wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

À la veille du voyage de Carter à Cuba

L'administration Bush divisée sur l'embargo anti-castriste

par Bill Vann
11 mai 2002

Le voyage de six jours de Jimmy Carter à Cuba, le premier que fera un président ou ex-président depuis que la révolution de 1959 a renversé la dictature de Fulgencio Batisto qu'appuyait les États-Unis, a jeté la lumière sur l'intense lutte intestine au sein de l'administration Bush sur la question de l'embargo économique de l'île qui dure depuis quarante ans.

La visite de Carter, qui a commencé le 12 mai, comprendra des rencontres avec le président Fidel Castro et des dissidents politiques ainsi qu'une émission à la télévision d'État cubaine. Elle a l'appui de puissantes sociétés aussi bien que celui des politiciens démocrates et républicains.

Ces couches voient le voyage de l'ex-président comme un pas vers la levée de l'embargo qui interdit aux entreprises américaines de faire affaire avec Cuba, alors que leurs rivaux européens, japonais et canadiens peuvent déjà récolter d'importants profits grâce au commerce ou à leurs investissements dans l'île des Caraïbes.

Toutefois, le lobby des exilés cubains, des anti-communistes virulents, a dénoncé la visite pour pratiquement être une trahison. Le Miami Herald a récemment publié une lettre enragée que deux Américano-cubains de Miami, membres de la Chambre des représentants, les républicains Lincoln Diaz-Balart et Ileana Ros Lehtinen, ont fait parvenir au président Bush exhortant la Maison Blanche d'empêcher la visite de Carter.

«Nous vous faisons parvenir cette requête de ne pas donner la permission à M. Carter de rendre visite au dictateur cubain, peut-on y lire. Alors que la loi américaine autorise le département du Trésor à délivrer des autorisations de visiter Cuba à des représentants du gouvernement et des membres du Congrès pour y représenter officiellement le gouvernement américain, elle ne lui permet pas dans le cas d'ex-présidents cherchant à apaiser des dictateurs anti-américains.»

Continuant en décrivant Carter comme «directement responsable d'avoir mis au pouvoir le régime terroriste de l'ayatollah Khomeiny en Iran», les deux représentants ont explicitement informé Bush qu'ils n'avaient pas fait parvenir leur lettre au secrétaire d'État Paul O'Neill, en tête du département chargé de faire respecter l'embargo, «parce que M. O'Neill a publiquement soutenu une position opposée à la vôtre sur la question de Cuba».

O'Neill a récemment provoqué la colère du mouvement de pression anti-castriste de Miami en déclarant à un comité du Congrès qu'il préférerait utilisé les ressources du département du Trésor pour pourchasser les terroristes plutôt que de dénicher les citoyens qui ont violé l'embargo.

Une coalition au Congrès se prépare à présenter une loi qui ouvrirait une brèche importante dans l'embargo, en amendant la loi sur les crédits du département du Trésor pour enlever à ce dernier la possibilité d'engager des dépenses pour poursuivre des citoyens américains qui auraient passés outre à l'interdiction de voyager vers Cuba. Les groupes d'exilés anti-castristes font pression sur Bush pour qu'il oppose son veto à l'ensemble de la loi sur les crédits tant que l'amendement ne serait pas retiré.

Dans une tentative évidente de faire dérailler tout assouplissement de l'embargo, John Bolton, le sous-secrétaire d'État pour le contrôle des armements et les affaires de la sécurité internationale, un des personnages le plus à droite de l'administration Bush, a lancé l'accusation sans fondements que le gouvernement de Castro utilisait l'industrie biotechnologique de pointe de Cuba pour promouvoir «au moins de façon limitée» un programme de recherche et de développement sur les armes biologiques. Il a déclaré que Cuba faisait partie de l'«axe du mal» et l'a avertit qu'il pourrait devenir une «cible» de la guerre contre le terrorisme que mène les Américains.

Le Wall Street Journal a jeté un peu de lumière sur le débat acerbe au sujet l'embargo dans un éditorial intitulé «Les marinades cubaines de Bush».

