wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

Le conflit du bois d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis menace des milliers d'emplois

Par François Legras
22 mai 2002

À partir du 23 mai, la plupart des entreprises canadiennes d'exportation de bois d'oeuvre, devront verser près de deux milliards de dollars par année aux douanes américaines pour payer la nouvelle taxe de 27,22% imposée par le gouvernement des États-Unis.

Selon les analystes de l'industrie, qui constitue un secteur clé de l'économie canadienne avec des exportations annuelles estimées à $10 milliards, l'imposition de cette taxe va coûter des dizaines de milliers d'emplois au Canada. Déjà, plusieurs compagnies de sciage ont annoncé des mises à pied et des fermetures d'usine et prédisent la perte d'au moins 10% de la force de travail à l'échelle nationale.

Au Québec, la deuxième plus importante province exportatrice de bois d'oeuvre vers les États-Unis (50% de sa production est exportée au sud de la frontière), les analystes du gouvernement provincial prévoient la perte de 3.000 emplois, surtout en région. Ce chiffre pourrait aller en augmentant si la demande de bois d'oeuvre aux États-Unis, fortement alimentée par l'effervescence dans la construction immobilière, venait à chuter.

La nouvelle taxe est le fruit de l'intense campagne que mènent depuis plus d'un an les lobbies des producteurs américains de bois d'oeuvre, pour qui les modalités du droit de coupe accordées aux compagnies canadiennes constituent une subvention illégale. Mais son véritable élément déclencheur a été mis à nu par les accusations répétées que les compagnies canadiennes accaparaient une part «exagérée» du marché américain.

Pour la Commission américaine sur le commerce international (International Trade Commission) qui a rendu la décision de maintenir la taxe de 27,22% imposé par le gouvernement Bush, les exportations de bois canadien constituent «une menace à l'industrie du bois d'oeuvre américain». Le tiers du bois d'oeuvre utilisé aux États-Unis provient du Canada.

Le développement de ce conflit commercial, qui prend place parmi plusieurs autres contentieux (agriculture, porc, acier, produit laitiers, pêcherie) provoque des remous au sein de l'élite dirigeante canadienne.

Le Premier ministre Jean Chrétien avait dépêché Eddie Goldenberg comme négociateur et était lui-même personnellement intervenu auprès du président Bush en mars dernier, mais sans succès. Dans un commentaire caractéristique de Chrétien, il a déclaré, lors d'un souper-bénéfice pour son parti, que les tarifs étaient une revanche américaine pour la victoire de l'équipe olympique de hockey canadienne sur celle des États-Unis.

Initialement, lorsque le conflit a éclaté, le Premier ministre canadien avait adopté une position plus virile et laissé entendre que les États-Unis ne pouvaient pas unilatéralement décider ce qui serait ou ne serait pas couvert par le traité de libre-échange en vigueur depuis plus de dix ans entre le Canada et les États-Unis. «S'ils [les États-Unis] veulent l'électricité et le gaz, ils devront prendre aussi le bois», avait laissé entendre Chrétien.

Mais cette option est maintenant écartée par les principaux représentants de la classe dirigeante canadienne qui la considèrent comme étant suicidaire compte tenu de la dépendance économique du Canada sur les États-Unis. Actuellement, 80% du commerce extérieur canadien se fait avec les États-Unis. L'ampleur du commerce extérieur est passée de 25% du produit national brut (PNB) à 40% au cours des dix dernières années. En excluant le rôle du secteur public, la proportion du PNB attribuable au commerce extérieur avec les États-Unis augmente à plus de 50%.

Certains gros joueurs de l'industrie ont indiqué une préférence à payer une forte taxe aux douanes américaines plutôt que de voir modifier la politique actuelle d'accès aux forêts. D'autres cependant, voient dans l'imposition de la taxe américaine l'occasion de procéder à un profond remaniement de l'industrie, au coût de milliers d'emplois. Ils invoquent la nécessité d'être plus compétitif dans un contexte de déréglementation et de retrait du soutien gouvernemental.

Faisant écho à de tels sentiments, le ministre de l'environnement David Anderson a déclaré qu'une restructuration de l'industrie du bois d'oeuvre était déjà en cours avant les nouveaux tarifs et que ceux-ci ne vont qu'accélérer le processus.

L'attitude unilatéraliste de l'administration Bush sur toute une série de questions commerciales, ainsi que la réponse jugée inadéquate de Chrétien et de ses ministres, ont toutefois soulevé l'ire de certains représentants de l'industrie et d'une section de l'élite politique.

Selon le quotidien ultra-conservateur National Post, des membres du cabinet du gouvernement libéral auraient exprimé, sous le couvert de l'anonymat, des inquiétudes sur la volonté et la capacité du Premier ministre d'influencer le président Bush.

«Regardez la loi sur l'agriculture, qui est une loi terriblement protectionniste», auraient-ils dit. «Maintenant nous avons cette loi sur l'acier, qui va affecter surtout les européens, mais qui est là quand même, et ensuite le bois d'oeuvre. Et que fait le Premier ministre? Il court à travers l'Europe et parle de pauvreté en Afrique Pourquoi n'est-il pas en train de parler de choses qui sont importantes pour les Canadiens?»

Réalisant que la marge de manoeuvre du Canada a été considérablement réduite par de profonds changements dans l'économie mondiale, et en particulier l'intégration économique avec les États-Unis, une section de la droite nationaliste pousse pour que le Canada se gagne les faveurs de Washington en abandonnant ce qui reste de ses prétentions humanitaires (la «pauvreté en Afrique») et en se rangeant ouvertement dans le camp de la «lutte au terrorisme» tel que défini par l'administration Bush. L'intégration économique avec les États-Unis ne peut être bénéfique que si elle est suivie d'une intégration politique et militaire, soutiennent ces éléments.

L'échec des négociations ne laisse plus que le recours aux tribunaux créés en vertu des différentes ententes de libre-échange. Mais des délais de trois ans pourraient s'écouler avant qu'une décision ne soit rendue. Entre-temps, se plaignent amèrement certains dirigeants de l'industrie canadienne du bois d'oeuvre, plusieurs d'entre eux auront déclaré faillite.

Les gouvernements provinciaux et des représentants de l'industrie demandent au gouvernement fédéral d'utiliser les surplus budgétaires pour assumer le paiement de la taxe imposée par Washington. Certains analystes du gouvernement libéral craignent par contre que les États-Unis ne perçoivent ce paiement comme une nouvelle forme de subvention et n'imposent une hausse encore plus dramatique des droits compensatoires.

Le Premier ministre Chrétien n'a pas à ce point-ci tranché la question. Mais il a annoncé le 10 mai, lors d'une visite à Madrid, que son gouvernement consacrerait de 7 à 10 milliards des derniers surplus budgétaires au remboursement de la dette, et qu'il serait prêt à soutenir l'industrie, mais pour un montant dérisoire de 50 millions de dollars.

Ottawa n'exclut pas toutefois l'utilisation des milliards de dollars générés par le régime d'assurance-emploi pour renflouer l'industrie du bois d'oeuvre. La ministre des Ressources humaines Jane Stewart examine la possibilité de réduire davantage les allocations de chômage et de puiser dans les poches des sans-emploi pour «sauver» des emplois.


 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés