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Pourquoi y a-t-il tant d'abus sexuels au sein de l'église catholique ?


Par David Walsh
Le 29 mars 2002

Les rapports et les accusations d'abus sexuels perpétrés par des prêtres catholiques romains contre des enfants et des adolescents, la plupart de sexe masculin, continuent d'apparaître dans les médias américains. Le 20 mars, un ancien joueur de base-ball professionnel, Tom Paciorek, et trois de ses frères ont accusé un prêtre de la région de Détroit d'avoir systématiquement abusé d'eux dans les années 1960 alors qu'ils étaient adolescents. Aucune accusation ne peut être déposée car la limite de temps pour déposer des accusations pour ces crimes est expiré depuis des années. Maintenant âgé de 63 ans, le prêtre en question a immédiatement été renvoyé par les autorités ecclésiastiques.

Le problème des abus sexuels perpétrés par des prêtres n'a jamais été bien loin de la première page des journaux au cours des 15 dernières années, mais c'est cette année seulement qu'il a pris la forme d'un scandale national, grâce en partie au jugement du prêtre défroqué Jean-J. Geoghan Jr. de Cambridge, au Massachusetts, accusé d'attentat à la pudeur contre des enfants. Plus de 130 personnes ont déclaré que Geoghan les avaient caressés ou violés lors des 30 années où il a oeuvré dans plusieurs paroisses de Boston. Il a été reconnu coupable en février et condamné à 10 ans d'incarcération dans une prison d'État, la peine maximum possible pour avoir effectué des attouchements sur un garçon de 10 ans en 1991. Geoghan fait également face à plus de 80 autres chefs d'accusation au Civil.

L'affaire Geoghan a suscité la fureur en partie à cause de la quantité impressionnante d'offenses dont il est accusé, mais aussi parce qu'il a été découvert que les autorités ecclésiastiques, notamment le cardinal Bernard Law de Boston, étaient au courant des agissements du prêtre depuis le milieu des années 1980 et que jusque dans les années 1990, il a été simplement muté de paroisse en paroisse. Après que le rôle de l'administration catholique dans la protection de Geoghan a été connu, Law s'est senti contraint de publier les noms de plus de 80 prêtres qui furent accusés d'abus sexuels au cours des 40 dernières années, constituant ainsi un revirement de la politique de l'Église.

Le procès Geoghan et la reconnaissance tacite par l'archidiocèse de Boston d'avoir dissimulé les abus a crevé l'abcès. Depuis janvier, des accusations contre plus de 200 prêtres de 13 États et du District de Columbia ont été déposées et au moins 55 prêtres de 17 diocèses ont été suspendus, mis en congé administratif, forcés de démissionner ou de prendre leur retraite, dont l'évêque Anthony O'Connell de Palm Beach, en Floride. Ironiquement, O'Connell avait pris ses fonctions en janvier 1998 après que son prédécesseur, l'évêque J. Keith Simons, ait reconnu avoir attenté à la pudeur de cinq servants de messe dans les années 1970.

De nouvelles accusations relatives à des abus passés et plus récents (un prêtre de Long Island âgé de 35 ans a plaidé coupable en mars à l'accusation d'avoir eu des rapports sexuels avec un garçon de 13 ans en 1999 et 2000) apparaissent presque quotidiennement. Le problème n'est pas qu'américain. L'archevêque de Poznan en Pologne a été accusé au début de mars d'abuser des séminaristes (il a démissionné le 28 mars); celui de Vienne a été contraint de démissionner en 1998 après des accusations semblables. L'Église catholique romaine d'Irlande a accepté cette année de « verser l'équivalent de 110 millions $US de compensation aux milliers de victimes d'attentats à la pudeur dans les écoles confessionnelles et les orphelinats tout au long du siècle » (New York Times, 20 mars). Une trentaine de prêtres français ont été condamnés au cours des dernières années pour pédophilie et 11 sont actuellement emprisonnés. En Australie, un ancien frère catholique a récemment été condamné à 10 ans de prison pour avoir commis une série d'agressions sexuelles contre de jeunes enfants de 1975 à 1999.

Aux États-Unis, la discussion publique à propos des abus sexuel par des prêtres ne remonte qu'à 1985, (alors qu'un prêtre de la Louisiane avait reconnu avoir attenté à la pudeur de douzaines d'enfants et reçu une peine de 20 ans d'emprisonnement). Il y a toutes les raisons de croire que ces pratiques remontent à beaucoup plus longtemps.

