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La droite française se regroupe au sein d'un nouveau parti

Par Francis Dubois
4 décembre 2002

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Les partis traditionnels de la bourgeoisie française se sont fondus dans une organisation unique, l'Union Pour un Mouvement Populaire (UMP) lors d'un congrès fondateur tenu au Bourget le dimanche 17 novembre. Ont ainsi fusionné le Rassemblement Pour la République (RPR), qui forme l'ossature du nouveau parti, Démocratie Libérale (DL) et Union Démocratie Française (UDF). La présidence du nouveau parti est allée à l'ancien premier ministre RPR Alain Juppé (1995-1997), un proche du Président de la république, Jacques Chirac. "La création de notre union représente un tournant politique majeur. Nos familles - gaulliste, démocrate-chrétienne, libérale, radicale, sociale et indépendante - se sont pour la première fois rassemblées dans un seul et grand mouvement qui transcende désormais leurs anciennes frontières " explique la charte de la nouvelle organisation.

Toute la droite classique ne s'est toutefois pas associée à la construction de l'UMP. Une partie de l'UDF, sous la conduite de François Bayrou, s'est refusée à rejoindre la nouvelle formation. D'autres dirigeants gaullistes comme Charles Pasqua (Rassemblement pour la France - RPF) ou encore Philippe Seguin (ex-président du RPR), tous deux de la mouvance anti-européenne, ont fortement critiqué la formation de l'UMP.

Le congrès du Bourget devait montrer l'UMP comme un parti populaire de masse, les organisateurs voulurent une participation massive qui donne la mesure de ce que ses dirigeants ont qualifié d'« événement historique ». Quinze mille personnes furent donc acheminées de toute la France dans ce but. Le congrès fut l'occasion d'applaudir la politique du gouvernement et de permettre aux principaux politiciens de la majorité de droite de se faire plébisciter. Bien que Jacques Chirac soit de fait le principal leader de l'UMP il ne fut pas présent au congrès, vraisemblablement pour ne pas donner prise à ceux de ses détracteurs qui voient dans le nouveau parti une machine électorale au profit du Président lui-même ou de son protégé, Juppé.

Le nouveau parti dit bien vouloir recruter dans toutes les couches sociales et se veut capable d'attirer les jeunes, les « actifs », les salariés et les intellectuels. Mais l'UMP est loin d'être un parti de masse. Le nombre d'adhérents déclaré à la date du congrès, 164500, était de l'aveu même des dirigeants fortement surévalué. On l'estime généralement autour de 80.000. Les chiffres de ceux qui ont participé aux divers votes destinés à approuver le nom du parti, le sigle (un chêne blanc sur fond bleu et rouge), la charte, les statuts et le règlement intérieur n'atteint qu'environ 30 000 personnes. Alain Juppé a été élu président de la nouvelle formation avec 79,42% des suffrages exprimés ce qui ne représente en chiffres réels que 37.822 voix. Le fait qu'on a plus affaire ici à une fusion d'appareils qu'à la naissance d'un parti de masse est encore plus évident si l'on compare l'UMP au Parti communiste français qui en 1994 avait encore 590 000 membres (il n'en a plus actuellement qu'environ 100 000) ou encore à la CDU (Union Chrétienne Démocrate) allemande qui compte près de 600 000 membres.

Le nouveau parti dit se situer au centre droit sur la scène politique mais ses frontières politiques sont loin d'être précises. On entretien le flou quant à l'orientation : on n'a pas même décidé s'il s'agit d'un parti de centre droit ou d'un parti ouvertement de droite. Une des intentions affichées est de vouloir faire concurrence aux Verts et au lobby catholique. L'UMP a ainsi son courant écologique, « Ecologie Bleue », et on a associé Christine Boutin, candidate anti-avortement à élection présidentielle. On a aussi fait de la place à un courant souverainiste, « Debout la France », qui obtint 14,91% des suffrages lors de l'élection à la présidence du nouveau parti. On a bien tenu à distance des politiciens RPR et UDF qui avaient collaboré avec le Front National dans les conseils régionaux et voulaient rejoindre le nouveau parti, comme Charles Millon et Jean-Pierre Soissons, mais en déclarant qu'on ne pouvait pas les écarter à jamais. Dans les jours qui ont suivi le congrès, plusieurs dirigeants du parti ultra-droite de Philippe de Villiers, Mouvement pour la France ont rejoint l'UMP.

L'UMP se base sur le Partido Popular (PP) Espagnol. Le chef du PP, Jose Maria Aznar était, avec Angela Merkel, la dirigeante de la CDU allemande et Jose Manuel Durao Barroso de la droite portugaise, l'un des principaux invités du congrès où il présenta son parti en exemple. Aznar était devenu président du PP en 1989 et y avait rassemblé les démocrates-chrétiens, les libéraux, et l'Allianza Popular franquiste, dont il faisait lui même partie. L'UMP propose aussi une collaboration au niveau européen avec la CDU/CSU, le PP et la droite portugaise.

