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Conférence de ministres à Charm el-Cheikh

Les dirigeants du Moyen-Orient approuvent l'occupation de l'Irak

Par Peter Symonds
Le 27 novembre 2004

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La conférence ministérielle internationale sur l'Irak qui s'est tenue à la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh cette semaine fut une manifestation répugnante de couardise et de servilité rampante de la part des dirigeants du Moyen-Orient devant l'administration Bush.

Tous les pays voisins de l'Irak ­ l'Arabie Saoudite, le Kuweit, la Syrie, l'Iran, la Jordanie et la Turquie ­ y avaient leurs représentants, ainsi que Bahreïn, l'Algérie, la Tunisie, la Ligue arabe et l'Organisation de la conférence islamique. Le secrétaire d'état américain Colin Powell y assista, ainsi que les ministres des affaires étrangères des autre pays du G8 et la Chine, et des représentants de l'Onu et de l'Union européenne.

Etant la première rencontre internationale sur l'Irak depuis l'invasion menée par les Etats-Unis, cette réunion était l'occasion de condamner les actions illégales de l'administration Bush et d'exiger le retrait immédiat et sans conditions de toutes les troupes étrangères du pays. La conférence eut lieu tout juste après la destruction brutale de la ville de Fallouja où des milliers de combattants de la résistance et de civils furent massacrés sans discrimination par l'armée américaine.

Inutile de dire qu'aucun des ministres rassemblés n'a dénoncé les crimes de Washington. Ils ont tous donné leur accord à l'invasion menée par les Américains, y compris la Syrie, qui avait un siège au conseil de sécurité de l'Onu et qui en novembre 2002 vota pour la résolution de l'Onu sur les supposées ADM ­ armes de destruction massive ­ qui servit de prétexte à la guerre.

Hautement conscients de l'opposition de masse partout dans la région contre l'occupation américaine et de la répugnance causée par l'assaut sur Fallouja, plusieurs pays affichèrent une certaine opposition lundi ­ premier jour de la conférence de Charm el-Cheikh. Le lendemain, cependant, tous les participants ont humblement rangé leurs critiques et voté unanimement pour une déclaration commune pleinement en accord avec les exigences de Washington.

Dans son allocution d'ouverture de la conférence, le ministre égyptien des affaires étrangères Ahmed Aboul Gheit ne pouvait éviter de faire une référence oblique à la destruction de Fallouja, avec la mise en garde que « la politique de violence et d'intimidation et l'utilisation excessive de force conduiront obligatoirement à des divisions, de dégâts et des destructions supplémentaires. » Le ministre des affaires étrangères syrien, Farouk al-Sharaa fit chorus en déclarant : « Tout comme nous condamnons la violence, le terrorisme et la prise d'otages, nous condamnons aussi que les civils soient pris pour cibles et que les institutions publiques irakiennes soient détruites ».

Aucun des deux ministres n'était prêt à désigner les Etats-Unis comme le coupable. Ils n'étaient pas non plus prêts à se solidariser avec la révolte armée qui lutte contre l'occupation américaine illégale de l'Irak. En fait, en utilisant le terme « terrorisme », al-Sharaa a accepté tacitement le mensonge de Washington et de son régime fantoche de Bagdad selon laquel tous leurs opposants seraient des « terroristes ». Le ministre iranien des affaires étrangères Kamal Kharazi adopta la même approche lâche, soi-disant impartiale ­ il critiqua « l'utilisation excessive de la force et le bombardement des villes » tout en condamnant, en même temps, la violence de la résistance irakienne.

Powell et le ministre provisoire des affaires étrangères irakien Hoshyar Zebari ont tout simplement balayé d'un revers de main ces critiques, tout comme ils l'ont fait avec les demandes timorées de la part de la Syrie et l'Iran, soutenus par la France, pour que les Américains fixent une date pour le retrait de toutes les troupes étrangères. Kharazi, pour l'Iran, déclara que « les troupes étrangères doivent être hors d'Irak aussitôt que possible » mais a aussitôt modifié sa demande en rajoutant, « si ce n'est pas avant fin 2005, du moins que ce ne soit pas après ». Finalement, tous les trois pays abandonnèrent cette exigence limitée et acceptèrent une proposition creuse dans la déclaration finale qui se limite à signaler le fait que le mandat onusien pour l'occupation n'est pas « illimité ».

Ces poses politiques de circonstance font partie de l'écran de fumée derrière lequel tous les régimes du Moyen-Orient ­ y compris la Syrie et l'Iran ­ s'adaptent aux exigences de Washington. Avant tout, la conférence avait pour but de fournir un semblant de légitimité à l'occupation américaine illégale de l'Irak et au projet d'élections frauduleuses le 30 janvier.