Dans le passé, la plupart des victimes restaient silencieuses à propos des abus, soit par honte ou par crainte des conséquences. Dans les périodes plus récentes et litigieuses, les victimes ont conclu des arrangements hors Cour avec l'Église. On évalue à 1 400 le nombre de poursuites pour abus sexuel intenté contre des prêtres depuis 1985. En 1997, un jury accordait 120 millions $US aux victimes d'abus sexuels devant être versé par le diocèse catholique de Dallas, qui a finalement conclu une entente de 30 millions $US. Cela n'a pas empêché le diocèse de faire banqueroute et de fermer plusieurs de ses organismes et écoles. Des ententes éventuelles dans le cas des poursuites de Boston pourraient également atteindre les 100 millions $US. Dans certains cas, les compagnies d'assurances ont refusé de verser les coûts des grandes ententes en déclarant que ces actes étaient délibérés, donc non couverts par les assurances.

Confrontée à des faits indéniables et aux confessions des prêtres, l'Église catholique a offert de vagues excuses pour la forme. Le Pape Jean-Paul II a commenté pour la première fois le scandale des abus le 21 mars, en disant que l'Église « est préoccupée pour les victimes et cherche la vérité et la justice dans chacune de ces pénibles situations ».

En réalité, la réponse de la hiérarchie ecclésiastique, du moins jusqu'à récemment, a toujours été d'étouffer les accusations lorsqu'elle le pouvait, de les nier sinon, et enfin de conclure des ententes avec les victimes qui souvent comprenaient des garanties de confidentialité lorsqu'elles ne pouvaient étouffer ou nier les accusations. Comme le contexte de l'affaire Geoghan a démontré, les autorités ecclésiastiques ont toujours été guidée par un principe : la défense de l'institution.

En fait, l'Église catholique mériterait d'être condamnée simplement sur la base de ses décennies d'indifférence devant les souffrances psychologiques et physiques d'une quantité inconnue mais énorme de ses fidèles les plus jeunes et sans défense.

La conduite des prêtres coupables d'attentat à la pudeur ou d'autres formes d'abus sexuel ne peut être excusée ou ignorée. Les agressions contre des garçons en majeure partie prépubères traversant une période sexuelle confuse et vulnérable de leur vie sont répréhensibles et lâches. Les conséquences psychologiques sont dévastatrices lorsqu'on pense au type de relation : des enfants et des adolescents abusés dans leur intimité par des hommes dont on leur a enseigné de révérer comme étant des « représentants de Jésus sur Terre ».

On ne peut cependant laisser le problème là. Aussi déplorable que puisse être la conduite des prêtres agresseurs, nous ne sommes pas inclinés, dans ce cas comme dans tout autre, à l'attribuer, pour reprendre les termes de Jean-Paul II, aux « mystères du mal ». Les prêtres en question ne sont pas des monstres. Ce sont des êtres humains, certains sans aucun doute motivés à l'origine à rejoindre l'Église par idéalisme. Ils sont eux-mêmes des victimes de l'Église catholique.

La tentative des autorités ecclésiastiques de blâmer le comportement de quelques prédateurs individuels envoûtés par le mal est absurde. Que les abus soient une vieille pratique et un phénomène mondial démontre qu'il ne s'agit pas d'un comportement aberrant, mais bien de quelque chose de profond dans cette institution et ses pratiques. Contrairement aux prétentions du pape, il n'y a rien de « mystérieux » à propos de la source de ces comportements abusifs qui émergent inéluctablement du célibat inhumain et contre-nature exigé et des pratiques et enseignements médiévaux de l'Église associées à la doctrine du péché originel en matière de sexualité. Après des décennies, sinon même des siècles de dissimulation, les conséquences psychologiquement perverses de ces enseignements et de ces pratiques sont exposées au grand jour.

La crise des abus sexuel perpétrés par la prêtrise souligne le caractère profondément réactionnaire et anachronique de l'Église catholique en tant qu'institution. Ses responsables corrompus et hypocrites vivent comme des rois. Ils prêchent contre le péché et le vice, s'opposent au contrôle des naissances et à l'avortement, invective contre l'homosexualité, défendent avec enthousiasme la censure et la répression intellectuelle, s'allie dans le monde entier avec les pouvoirs en place et rendent généralement la vie misérable à des millions de personnes.

Cette masse de réaction sociale et d'arriérage trouve son reflet dans les rapports personnels au sein de l'Église et entre les prêtres et leurs paroissiens.

