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Washington a considéré la saisie militaire des champs pétrolifères arabes en 1973

Par Bill Vann
6 janvier 2004

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Le gouvernement américain avait mis sur pied des plans pour saisir militairement les champs pétrolifères de l'Arabie saoudite ainsi que d'autres États du Golfe Persique en 1973, selon des documents ultrasecrets du gouvernement britannique devenus publics le premier janvier.

Les documents révèlent aussi que pendant la même période, le gouvernement de Richard Nixon a placé toutes les forces armées américaines au plus haut niveau d'état d'alerte en ne donnant que très peu de justifications et en n'avertissant pas les alliés des Etats-Unis. Ils indiquent aussi que le gouvernement britannique croyait que Nixon avait amené le monde aux portes d'une guerre nucléaire dans le but de contrer la crise de son gouvernement sur le scandale du Watergate.

Les menaces d'une invasion américaine et d'une guerre mondiale sont survenues après la guerre israélo-arabe d'octobre 1973 et l'imposition de l'embargo pétrolier par les États arabes qui a suivi, un geste qui a fait grimpé le prix de l'essence aux États-Unis et dans le reste du monde industrialisé.

Ces menaces sont aussi survenues en plein coeur de la crise du Watergate. Le mois d'octobre 1973 fut le mois du « Massacre du samedi soir », lorsque Nixon fit usage de tous les pouvoirs de l'exécutif en congédiant le procureur spécial du Watergate, Archibald Cox, ainsi que le procureur général Elliot Richardson et son adjoint, dans le but d'écraser l'enquête sur les crimes commis par la Maison blanche. Lors du même mois, le vice-président Spiro Agnew avait dû démissionner suite à un scandale de corruption.

L'avertissement de la possibilité d'une intervention militaire dans le Golfe Persique a été donnée par le secrétaire américain à la Défense de l'époque James Schlesinger à l'ambassadeur britannique à Washington, Lord Cromer. Selon le compte rendu que fit Cromer au gouvernement britannique, Schlesinger lui a déclaré qu'une des «conséquences de la crise au Moyen Orient était la possibilité de voir les pays industrialisés continuellement soumis aux caprices de pays sous-peuplés et sous-développés. » Schlesinger ajouta qu' «il n'était plus du tout évident pour lui que les États-Unis ne puissent pas utiliser la force», rapporta Cromer.

L'ambassadeur britannique conclut par rapport à ces remarques qu' « il ne peut être possible d'exclure l'utilisation plus directe de la force armée» de la part des États-Unis.

Le rapport de Cromer donne un aperçu des tensions aiguës qui existaient entre les États-Unis et le pays qui était alors comme aujourd'hui le plus proche allié des États-Unis. L'ambassadeur britannique mentionna dans son communiqué à Londres : « Les bonnes manières ne sont pas la marque de commerce de Schlesinger. Une ou deux remarques frisaient l'insulte. »

Cependant, la principale inquiétude de Londres n'était pas le manque de politesse du secrétaire américain à la Défense, mais bien la possibilité que Washington agisse de façon unilatérale sur le contrôle des réserves pétrolières du Moyen Orient, une stratégie qui, potentiellement, aurait pu dégénérer en guerre mondiale.

Le gouvernement du Parti conservateur du premier ministre Edward Heath ordonna aux agences de renseignements du pays de mettre sur pied des plans d'urgence en vue d'une éventuelle action militaire des États-Unis dans le Golfe Persique. Le résultat fut qu'un autre document pu être consulté par le public à partir du Jour de l'An : un mémorandum top secret intitulé « Moyen Orient : utilisation possible de la force par les États-Unis.

Daté du 13 décembre 1973 et préparé par le Comité mixte de renseignement britannique, le document anticipe une intervention militaire américaine si jamais le cessez-le-feu précaire entre les États arabes et l'Israël s'écroulait ou encore si l'embargo pétrolier arabe se poursuivait. « Le gouvernement des États-Unis pourrait considérer qu'il ne peut tolérer une situation dans laquelle lui et ses alliés se retrouvent à la merci d'un petit groupe de pays irresponsables, » mentionne-t-il.

Les services de renseignement britannique mirent en garde que les préparatifs de Washington pour une intervention orchestrée dans le but de mettre la main sur le pétrole du Golfe Persique « ont été reflétés, nous croyons, dans leur plan d'urgence. »

Le document de 22 pages continue en donnant des projections détaillées de ce qui était perçu comme une imminente intervention militaire américaine. « Nous croyons que les Américains opteraient pour une opération rapide dirigée par eux-mêmes et pour se saisir des champs pétrolifères, » fait état le document. Il anticipe aussi que l'armée américaine n'aurait besoin que de trois régiment (jusqu'à 15 000 soldats) pour occuper les régions riches en pétrole en Arabie Saoudite, au Koweït et en Abu Dhabi.

Même si le document admet que Washington pourrait demander à la Grande-Bretagne de l'aider, particulièrement en Abu Dhabi où des forces militaires britanniques étaient déployées, il anticipe que de telles opérations militaires pourraient résulter en de «profondes tensions américano-britanniques».

Le mémorandum des services de renseignements met en garde le gouvernement britannique que le danger d'une confrontation américano-soviétique résultant d'une saisie des champs pétrolifères du Golfe Persique ne peut être écarté. Moscou pourrait envoyer des troupes aériennes dans cette zone afin de venir au secours des États arabes menacées.

«Le plus grand risque d'une telle confrontation dans le Golfe proviendrait probablement du Koweït, où les Irakiens, avec l'appui des Soviétiques, pourrait être tenté d'intervenir, » a ajouté le mémorandum du service de renseignement.

En fin de compte, le cessez-le-feu israélo-arabe a perduré et l'embargo pétrolier fut levé en 1974.

Un autre document de la même période révèle la colère de Heath et du gouvernement britannique face à l'ordre que Nixon avait donné à l'armée américaine pour qu'elle implante un « état d'alerte de niveau trois » en octobre 1973, Washington plaçant ainsi ses missiles nucléaires en position d'attaque rapide.

Cette action, qui amena le monde plus près du gouffre nucléaire qu'à n'importe quel moment depuis la crise des missiles de Cuba de 1962, n'était pas justifiée par aucun geste soviétique, conclut le premier ministre de la Grande-Bretagne. Il a été irrité en apprenant de la presse que les États-Unis s'étaient placés sur le pied de guerre nucléaire.

L'ordre était apparemment une réponse aux manoeuvres de la flotte soviétique dans la mer Méditerranée. « Personnellement, » Heath déclara à son secrétaire, « je ne peux voir aucune menace potentielle ou réelle des dirigeants soviétiques qui aurait mérité une telle alerte nucléaire mondiale. Nous avons à reconnaître le fait que les actions américaines ont causé beaucoup de tort, je crois, autant à ce pays qu'ailleurs dans le monde. »

Les dirigeants des services de renseignement britannique furent d'accord avec la déclaration du premier ministre, déclarant dans un mémorandum que «nous avons tendance à considérer que la réponse américaine était plus importante qu'il était nécessaire pour réaliser l'effet désiré».

Heath alla plus loin, suggérant que les vrais motifs de Nixon derrière sa menace d'une guerre nucléaire étaient de détourner l'attention de l'opinion publique de la crise politique rampante qui frappait son propre gouvernement. «Un président américain dans une crise comme celle du Watergate est apparemment prêt à entreprendre de telles mesures en un temps très court sans même consulter ses alliés», a écrit le premier ministre britannique.

La sortie publique des documents britanniques a été mandatée par une loi qui oblige les Archives nationales à Londres à rendre publics, après 30 ans certains types de documents auparavant secrets. Malgré le passage du temps, le contenu de ces documents a une énorme signification par rapport aux politiques actuellement poursuivies par le gouvernement américain.

Trois décennies après que ce mémorandum secret ait été rédigé, les États-Unis ont fait exactement ce que les services de renseignements britanniques avaient anticipé: envahir le Golfe Persique et s'emparer des champs pétrolifères de l'Irak, qui détient les deuxième plus grandes réserves pétrolières au monde.

Pendant que l'administration Bush et ses partisans ont insisté sur le fait que la guerre contre l'Irak portait sur ses armes de destruction massive, ses activités terroristes, la démocratisation du Moyen Orient (autrement dit, tout sauf le pétrole) ces documents vieux de 30 ans ont mis en évidence le fait que le pétrole était (et demeure encore aujourd'hui) la préoccupation centrale et le facteur motivant les politiques de Washington dans cette région.

Ce qui a changé depuis ce temps est, avant tout, l'effondrement de l'Union Soviétique et l'absence de toute menace d'une réplique militaire importante à une agression américaine. En 1973, l'impérialisme américain a été limité dans l'utilisation de sa force militaire pour réaliser ses grands objectifs par l'existence de l'armée soviétique. Aujourd'hui, les sections les plus puissantes de la classe dirigeante américaine ne se sentent plus aucunement limitées. Au contraire, ils sont apeurés par le spectre de la montée de la menace à la domination politique et économique des États-Unis par l'Europe et l'Asie et exploitent, par le fait même, la présente suprématie militaire des États-Unis impitoyablement et imprudemment.

Les principaux architectes de la guerre américaine-le vice-président Richard Cheney et le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld-ont commencé leurs carrières politiques en tant qu'officiels dans l'administration Nixon. Ils étaient parmis les figures les plus importantes à l'intérieur des cercles droitistes dans les années 1990 à faire pression sur Washington pour qu'il capitalise, à la suite de l'effondrement de l'Union Soviétique, sur sa suprématie militaire afin d'affirmer son hégémonie sur les ressources et les régions stratégiques de la planète.

Ils ont été placés aux postes clé de l'administration Bush en 2000 et les attaques terroristes du 11 septembre 2001 leur ont procuré le prétexte pour mettre en branle ces plans élaborés depuis longtemps.

Il y a un autre aspect des documents britanniques de 1973 qui jette de la lumière sur la conjoncture politique actuel des États-Unis. Si Richard Nixon était prêt à risquer une conflagration nucléaire 30 ans plus tôt dans l'espoir de sauver son gouvernement d'une crise interne, jusqu'à quel extrême sont prêts à aller ses héritiers politiques dans l'administration Bush pour ne pas perdre le pouvoir.

Dans un contexte où les élections nationales approchent, où le gouvernement a refusé de donner au peuple américain un compte rendu sur les attaques du 11 septembre et où le pays est en constant état d'alerte et sous les avertissements d'une autre attaque terroriste majeure en sol américain, cette question comporte des aspects d'une importance fondamentale.

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