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L'assassinat de Daniel Pearl

Par David North
23 février 2002

Pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le chauvinisme ou même de la sympathie pour la politique de guerre de l'administration Bush, l'assassinat du journaliste Daniel Pearl, a généré un sentiment de révulsion et beaucoup de tristesse. Dès la publication des premières photographies, montrant Pearl en captivité - les mains liées et une arme automatique pointée sur la tête ­ on voyait le jeune homme comme un être humain dans une situation désespérée, tenu responsable pour des événements sur lesquels il n'avait aucun contrôle. Nous apprenons maintenant que Daniel Pearl a été assassiné et bien des gens, au-delà du cercle de la famille, des collègues et des amis, pleurent aujourd'hui sa mort.

Daniel Pearl était un homme très cultivé et un journaliste talentueux. Ses écrits mettaient en relief le caractère schizophrénique du Wall Street Journal, dont le bavardage réactionnaire du bureau de rédaction est régulièrement contredit par les reportages consciencieux de ses meilleurs correspondants. Une rétrospective des articles de Pearl démontre qu'il maintenait une attitude objective et indépendante envers les événements qu'il couvrait et qu'il ne craignait pas de livrer des informations qui contredisaient les affirmations du gouvernement américain et des éditorialistes du Wall Street Journal.

En 1998 Pearl est allé au Soudan suite à la destruction de l'usine de la compagnie El Shifa Pharmaceutical Industries par des missiles de croisière américains. Le gouvernement Clinton avait justifié l'attaque sur la base d'une guerre contre la fabrication d'armes chimiques dans laquelle l'usine était soi-disant impliquée. L'enquête de Pearl a remis en question ces allégations de l'administration. «Les liens dans la chaîne d'événements établis par les représentants officiels des États-Unis sont plus faibles que ce qui est suggéré par les premiers reportages», a écrit Pearl. Il a en outre souligné que la plupart des informations utilisées par l'administration pour justifier l'attaque avaient été obtenues des dissidents soudanais qui agissaient dans leur propre intérêt.

Une autre série remarquable d'articles a porté sur les allégations de génocide au Kosovo. Admettant que les forces yougoslaves avaient commis des «actes haineux», Pearl (en collaboration avec Robert Block) a écrit que «d'autres allégations ­ assassinats de masse, viols collectifs, incinération et mutilation de cadavres ­ n'ont pas été prouvées depuis que l'OTAN est entré au Kosovo il y a six mois. Des militants albanais, des organisations humanitaires, l'OTAN et les médias se nourrissent mutuellement pour donner de la crédibilité aux rumeurs de génocide. Maintenant, une réalité bien différente commence à émerger.»

Il est très douteux que les assassins de Pearl se soient le moindrement intéressés à ce qu'il écrivait ou pensait. Ceux qui assassiné Pearl ont fait preuve d'un degré épouvantable de lâcheté et de faillite politique. Même en laissant de côté toutes considérations d'ordre morale ou humain (ce qui est difficile si l'on prend la politique au sérieux), l'assassinat de Pearl n'a pas, de quelque manière concevable que ce soit, miné la politique militaire et belliqueuse de l'administration Bush. L'assassinat cruel et inutile d'un individu ­ qui ne porte évidemment pas la moindre responsabilité pour les actions du gouvernement américain ­ ne sert qu'à provoquer le dégoût et à perpétuer un environnement politique qui facilite la commission d'actes de violence à grande échelle par les États-Unis contre les populations de l'Asie Centrale et du Moyen-Orient.

Il faut résister et rejeter les efforts du gouvernement américain et des médias d'utiliser la mort de Pearl à des fins réactionnaires et militaires. Reconnaître que l'assassinat de Pearl a des causes politiques beaucoup plus profondes que les motifs immédiats de ceux qui ont organisé son rapt ne constitue pas une excuse ni une justification pour le terrorisme. La terrible vérité est que la fin tragique de Pearl, aussi injuste et non méritée soit-elle, est la conséquence de la politique impérialiste américaine. Lorsque le Wall Street Journal écrit dans sa nécrologie pour Pearl que « Danny n'est pas différent des milliers d'américains morts le 11 septembre » il en dit plus long qu'il ne pense.

Daniel Pearl, tout comme les 3000 autres personnes innocentes mortes dans l'attentat du 11 septembre, est une victime de la politique poursuivie par les États-Unis. Leur mort est une conséquence des décisions réactionnaires et implacables prises par Washington au cours des 20 dernières années dans sa lutte pour le contrôle des réserves de pétrole et la défense de ses intérêts géostratégiques impérialistes.

Nous le réitérons : expliquer les origines politiques et sociales du terrorisme, ce n'est pas le justifier. La déclaration du Wall Street Journal que la mort de Pearl «est un rappel terrible, comme tant d'autre depuis le 11 septembre, que le mal menace toujours ce monde» est un non-sens machiavélique qui n'explique rien.

Est-il si difficile de comprendre que la violence avec laquelle les États-Unis répondent à tous ceux qui leur barrent la route puisse provoquer la colère et la rage parmi des millions de personnes à travers le monde? Pour ne citer qu'un petit exemple de la brutalité et l'arrogance du gouvernement américain : le jour même de la confirmation de l'assassinat de Pearl, le secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, admettait que les troupes américaines avaient tué par erreur 16 combattants anti-talibans, mais sans exprimer le moindre regret.

Il ne faut pas une très grande perspicacité politique pour comprendre que le désir de vengeance était un facteur subjectif dominant dans la décision de tuer Pearl. Sur ce point au moins, le point de vue des assassins de Pearl n'est pas si éloigné de celui des commentateurs les plus lus aux États-Unis. Il y a une semaine seulement, dans un commentaire élogieux du discours de Bush sur «l'axe du mal», Thomas L. Friedman du New York Time avait la chose suivante à dire : «Le 11 septembre est arrivé parce que l'Amérique a perdu sa capacité dissuasive. Nous l'avons perdue parce que nous n'avons jamais, vingt ans durant, réprimé ou amené devant la justice ceux qui ont assassiné des Américains. Des innocents américains ont été tués et nous n'avons rien fait.

«Alors nos ennemis nous ont pris de moins en moins au sérieux et sont devenus de plus en plus sûrs d'eux

«Les ennemis de l'Amérique ont flairé la faiblesse qui nous couvrait tout entier et pour cela, nous payons très cher »

En ne changeant que quelques mots, les terroristes pakistanais pourraient utiliser les arguments de Friedman afin de justifier l'assassinat de Pearl : «Nous avons failli dans notre tâche de riposter à l'Amérique des Arabes innocents sont morts, des Afghans et des musulmans ont été tués et nous n'avons rien fait l'Amérique nous a pris de moins en moins au sérieux et est devenue de plus en plus sûre d'elle.»

Le pompeux et belliqueux chroniqueur américain et le terroriste islamiste ont beaucoup plus en commun, en ce qui concerne leur façon de penser, qu'ils ne se l'imaginent eux- mêmes. Ils pensent tous deux en termes ethniques, religieux et de stéréotype national. Ils croient tous deux dans la violence qui les hypnotise. Aucun ne peut imaginer un seul instant qu'il existe la possibilité de bâtir un monde libéré de l'engrenage des conflits et des luttes ethniques, un monde basé sur la véritable égalité et solidarité sociales, et nettoyé de toute violence et oppression.

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