Il y a plein de questions liées à la psychologie anormale souvent présente dans la prêtrise allant au delà de cet article. Eugene Kennedy, un ancien prêtre maintenant marié, a écrit sur cette question. À propos des scandales sexuels passés, il révèle « la personnalité misérable, furtive et immature de nombreux prêtres dont les agressions perpétrées contre de jeunes garçons sans défense constituent le symptôme majeur ». Que cela prenne souvent la forme d'agression contre des garçons, alors que ce sont les filles qui en général sont plus susceptibles d'être des victimes dans la société, a moins à voir avec le pourcentage d'hommes homosexuels qui entrent dans la prêtrise qu'avec les occasions sexuelles disponibles pour ces personnes privées de contacts intimes humains et sains d'un côté, et de l'autre, avec une institution caractérisée, pour reprendre les termes de Kennedy, par un « mouvement d'hommes cherchant à dominer d'autres hommes ».

Kennedy parle en détail des tendances autoritaires et sadiques qu'il a rencontré au sein de l'administration de l'Église, des hommes « aux besoins sexuels refoulés... qui seraient horrifiés s'ils parvenaient à les identifier comme leur propre pulsion à contrôler ou dominer les autres ». Il y a un lien évident entre cela et la répression notoire qui sévit dans les écoles catholiques depuis bien plus longtemps encore qu'il y a eu des témoignages ou des nouvelles pour en témoigner.

Chaque aspect de la crise des abus sexuel -la douleur et la souffrance des victimes, la misère et la dysfonction sexuelle des prêtres, l'insensibilité des autorités ecclésiastiques- suggère une institution malade dont les pratiques et les croyances sont contraires aux besoins humains élémentaires et engendrent inévitablement des comportements psychosexuels des plus malsains. L'essence de l'Église catholique disparaît devant la société moderne.

Le célibat des prêtres

L'imposition stricte du célibat pour les prêtres est relativement récente. Il n'y est fait aucune référence dans le Nouveau testament; en fait, tous les apôtres étaient apparemment mariés. Dans son essai sur l'histoire de l'ancienne chrétienté, Friedrich Engels note un « phénomène commun à toutes les époques de grande agitation, que les liens traditionnels des rapports sexuels, comme toutes les autres entraves, sont ébranlés ». Alors que l'Église catholique se consolidait en institution d'État, sa tolérance de la liberté sexuelle diminua et son exaltation de la virginité comme une condition approchant la divinité augmenta. La première tentative systématique d'imposer des lois antimaritales au sein de l'Église remonte au IVe siècle avec la déclaration de l'empereur Constantin faisant de la chrétienté la religion officielle de l'empire romain.

Au cours des siècles qui suivirent, les pressions pour imposer le célibat s'accrurent, sans que l'Église ne parvienne à convaincre les prêtres de s'abstenir d'avoir des relations sexuelles. Au Xe siècle, un historien note : « les statistiques ne sont évidemment pas disponibles, mais il est généralement admis que la plupart des prêtres ruraux étaient mariés et que de nombreux membres du clergé urbain et évêques avaient des femmes et des enfants ». Le plus fervent partisan du célibat fut Grégoire VII (1073-1085), mais l'étape décisive fut prise au Second conseil Lateran de 1139. Les prêtres devinrent alors non mariables par définition, et ceux qui se marieront après avoir été ordonnés furent contraints de divorcer. Cependant, puisque la cérémonie du mariage n'était pas encore entièrement sous la juridiction de l'Église, les prêtres qui se mariaient secrètement pouvaient continuer à servir. Cet échappatoire fut effectivement fermé en 1563 lors du Conseil de Trent, qui introduisit la nécessité que les mariages chrétiens soient célébrés par un prêtre.

L'imposition du célibat rencontra une résistance ouverte. Les membres des autorités ecclésiastiques qui tentèrent d'appliquer les décrets de Grégoire furent ainsi injuriés, ils se firent craché dessus et même agressés physiquement. Un opposant clérical soutint que Grégoire « cherchait à forcer les hommes à vivre comme des anges.... en s'opposant au cours normal de la nature, il ne faisait qu'encourager la débauche ». L'opposition au célibat se poursuivit. Une des formes qu'elle prit devint ce que l'on appela la réforme protestante. Martin Luther, qui se maria en 1524, affirma qu'il n'y avait aucun écrit sur lequel le célibat pouvait être basé.

Au sein de l'Église même, bien des prêtres continuèrent d'ignorer l'interdiction du mariage. En Espagne, le mariage des prêtres était apparemment une pratique établie au XVIe siècle. Un autre historien écrit que « le célibat a connu des reculs pendant les Lumières et la Révolution française, où fut proclamé en 1791 qu'aucun homme ne pouvait se voir interdire de se marier. Des milliers de prêtres français prirent femme ».

