas. »

Les « consultations » très médiatisées de Bush depuis deux mois sur la question des cellules souches étaient plus qu'un théâtre cynique. Cela reflétait à la fois la soumission de l'administration Bush aux intégristes religieux et l'accroissement des divisions internes au sein du Parti républicain. En particulier sur la question des cellules souches, les divisions étaient très grandes au sein de l'administration aussi bien que la Maison blanche, aussi bien qu'au sein du Congrès républicain.

Ces divisions trouvèrent un écho dans la réponse à la décision de Bush. Le Comité pro-vie national et les intégristes religieux comme Jerry Falwell, Pat Robertson et James Dobson ont donné leur appui au financement fédéral limité. Le jour suivant l'allocution télévisée de Bush, une aile rivale de l'extrême-droite américaine, qui comprend les Gary Bauer, Phllis Schlafly et Charles Colson, s'est présentée au club de presse nationale à Washington pour dénoncer la décision, certains d'entre eux comparant la recherche sur les cellules souches aux expériences médicales des nazis.

La conférence des évêques catholiques a connu un niveau comparable d'hystérie, réitérant sa position que dès le premier instant de la conception, même s'il n'est composé que de quelques cellules, l'embryon est un être humain qui a les mêmes droits qu'un enfant ou un adulte.

Le discours de Bush voulait compléter la quadrature du cercle : endossant la recherche en général, il se prosternait devant le préjugé religieux quant à ces applications concrètes. Dès la fin de semaine, la Maison blanche courait après sa base dans l'extrême-droite, en promettant de ne pas permettre d'autres lignées de cellules souches que les soixante déjà existantes, même si les recherches arrivaient à des améliorations thérapeutiques révolutionnaires. Le chef de cabinet à la Maison blanche, Andrew Card, a laissé entendre qu'en plus d'interdire le financement public fédéral, Bush appuierait une loi qui rendrait criminel de faire de la recherche sur les cellules souches dérivées de nouveaux embryons, même si celle-ci se faisait dans le privé.

 

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