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Les Etats-Unis et l'Europe divisés sur le rachat de Honeywell par General Electric

Par Chris Marsden
Le 21 Juin 2001

La Commission européenne a bloqué la fusion entre General Electric et Honeywell le 3 juillet dernier.

Le projet d'acquisition de Honeywell par le géant américain General Electric pour un montant de 42 milliards de dollars est devenu le centre des conflits commerciaux qui opposent l'Union européenne aux Etats-Unis.

General Electric (GE) est la plus grosse entreprise du monde et possède des marques telles que Hotpoint. Elle est aussi le principal fabricant de moteurs d'avions. Elle emploie plus de 197 000 ouvriers ­ dont 85 000 pour la seule Europe.

Honeywell emploie plus de 100 000 personnes et fabrique des produits pour l'industrie aéoronautique, ainsi que des systèmes d'automation et des systèmes de contrôle industriels. Elle est aussi un des fournisseurs du secteur automobile.

Les deux sociétés appartiennent au groupe exclusif quoté au Dow Jones des trente firmes les plus importantes, mais elles ont eu récemment des fortunes très diverses. Les profits de Honeywell étaient en baisse de 91 pour cent en avril dernier et la société avait alors annoncé la suppression de 6 500 d'emplois au niveau mondial. En revanche, les profits de GE ont augmenté de 16 pour cent au cours du premier trimestre de cette année, atteignant 3,2 milliards de dollars US, et ce, malgré le ralentissement de l'économie.

C'est en octobre dernier que fut conclu l'accord sur l'acquisation de Honeywell par GE et il aurait été le plus important de l'histoire de l'industrie, augmentant la taille de GE de près d'un tiers. L'opération avait été lancée après la rupture de négociations en vue d'une fusion entre Honeywell et United Technologies (UTC) et GE était en concurrence avec la société américaine Tyco et le groupe allemand Siemens pour l'acquisition de Honeywell.

Les membres du comité antitrust américain ont approuvé l'accord GE-Honeywell en mai, avec cette réserve mineure que le groupe résultant de la fusion devrait vendre une société construisant des moteurs d'hélicoptères. Mais il y a peu de chance que la Commission européenne ne permette que le rachat ne s'effectue, malgré un lobbying intense de la part de l'administration républicaine des Etats Unis.

La Commission est l'instance régulatoire de l'Union européenne et elle peut bloquer fusions et acquisitions ou leur imposer des modifications, même si elles ne sont pas le fait de firmes européennes. Selon la loi européenne toutes les sociétés dont les ventes annuelles dépassent 5 milliards d'euros (4,3 milliards de dollars) et dont les affaires dans les quinze nations de l'Union européenne se montent à au moins 250 millions d'euros (215 millions de dollars) doivent avertir la commission de leur intention de fusionner indépendamment de leur location d'origine.

La commission n'a pas caché sa crainte que le groupe issu d'une telle fusion contrôlerait une part trop importante du marché mondial de l'aéronautique. GE et Honeywell posséderaient à eux deux un quasi-monopole de la fabrication de moteurs pour avions régionaux de grande taille et des concurrents comme United Technologies et Rolls Royce ont pressé les instances régulatrices d'insister sur un désengagement vis-à-vis de certaines opérations ainsi que sur des limitations de marketing. La commission répondit par une déclaration de cent quarante pages où elle présentait ses objections à l'accord, et précisait que GE faisait jouer son pouvoir financier pour influencer les compagnies aériennes et les fabricants d'avions pour qu'ils choisissent les moteurs produits par GE. Elle y réclamait aussi que GE se désengage à valeur de plus de 6 milliards de dollars par an d'un nombre d'opérations aéronautiques.

Si la commission décidait de bloquer l'accord ce serait la première fois que des régulateurs européens rejetteraient une fusion entre sociétés américaines approuvée auparavant par le Ministère de la justice américain.

Le PDG de General Electric, Jack Welch, a rencontré le commissaire européen à la concurrence, Mario Monti, pendant deux jours la semaine dernière et lui a proposé de vendre la branche aérospatiale d'Honeywell, estimée à 2,2 milliards de dollars, ce qui est bien inférieur aux désengagements exigés par la Commission. GE dit avoir été d'accord pour se débarrasser de sa production d'avion régionaux et de certaines parties des systèmes avioniques, mais s'être opposé à la demande de l'Union européenne d'effectuer un transfert en bourse du capital de GE Aviation Services (GECAS), branche financière et société de leasing d'avions hautement profitable de GE. Monti dit que la commission serait d'accord pour accepter des désengagements limités dans l'industrie aéronautique, si les deux sociétés maintenaient « un engagement structurel pour modifier le comportement commercial» de GECAS.

General Electric devait toutefois publier par la suite un communiqué déclarant n'être «pas optimiste quant au fait que la proposition rencontrerait l'approbation des régulateurs européens». Welch avait peine à dissimuler sa colère, lorsqu'il déclarait aux journalistes: «Je voulais achever la transaction mais nous avions toujours dit qu'il y avait une limite au-delà de laquelle nous ne signerions pas l'accord. Les exigences extraordinaires de la Commission vont bien au-delà de cette limite. Cela prouve qu'on n'est jamais trop vieux pour être surpris». Il ajouta que «les exigences du régulateur européen vont bien au-delà de tout ce que [lui]-même ou [ses] conseillers européens avaient imaginé et contrastent fortement avec ce que disent leurs homologues des Etats-Unis et du Canada».