Bien que l'opposition d'origine de la hiérarchie catholique au mariage des prêtres était sans aucun doute conditionnée par des siècles de propagande antisexuelle, elle avait surtout des fondements pragmatiques et matériels, principalement dans la question de la terre et de la propriété de l'Église. Le fait que les prêtres et les diverses autorités ecclésiastiques puissent céder leur propriété à leurs héritiers préoccupait grandement Grégoire et les autres papes. Dans certains cas, les clercs étaient propriétaires des églises et des monastères et les cédaient à leurs enfants ou leurs parents. La domination séculière sur la propriété de l'Église pouvait s'étendre sur des générations. La question devint pressante pendant les Xe et XIe siècles. Il n'est pas difficile de voir pourquoi Grégoire et ses partisans ont dénoncé le droit de propriété et le mariage cléricaux.

Les historiens ont également évalué les préoccupations politiques. Ainsi, la privation d'un domicile et d'une famille pour un prêtre tendait à affaiblir son sentiment national, assurait sa soumission à l'autorité centrale de Rome et en faisait un instrument plus malléable entre les mains de l'autocratie papale.

Rien de cela n'explique pourquoi l'Église catholique soutient toujours avec tant de véhémence le célibat des prêtres aujourd'hui. Après tout, la raison semblerait pencher en faveur du droit au mariage pour les prêtres. Environ 20 000 hommes ont laissé la prêtrise aux États-Unis de 1970 à 1995, et 100 000 en tout dans le monde, la majorité pour se marier. Une étude américaine menée en 1990 chez les jeunes hommes catholiques a révélé qu'ils considéraient le célibat comme le principal obstacle pour adopter la prêtrise.

Le célibat et la chasteté sont reliés à la doctrine catholique antirationnelle et mystique. Les préjugés antisexuels (le plaisir sexuel a été créé par Dieu comme la récompense pour effectuer un acte qui est dégoûtant en soi et pénible dans ses conséquences ») ont été qualifiés d'« humains » par des savants catholiques dans un ouvrage de 1929. L'Immaculée conception, le non sens de la sainte Trinité et des autres pans de l'enseignement et du dogme catholiques sont indissolublement liés ensemble. Il est très difficile d'en retirer un élément sans que tout l'édifice ne s'écroule.

En fait, plus l'humanité prend conscience d'elle même et que le Monde devient profond, plus l'Église catholique choisit de s'enfoncer sur le plan doctrinal. Elle continue de défendre des croyances tout à faits minées par la science et la technologie, et même la science et la technologie d'un siècle déjà bien dépassé. Du point de vue hiérarchique, l'abandon du célibat et d'autres pratiques par l'Église à ce point-ci constituerait une concession intolérable au rationalisme et à la laïcité.

Il faut rappeler que des éléments essentiels du dogme catholique n'ont été introduits ou codifiés qu'au XIXe siècle , notamment la doctrine de l'Immaculée conception (la croyance selon laquelle Marie, la mère de Jésus, serait la seule personne à être jamais née sans porter la « tâche du péché originel ») en 1854 et l'infaillibilité papale en 1870. L'Église s'est consolidée et réarmée en réaction à la menace intellectuelle représentée par les Lumières, le darwinisme et la modernité en général, la menace de la révolution sociale (des soulèvements à la grandeur de l'Europe eurent lieu en 1848 et la Commune de Paris fut établie en 1871) et la progression du socialisme. En 1878, le pape Léon XIII publia une encyclique dirigée contre la « peste mortelle » promulguée par les « socialistes, les communistes et les nihilistes » qui proclamaient publiquement « le renversement de la société civile ».

Un autre facteur influençant probablement la défense du célibat est que c'est l'une des questions qui depuis la Réforme divisent l'Église catholique des diverses sectes protestantes. Un important rétrécissement de ce schisme soulèverait la question : comment se distingue le catholicisme ?

De plus, comme toute bureaucratie réactionnaire, surtout lorsqu'elle détient une expérience aussi vaste, l'administration catholique reconnaît instinctivement que toute institution démodée est plus vulnérable lorsqu'elle tente de se réformer. Après avoir vigoureusement préservé le célibat des prêtres pendant des siècles, l'abandonner maintenant équivaudrait pour l'Église à déclencher une crise incontrôlable. Les véritables critiques réformistes ne seraient pas suffisamment satisfaits et les éléments conservateurs seraient déçus et furieux. Les autorités ecclésiastiques ont calculé qu'il est préférable d'ignorer les réalités de la vie moderne en plaçant les prêtres dans une position impossible et en mettant les enfants et les adolescents en danger que de voir l'effritement possible de toute l'institution.

 

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