Le programme de l'UMP

La charte de la nouvelle organisation laisse clairement apparaître derrière un langage « politiquement correct » et la sollicitude envers « les plus faibles et les plus démunis d'entre nous », les valeurs chères au Medef, l'organisation patronale. On y explique sous les titres de Liberté, Responsabilité et Solidarité que l'individu prime sur la société « Nous croyons au destin individuel de la personne plus qu'au déterminisme social » (Liberté).

Sous le titre de Responsabilité on y suggère, contre toute évidence, que tous sont égaux devant la loi et on y rappelle que l'autorité de l'état doit être à la base de toute vie sociale « La vie en société passe par le respect de la loi. Selon que la responsabilité existe ou disparaît, la vie en commun peut être facile ou, au contraire, insupportable. L'autorité de l'Etat et la justice doivent assurer que chacun réponde de ses actes ».

Quant à la Solidarité, l'UMP la conçoit avant tout en dehors du système social hérité de l'après-guerre. La solidarité doit « respecter l'individu. Elle ne doit pas se transformer en assistanat, par une distribution uniforme d'aides qui conduit à une forme d'accoutumance ».

La charte se dit relativement ouverte vis-à-vis des immigrés. Elle souligne bien que « Nous sommes d'abord Français » mais elle se réclame de la « richesse des différences » et de l'intégration volontaire : « Ceux qui choisissent de vivre en France doivent adhérer aux valeurs de notre République par une démarche volontaire, sans reniement, mais en s'ouvrant à l'identité française. En contrepartie, l'état doit garantir l'égalité des chances » explique la charte. A l'évidence, l'UMP ne veut pas effrayer les électeurs potentiels parmi les immigrés commerçants qui sont souvent très conservateurs.

La charte ne mentionne plus le gaullisme comme identité politique distincte.

Le programme politique de l'UMP est lui déjà en action, c'est celui poursuivi actuellement par le gouvernement Raffarin. Ce gouvernement est voué à imposer un programme qui place la classe capitaliste dans une position « compétitive » et lui permet de s'adapter aux transformations du capitalisme international (« la modernisation du pays »): la refonte sociale inspirée par le Medef, la décentralisation, la réorganisation du marché du travail, la réforme de la fiscalité au profit des plus riches, l'abandon d'une politique de dépenses sociales financée par les impôts et contrôlée par l'état, et bien sûr les préparatifs de guerre. Il met en place les moyens d'imposer cela c'est-à-dire détruit les libertés démocratiques et prépare un état policier.

Les causes de la fusion

La réunification de la droite française fut débattue à de nombreuses reprises dans les dix dernières années, mais elle était resté à l'état de velléité. Elle avait pour la première fois été lancée par Edouard Balladur (RPR) en 1988 et plusieurs tentatives d'accord avaient été entreprises par les dirigeants RPR au cours des trois dernières années. On avait bien fondé France Alternance en 2001 puis en avril de la même année l'UEM (Union en mouvement), sans pourtant parvenir à en faire un parti. Lors de la dernière élection présidentielle chacune des trois principales tendances avaient encore chacune aligné son propre candidat.

Ce qui rendit la construction de l'UMP possible est le fait que Chirac fut capable de saisir l'occasion qui se présenta à lui lors de l'élection présidentielle d'avril 2002. Chirac et ses conseillers comprirent vite l'ampleur de l'effondrement de la Gauche plurielle et surtout le soutien politique que celle-ci, avec la bureaucratie syndicale et l'extrême gauche, lui apporta. L'attaque systématique des conditions de vie et de travail par les sociaux démocrates, les staliniens et les Verts au gouvernement conduisit à la débâcle de la Gauche gouvernementale, Chirac arriva en tête du premier tour avec moins de 20% des voix, le fasciste Le Pen second avec près de 17% . Le 23 avril, deux jours après le premier tour de l'élection présidentielle, les chiraquiens créent un «grand parti de droite et de centre droit» sous le nom d'UMP. La transformation de l'UEM en UMP est rendue officielle le 26 avril. Depuis les élections législatives l'UMP a la majorité absolue à l'Assemble nationale et constitue le gouvernement.