«Certainement que dans les jours où un Fidel encore jeune transformait à toutes vapeurs son île en un État client des Soviétiques, il y avait une certaine logique à l'embargo» peut-on lire dans le Wall Street Journal, un quotidien reflétant généralement la position des sections mêmes de la grande entreprise qui ont mis l'administration Bush au pouvoir. «Mais depuis l'effondrement de l'URSS ... il est temps de reconnaître que la victime principale de notre embargo n'est pas Fidel mais le peuple cubain. » Si le Wall Street Journal avait directement exprimé sa pensée, il aurait ajouté «et les profits américains».

L'éditorial notait toutefois : «Lorsque l'administration Bush se penche sur l'embargo ... elle voit un président qui fut sauvé en Floride en l'an 2000 par le vote des Américano-cubains. Ne mentionnons même pas le spectre d'Elian Gonzalez qui plane au-dessus de Janet Reno alors qu'elle tente de se faire élire contre le frère de M. Bush, Jeb, au poste de gouverneur de l'État. Ce qui signifie que si vous étiez un conseiller politique de la Maison Blanche, tel Karl Rove, vous préféreriez que votre patron déclare la guerre au Canada que de risquer de se mettre à dos les électeurs clés d'un État clé en levant l'embargo contre Cuba. »

La lutte sur la question de Cuba reflète la contradiction au sein de l'administration Bush entre les intérêts fondamentaux de la grande entreprise qu'elle défend et les politiques exigées par les éléments de la classe moyenne, des enragés de droite qui comprennent toute la gamme qui va des exilés cubains et du lobby pour les armes jusqu'aux intégristes chrétiens, ces éléments constituant la base « active » du Parti républicain. Ces deux programmes sociaux et politiques conflictuels donne un air de crise et d'instabilité à cette administration alors qu'elle tente de réaliser sa politique intérieure ou sa politique étrangère.

Les déclarations qu'il faut un embargo pour contrer la menace à la sécurité que constitue Cuba deviennent de plus en plus absurdes. Le régime de Castro a depuis longtemps abandonné toute prétention d'appuyer la révolution sociale à l'étranger. Au cours des derniers mois, il n'a pas seulement autorisé que la base navale de la baie de Guantanamo soit utilisée comme un camp de détention pour les prisonniers de guerre qu'ont faits les Américains en Afghanistan, mais plus encore, il a promis à Washington que les autorités cubaines redonnerait aux États-Unis tout prisonnier de guerre qui réussirait à s'échapper chez eux.

Ceux qui défendent l'embargo, toutefois, ont des appuis importants au sein de l'administration Bush. Un nombre important d'Américano-cubains de droite, intimement liés avec les groupes anti-castristes basés à Miami a été nommé à des postes clé au sein de cette administration. Le plus important d'entre eux est Otto Reich, l'adjoint au secrétaire d'État pour l'hémisphère occidental, un ancien agent de la CIA qui dirigeait sous Reagan la campagne illégale de propagande en appui à la guerre des mercenaires contras contre le Nicaragua.

Dans un discours lors d'une réunion du Conseil des Amériques tenue au département d'État le 6 mai, Reich a insisté que l'administration n'avait pas l'intention de changer d'un iota sa défense inconditionnelle du blocus économique.

«Nous n'allons pas lancer une bouée de sauvetage à un régime qui coule sous les poids de sa faillite historique», a-t-il déclaré, affirmant que Washington maintiendrait et renforcerait l'embargo économique contre Cuba. Plusieurs des personnes dans l'assemblée représentaient des sociétés américains qui voudraient voir l'embargo assoupli, craignant que le potentiel de faire des profits sur le marché cubain n'aille complètement aux sociétés canadiennes et européennes.

«Avec tant de possibilités d'investir et de faire affaire en Amérique latine, pourquoi quelqu'un voudrait-il s'associer avec un régime totalitaire en faillite, ce qui signifie devenir le partenaire avec le propriétaire de toute la richesse du pays, qui décide seul des lois et de la décision des juges, qui emprisonne ou expulse les partenaires d'affaire avec lesquels il n'est pas d'accord? » a-t-il demandé.