L'Union européenne a jusqu'au 12 juillet pour prendre sa décision et refuser la fusion, mais le fait qu'on s'attend à ce qu'elle s'y oppose a déjà provoqué une forte baisse du prix des actions. Le 14 juin, l'indice Dow Jones des sociétés industrielles qui font le plus de profits fit une chute de plus de 100 points dans la première heure d'ouverture de la bourse, suivi de près par l'indice Nasdaq. La chute des actions de Honeywell et de GE représentait plus du cinquième des pertes enregistrées au Dow Jones et le danger de pertes à venir est évident. Les «hedge funds» [fonds spéculatifs] et les banques d'investissement pourraient enregistrer des pertes énormes si l'acquisition venait à échouer. Les «risk arbitrageurs», qui font de l'argent en exploitant les différences dans le prix des actions de deux sociétés engagées dans une acquisition par l'achat d'actions de la société qui fait l'objet du rachat, détiennent l'équivalent d'un quart à un tiers du stock sans acquéreur de Honeywell ­ 200 à 300 millions d'actions. Une vente à perte éliminerait l'équivalent de 3 milliards de dollars.

Lors de sa première visite en Europe la semaine dernière, le président américain George Bush ne manqua pas d'exprimer sa colère devant la décision de la Commission européenne. Avant de prononcer un discours important de politique étrangère dans la capitale polonaise, Varsovie, il déclara aux journalistes présents: «Je m'inquiète de ce que les européens s'opposent à la fusion». Il avertit que l'Amérique «avait un fort intérêt à ce que GE et Honeywell soient traités de façon équitable». Les remarques du président furent approuvées par le représentant commercial américain Robert Zoellick. L'administration américaine souleva également l'affaire GE-Honeywell lors d'une réunion avec les dirigeants européens à Goeteborg en Suède.

Le secrétaire d'Etat au commerce, Donald L. Evans, qui parlait à des journalistes au Salon aéronautique du Bourget (Paris) la semaine dernière, pressa la Commission européenne d'émettre un jugement plus positif, alors que Zoellick lui, disait à la presse que l'administration Bush, tout en se défendant de contester les pouvoirs souverains de la Commission européenne, était fâchée de la situation de blocage qui existait entre la Commission et les deux sociétés.

Monti réagit en dénonçant la «pression politique» exercée par Bush et d'autres membres de son cabinet et insista pour dire que la fusion serait jugée strictement selon ses mérites légaux et économiques: «Je déplore des tentatives de désinformer le public et de déclencher une intervention politique» dit-il. «Ni la nationalité des sociétés ni des considérations politiques n'ont joué et ne joueront à l'avenir un rôle dans l'examen des fusions, dans ce cas comme dans d'autres.»

La déclaration de Monti est hypocrite. La nationalité est de toute évidence importante quand il s'agit d'une entreprise commerciale de cette taille. Il ne fait pas de doute qu'une décision négative de la part de la Commission renforcerait les sentiments protectionnistes aux Etats-Unis et pourrait conduire à une guerre commerciale ouverte.

L'industrie aéronautique est une arène privilégiée des conflits commerciaux entre les Etats-Unis et l'Europe. Au Salon aéronautique du Bourget, Airbus, le principal fabricant d'avion européen, annonça qu'il avait battu Boeing, son concurrent américain, en s'assurant de la part de ILFC, une société de leasing située aux Etats-Unis, la commande (9,4 milliards de dollars) de cent onze avions, ainsi qu'une promesse d'acheter cinq avions géants A380, capables chacun de transporter huit cents passagers. La branche militaire d'Airbus obtint elle, des ministres de la défense européens, un engagement écrit selon lequel ils achèteraient deux cent douze avions A400M, le premier gros porteur militaire produit depuis bien des années par l'Europe, les contrats devant être signés à la fin du mois de septembre prochain.

A la suite de la déclaration de Bush, le vice-président de Boeing, Harry Stonecipher, accusa Airbus de forcer la main de la Commission en s'opposant à la fusion entre les deux groupes américains. Il avertit, dans une interview au journal Le Monde, que le conflit pourrait s'étendre dans l'arène commerciale. «Les Etats-Unis ont approuvé cette fusion. Si l'Europe la refuse, que se passera-t-il? Nous ne sommes pas exactement des amis, non?" dit il. Il qualifia l'intention de l'Europe d'acquérir plus de deux cents avions cargos A400M «d'absurde» économiquement, l'Amérique pouvant produire ces avions à meilleur marché.

Noël Forgeard, le PDG d'Airbus répondit avec colère qu'il avait eu des discussions étendues avec la Commission et avec Jack Welch, le directeur de GE et qu'il n'avait aucune objection formelle à une fusion. Il accusa Stonecipher de menacer les autorités de la Concurrence européenne de Bruxelles et de faire «des commentaires politiques au plus haut point inconvenants» à l'encontre du président français et de la sécurité nationale de la France.

Le sénateur républicain Phil Gramm dit à la chaîne de télévision CNBC, appartenant en partie à GE: «Je pense qu'il s'agit là de quelque chose d'inquiétant, une chose à laquelle nous devons prêter attention. Le problème de savoir quel pouvoir l'Union européenne doit avoir quand elle traite de deux sociétés qui fondamentalement sont deux sociétés américaines est tout à fait réel.» Depuis, deux membres de la sous-commission anti-trust du Sénat américain, son président, Herb Kohl, et un membre de la «rank minority», Mike DeWine, ont annoncé leur intention d'étudier pourquoi les instances anti-trust américaine et européenne ont abouti à des conclusions si différentes. Ils s'inquiétèrent de l'effet de la position prise par l'Europe sur d'autres sociétés américaines, avertissant que la divergence entre les positions européennes et américaines «empêcherait le développement de marchés libres et ouverts et bloquerait les efforts d'expansion des sociétés américaines sur marché mondial.»


 

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