Mais c'est surtout le soutien politique que lui a donné la Gauche plurielle et les organisations radicales entre les deux tours de l'élection présidentielle, alors que la crise politique du régime était visible pour tous, qui ont rendu la création du nouveau parti possible. Chirac n'eut pas à faire campagne. Il laissa ce soin aux sociaux démocrates, aux staliniens et à l'extrême gauche. Il put se concentrer sur la formation d'un nouveau parti de droite. D'un politicien réactionnaire et discrédité on fit un défenseur de la démocratie et un garant de la justice sociale. Après une telle campagne Chirac obtint un véritable plébiscite, ce qui lui donna l'autorité et le crédit politique suffisant pour réunir la droite, gagner les élections législatives au mois de juin et lancer l'UMP pour de bon.

Mais il y a encore un autre facteur derrière la formation de l'UMP, la nécessité pour la bourgeoisie de se regrouper face à l'exacerbation des tensions sociales à l'intérieur du pays et l'aggravation des conflits impérialistes à l'extérieur. Les énormes tensions sociales dont on a encore pu se faire une idée au moment de l'élection présidentielle et dans les grèves des dernières semaines, imposent aux partis de la bourgeoisie de se réunir face à la classe ouvrière. La nécessité d'imposer une politique au profit de la minorité ultra riche aux dépends de la grande majorité, qui de surcroît ne peut se faire qu'en détruisant les droits démocratiques, exige un ralliement de toute la droite autour d'un même parti. Il y a un parallèle entre la situation actuelle et celle de 1958 où les partis bourgeois de la 4e république se regroupèrent tous derrière De Gaulle alors que la bourgeoisie française était confrontée à la menace d'une guerre civile sur le problème algérien.

Au niveau de l'Europe il s'agit aussi de collaborer plus étroitement avec la droite européenne contre la classe ouvrière de l'ensemble du continent et empêcher celle-ci d'agir de façon commune. C'est ainsi que la formation de l'UMP fut placée sous le signe de la collaboration avec la droite européenne. Non seulement les dirigeants de trois autres partis européens on prononcé les discours les plus importants après ceux de Juppé et de Raffarin, mais encore quatre cent personnalités internationales étaient présentes au congrès. Raffarin, Juppé et Douste-Blazy étaient tous présents au quinzième congrès du PPE (Parti populaire européen) qui s'est tenu au Portugal récemment.

Tensions internes

L'union des droites françaises est une alliance imposée par les circonstances et dont le ciment n'est pas forcément de bonne qualité. Une des questions les plus débattues dans la presse dans les semaines qui ont précédé la formation de l'UMP, fut avec la nécessité de mettre fin aux querelles internes, la façon dont les dissensions réelles entre les diverses tendances peuvent être non pas surmontées mais gérées. La question de la cohabitation des diverses tendances est loin d'être réglée. Un politologue interrogé par Le Figaro estime que sous l'unité de façade les diverses tendances continueront de s'opposer : « A chaque niveau du vaste jeu d'échelles dans lequel se trouve actuellement la France, tiraillée entre le régional, le national, l'européen, et maintenant les effets socio-économiques mais aussi culturels de la globalisation, jacobins et décentralisateurs, souverainistes et fédéralistes, protectionnistes et libre-échangistes s'opposent et s'opposeront ».

A l'UMP on en est bien conscient. Son site Internet insiste sur le fait que la discipline doit ainsi primer sur le « débat d'idées ». On donne ici encore en exemple la CDU allemande et le PP espagnol. Pour Jérôme Monod, conseiller politique de Chirac, « les courants, qui conduisent inévitablement à la création d'écuries présidentielles, ne sont pas les bienvenus au sein de la nouvelle formation » explique le journal Le Monde.

L'apparente solidité de l'UMP comme celle du PP espagnol ou du Forza Italia de Silvio Berlusconi et leur apparente réussite sont principalement dus à l'effondrement du libéralisme social et de la gauche rénovée, tout comme la réussite des républicains derrière George W. Bush est uniquement due à l'abandon de toute opposition de la part des démocrates aux Etats-Unis. Les commentaires de la presse de droite comme ceux des dirigeants UMP sont d'ailleurs dominés par la crainte justifiée que la lutte des tendances ou le conflit des personnalités ne s'enflamme à nouveau et ne vienne tout gâcher. Juppé lui même avait déclaré à la veille du congrès de fondation « Le plus important reste à faire : que ce nouveau parti grandisse, qu'il soit moderne et proche du peuple et qu'il compte des centaines de milliers d'adhérents ». Seule la trève politique et sociale dont la Gauche a fait bénéficié la droite lui a permis de se regrouper. On a pu mesurer la force et la confiance de la droite réunie à la rapidité avec laquelle le gouvernement Raffarin a montré les dents dès que les grèves ont commencé.

Ce qui permet à ces formations de se restructurer et de mener leurs attaques avec la permission de la soi-disant gauche politique et syndicale, c'est l'actuel manque de perspective dans la classe ouvrière.

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