Comme l'a bien dit au New York Times Moneim Said, directeur du Centre Al Ahram d'études politiques et stratégiques au Caire : « Un des problèmes majeurs du projet américain en Irak c'est que c'est illégitime, il n'y a pas eu consensus à l'Onu, ni consensus au Conseil de sécurité, ni parmi les pays de la région. Cette conférence offre une légitimité internationale et régionale que les Irakiens peuvent accepter. »

Et c'est exactement ce que les ministres des affaires étrangères de la région ont fourni. Le ministre syrien al-Charaa, le premier jour de la conférence a posé cette question rhétorique : « Nous devons nous demander si nous ne sommes venus à cette conférence que pour exprimer notre acceptation du statu quo qui se développe.» Il répondit à sa propre question en soutenant avec tous les autres, une déclaration qui légitime le statu quo et les élections.

A l'intérieur même de l'Irak, les élections proposées, qui se dérouleront sous occupation militaire américaine, sont largement considérées comme frauduleuses. Déjà quelque 47 partis, sunnites, chi'ites, turcomans, chrétiens, ont annoncé qu'ils boycotteront le scrutin. S'exprimant dans le New Standard, le docteur Wamidh Omar Nadhi, porte-parole du Iraqi National Foundation Congress, se fit l'écho des sentiments populaires quand il déclara :

"Comment pouvons nous avoir des élections libres sous la loi martiale? Au lieu d'un cessez-le-feu, ils attaquent Fallouja. Sont-ils certains que ce qui s'ensuivra ne sera pas plus sanglant que Fallouja ? La loi martiale ne fait que pousser ce régime à sa perte. Le dernier prétexte pour la démocratie ici est maintenant enterré. Leur déclaration de loi martiale est une déclaration de faillite politique. »

A la station balnéaire de la Mer rouge, cependant, les ministres des affaires étrangères du Moyen-Orient approuvèrent les élections projetées. Une déclaration distribuée, avant la conférence, par une délégation de groupes d'opposition irakiens modérés appelait à un report du scrutin. L'Egypte et la Jordanie ont soulevé sans conviction la question et l'ont laissée tomber immédiatement quand Powell et Zebari firent clairement comprendre qu'un report serait hors de question.

Les ministres rassemblés ont non seulement conféré une légitimité à l'assujettissement américain de l'Irak mais ont proposé une aide concrète. L'Iran va convoquer une conférence régionale des ministres de l'intérieur à Téhéran la semaine prochaine pour discuter des moyens de mise en application de l'exigence de Washington stipulant que les pays voisins fassent davantage pour fermer leurs frontières aux « terroristes étrangers » qui pénètrent en Irak.

Powell imposa sa la loi à la Syrie lors d'un tête-à-tête avec le ministre des affaires étrangères al-Charaa. Washington a non seulement proféré des accusations menaçantes sur les supposées armes de destruction massive syriennes mais n'en finit pas d'accuser Damas de négliger de fermer ses frontières. Powell, décrivant la rencontre comme « solide » et « franche », dit aux médias : « Les Syriens ont récemment pris quelques mesures [sur l'Irak] mais nous pensons qu'ils peuvent faire beaucoup plus. »

Une discussion entre Powell et le ministre iranien des affaires étrangères Kharazi était attendue par beaucoup mais n'a finalement pas eu lieu. Kharazi ne ménagea pas ses efforts pour souligner la volonté de l'Iran d'aider Washington, non seulement sur la sécurité des frontières, mais aussi en faisant pression sur l'imam chi'ite rebelle Moqtada al-Sadr pour qu'il accepte les élections frauduleuses irakiennes. « Nous avons essayé de l'aider [Sadr] à adopter des approches plus modérées et à coopérer avec l'Ayatolla Sistani », dit le ministre à la presse après la conférence.

La volonté de l'Iran et de la Syrie de s'adapter à l'impérialisme américain ne fait que souligner la fausseté de la bourgeoisie de toute la région. Pour Téhéran et Damas, le sort du peuple irakien ne représente rien d'autre qu'un argument de négociation dans leur propres relations avec Washington. L'Iran, confronté à des exigences agressives de la part des Etats-Unis lui demandant de démanteler ses programmes nucléaires, espère, de toute évidence, gagner du temps en aidant l'administration Bush à maîtriser l'Irak.

Loin d'arrêter le militarisme américain, cependant, la servilité des dirigeants du Moyen-Orient ne fera qu'encourager l'administration Bush à pousser plus loin ses projets plus larges pour la domination économique et stratégique de la région.


 

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