L'avertissement que les hommes d'affaires pourraient être emprisonnés a dû sembler un peu ironique aux dirigeants d'entreprise dans l'assemblée, puisque c'est précisément ce que l'administration Bush a tenté de faire pour faire respecter son embargo contre Cuba.

Une cour fédérale de Philadelphie a trouvé coupable un homme d'affaire canadien vivant aux États-Unis, James Sabzali, d'avoir violé l'embargo américain pour avoir vendu au moyen d'un intermédiaire de l'équipement nécessaire à la purification de l'eau à Cuba. Le gouvernement canadien a dénoncé comme « choquant et inacceptable » que Sabzali soit condamné pour un commerce qui entièrement légal au Canada.

Sabzali est la première personne qui n'est pas citoyenne américaine à être condamné dans ce pays pour «commerce avec l'ennemi». Sabzali et deux de ses partenaires américains en appellent du verdict. S'il était maintenu, ils seraient passibles de peine d'emprisonnement dépassant les quatre ans.

Tout homme d'affaire canadien ou européen qui aurait fait affaire avec Cuba pourrait être poursuivi s'il élisait demeure aux États-Unis. La poursuite fut basée sur la «Loi pour la démocratie cubaine», une loi votée en 1992 qui fut signée par George Bush père qui interdit aux filiales de sociétés américains établies dans un autre pays que les États-Unis de faire affaire avec Cuba.

Quatre ans plus tard, sous Clinton, la Loi de Helms-Burton fut votée. Elle permettait aux sociétés et aux citoyens américains de traîner en justice des sociétés étrangères qui «trafiqueraient» des propriétés cubaines qui avaient été leur propriété avant d'être nationalisées par le gouvernement de Castro dès le début des années '60. La loi était connue au Capitole comme la « loi Baccardi » parce que ce manufacturier de rhum en était un des principaux partisans. Lorsque la loi fut amenée devant le Congrès, ce fut Reich qui devint le principal lobbyiste de la compagnie.

La loi de Helms-Burton, dont les menaces de faire respecter la loi américaine hors des États-Unis contreviennent aux intérêts des grandes entreprises partout ailleurs, s'est attiré des protestations acerbes du monde des affaires au Canada et en Europe, aussi bien que de l'élite des gens d'affaires aux États-Unis qui craignaient les représailles d'une guerre commerciale.

Les différences au sein des cercles républicains sur la question de l'embargo se manifestent aussi sur la question de l'« après-Castro » à Cuba. Ceux qui appuient un adoucissement des sanctions économiques soutiennent que Cuba pourra suivre les traces de l'URSS et des pays de l'Est où le triomphe du « libre marché » a été adopté par les couches les plus importantes de la vieille bureaucratie dirigeante devenue hommes d'affaires. Le résultat fut une croissance sans précédent dans l'histoire de la pauvreté et de la polarisation sociale.

Cuba a déjà connu des changements fondamentaux de ses relations sociales depuis que le régime nationaliste de Castro a ouvert l'île à l'investissement massif étranger vers la moitié des années '90. Un gouffre s'élargit entre ceux qui ont accès à l'industrie touristique, aux entreprises et aux devises étrangères et la vaste majorité des travailleurs qui ne peuvent compter que sur leur salaire qui diminue de jour en jour en termes réels. Le commerce et l'investissement, prônent les adversaires de l'embargo, va accélérer le développement d'une élite privilégiée et propriétaire tout en plaçant les leviers de l'économie dans des mains américaines.

De l'autre côté, le lobby américano-cubain, qui peut compter sur des alliés au sein des décideurs quant aux questions de l'Amérique latine, rejette tout rapprochement entre Washington et le régime de Castro, peu importe l'importance des concessions que ce dernier fera. Ce lobby est déterminé à voir la contre-révolution à Cuba qui fera table rase de tout progrès social réalisé depuis la chute du régime de Batista en 1959 et mettra au pouvoir les dirigeants d'extrême droite des groupes d'exilés cubains de Miami.



 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés