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Allemagne : Les « manifestations du lundi » en 1989 et aujourd'hui

Par le PSG (Parti de l'égalité sociale - Allemagne)
Le 20 août 2004

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Avec les « manifestations du lundi » (Montagsdemos) qui ont lieu actuellement contre la réforme Hartz IV [la nouvelle loi privant les chômeurs de longue durée d'une allocation indexée sur les salaires ­ NdlR], c'est le conflit non éclairci et escamoté du « Tournant » de1989-1990 qui revient à l'ordre du jour : l'opposition irréconciliable entre les pauvres et les riches, entre le Travail et le Capital à l'échelle internationale.

La controverse publique sur la question de savoir si les présentes « manifestations du lundi » s'inscrivent bien dans la tradition de 1989-1990 reflète une différenciation qui s'est opérée depuis dans le mouvement qui avait eu lieu alors. Ce mouvement comprenait à l'époque déjà deux camps, des camps qui sont aujourd'hui opposés et hostiles. Le slogan de « nous sommes le peuple » qui avait accompagné l'effondrement de la RDA (République démocratique allemande) il y a 15 ans, cachait le fait qu'il existait au sein de ce « peuple » des aspirations et des désirs tout à fait contradictoires.

D'un côté il y avait ceux pour qui la revendication de la démocratie n'était qu'un prétexte pour faire disparaître ce qui en RDA mettait un frein à leur enrichissement personnel. C'était l'opposition de droite au stalinisme. De l'autre côté, il y avait ceux qui ne voulaient plus accepter l'oppression et la tutelle bureaucratique et voulaient construire une société meilleure, plus libre et plus humaine ­ l'opposition de gauche au stalinisme.

La grande majorité de la population, qui appartenait de façon confuse mais manifestement à ce deuxième groupe, dut finalement renoncer à ses espoirs. Elle fut défaite parce qu'elle n'était pas suffisamment consciente de sa position et de ses intérêts. Elle n'avait pas une idée claire du caractère de la société existant en RDA et en Union soviétique. Elle ne comprenait pas clairement le rôle du stalinisme et elle avait des conceptions illusoires sur la situation du capitalisme au niveau mondial.

Les questions qui sont restées en suspens à l'époque doivent être éclaircies aujourd'hui. Selon la façon dont on interprète les événements de 1989 et 1990, on peut tirer des conclusions tout à fait diverses pour ce qui est des perspectives pour la période actuelle. Le plus important, de ce point de vue, est que la classe ouvrière ne peut envisager un quelconque succès que si elle se comprend comme une classe internationale et que si elle agit en tant que telle. Car, tout comme l'effondrement de la RDA, les attaques sociales actuelles sont le résultat de la crise économique et politique globale du système capitaliste mondial et elles demandent une réponse appropriée.

Ce n'est que sous cet angle que l'on pouvait estimer correctement la nature de l'Union soviétique et des Etats d'Europe de l'Est. Leur existence était l'expression d'une situation d'équilibre particulière dans l'histoire de la lutte de classe internationale. En Russie, la classe ouvrière avait bien pris le pouvoir et fait le premier pas vers une réorganisation socialiste du monde. Mais, dans les années 1930, les ouvriers subirent une série de défaites cinglante. Dans des conditions d'arriération et d'isolement, une nouvelle couche dirigeante se développa sous Staline dans l'appareil du parti et de l'Etat. Cette couche, qui vivait en parasite des rapports de propriété étatisés, établit un régime dictatorial et collabora avec la bourgeoisie à l'échelle internationale pour empêcher une extension de la révolution à d'autres pays.

Les pays dirigés par les staliniens n'étaient pas capitalistes puisque la propriété étatisée des moyens de production avait son origine historique dans la Révolution d'Octobre. Mais ils n'étaient pas non plus socialistes puisque l'inégalité sociale et la répression continuaient d'exister. Le pouvoir était entre les mains d'une bureaucratie privilégiée qui ne se dirigeait pas vers le socialisme mais vers un retour au capitalisme.

La bureaucratie prit la décision de revenir au capitalisme (d'abord une partie puis des sections de plus en plus importantes d'entre elle) lorsqu'il lui devint impossible de défendre sa position sociale dans le cadre d'une économie organisée sur une base nationale et coupée du reste du monde. Une situation causée par la mondialisation de la production qui subit une accélération explosive à partir des années 1980.

Le Bund Sozialistischer Arbeiter (Ligue des travailleurs socialistes), le prédécesseur du PSG, écrivait dans une déclaration du 20 octobre 1989:

« Il n'y a que deux façons de surmonter la crise économique de l'Union soviétique et des pays d'Europe de l'Est et qui a son origine dans leur isolement vis-à-vis des ressources de l'économie mondiale :

. Soit la voie capitaliste, c'est-à-dire une réintégration de ces Etats dans le marché mondial capitaliste à travers le rétablissement des rapports de propriété et d'exploitation capitalistes ; dans ce cas la bureaucratie stalinienne, s'appuyant sur les banques et les trusts impérialistes occidentaux et sur les couches supérieures de la petite-bourgeoisie dans leur propre pays, se transformera en nouvelle classe dirigeante.

Soit la voie socialiste, c'est-à-dire en défendant l'économie planifiée étatisée, en débarrassant celle-ci de toute dégénérescence bureaucratique par le renversement de la bureaucratie stalinienne et en étendant les rapports de propriété socialistes au reste du monde capitaliste, en menant la révolution socialiste à son terme. » (1)

Le BSA, s'appuyant sur l'analyse du stalinisme faite par Trotsky et sur l'histoire de la Quatrième Internationale, fut toujours en mesure d'expliquer clairement ces questions. Dans son programme de février 1990 il écrivait :

« La classe ouvrière se trouve à la croisée des chemins: capitalisme ou socialisme. Ou bien les impérialistes réintroduisent le capitalisme à l'aide des régimes de Gorbatchev Mazowiecki, Modrow ou bien la classe ouvrière parachève la révolution socialiste, renverse la bureaucratie stalinienne, prend le pouvoir en ses propres mains et construit une société réellement socialiste.» (2)

Il n'y avait pas de troisième voie, car l'effondrement des Etats staliniens était une conséquence des mêmes contradictions que celles qui poussaient le capitalisme dans le monde entier dans sa crise la plus sévère depuis la deuxième guerre mondiale. Dans cette crise c'est la contradiction entre l'économie mondiale et l'Etat nation qui joue le grand primordial rôle. « Avec le stalinisme » écrivait le BSA dans la déclaration précitée, « la chaîne de l'impérialisme s'est rompue à son maillon le plus faible ».

Une évolution pacifique et démocratique suivant une réunification capitaliste était dans ces conditions exclue. Le BSA avertissait qu'« une nouvelle phase de développement bourgeois démocratique n'est pensable que si le capitalisme pouvait se stabiliser sur une longue période. Mais c'est précisément ce qui n'est pas le cas. La réunification prévue entraîne, non seulement, des attaques énormes contre les droits et les acquis sociaux de la classe ouvrière ; elle place encore l'impérialisme allemand devant les mêmes tâches que celles qu'il a déjà par deux fois tenté vainement de résoudre au moyen de la guerre et du fascisme ». (3)

Par cette sobre interprétation de la situation nous nous opposions à tous ceux qui, à l'époque, se vantaient autour de la « Table ronde » d'envisager pour l'Allemagne réunifiée capitaliste un développement démocratique, pacifique et social. Même si, parmi ces gens, il y en avait de confus, un des partis présents était lui tout à fait conscient de ce qu'il voulait, c'était le parti de l'Etat Est-allemand, le SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands - Parti socialiste unifié allemand), celui des « girouettes » qu'on avait rebaptisé PDS (Partei des demokratischen Sozialismus ­ Parti du socialisme démocratique). Tant que son pouvoir était basé sur la propriété d'Etat, il s'était servi d'une rhétorique marxiste mais, à partir du moment où il soutint la restauration capitaliste, il adopta les formules des réformistes. Son porte-parole de l'époque, Gregor Gysi, annonça, à l'unisson avec le SPD, qu'il s'agissait désormais de voir « dans quelle mesure le capitalisme pouvait être organisé humainement, démocratiquement et de façon socialement juste dans l'Allemagne de l'avenir ». (4)

Depuis, le PDS a continué de jouer ce rôle avec conséquence. Il parle de résistance et de justice sociale, tandis que là, où il exerce le pouvoir, il soutient et met lui-même en uvre de brutales attaques sociales.

Qui, à l'époque du « Tournant », pensait qu'une perspective du socialisme international n'était pas « réaliste » et qu'au contraire une réforme humaine et sociale du capitalisme l'était, doit de toute évidence réviser ses conceptions de façon radicale. Car, aujourd'hui quinze ans plus tard, il n'existe pas non plus d'alternative progressiste « réaliste » à un programme socialiste international.

Que s'est-il passé dans les années qui ont suivi 1989-1990? La crise du capitalisme mondial, que le BSA avait nommé comme la raison de l'effondrement de la RDA s'est fortement aggravée. Les Etats-Unis, la plus forte puissance capitaliste, sont dirigés par une bande de criminels au service des trusts américains les plus importants et les plus influents. Le gouvernement Bush fait la guerre à sa propre population aussi bien qu'à d'autres pays. L'invasion de l'Irak représente le retour à une politique coloniale impérialiste à laquelle ne fait pas exception l'Allemagne de Schröder.

La crise sociale s'accroît dans tous les pays du monde. Qui regarde autour de soi, reconnaît immédiatement que la démolition sociale préconisée par Hartz IV est mise en uvre, sous des appellations diverses, dans toute l'Europe.

Si le mouvement contre Hartz IV ne doit pas subir le même sort que le mouvement contre le stalinisme il y a quinze ans, les éléments les plus clairvoyants et les plus réfléchis doivent tirer les leçons de cette expérience. Il ne faut pas permettre qu'un mouvement social prometteur parti d'en bas soit une fois de plus employé pour imposer des objectifs politiques réactionnaires !

Les attaques du gouvernement Schröder, soutenues par tous les partis officiels, ne peuvent pas être repoussées simplement en faisant pression sur lui. Elles ne sont pas le fait d'erreurs politiques, mais sont dues à une crise historique du système capitaliste mondial, une crise qui s'est développée de façon latente durant la période d'après-guerre, mais qui à présent prend des formes de plus en plus violentes. Il n'y a pas d'autre réponse réaliste à cette crise que la construction d'un nouveau parti marxiste international.

Dans l'intérêt des générations à venir cette tâche ne doit pas être repoussée à plus tard. Les leçons politiques de l'expérience faite avec le stalinisme doivent être tirées tant que ces expériences sont encore présentes à la mémoire et avant que les criminels sociaux autour de Schröder, Merkel et compagnie ne réduisent la société à un état où la résistance devient de plus en plus difficile.

Celui qui promet aujourd'hui un retour à la politique réformiste des années 1970, ment de la même manière que le PDS et le SPD mentaient en 1989 et 1990 lorsqu'ils promettaient un capitalisme socialement juste et soucieux d'équilibre social. Il dissimule ses propres objectifs de pouvoir et d'argent derrière de fausses promesses. Nous parlons bien sûr d'Oskar Lafontaine et de ses supporters de l'« Alternative électorale » (Wahlalternative). Les quinze dernières années ont déjà répondu à la question de savoir si le capitalisme peut encore, dans les conditions actuelles, être réformé socialement. Les manifestations actuelles ont précisément lieu parce que toutes les tentatives dans ce sens ont échoué.

Le World Socialist Web Site est l'instrument le plus important de la construction d'un nouveau parti marxiste international. Nous appelons tous ceux que nos analyses et nos reportages intéressent, à constituer des cercles de lecture du WSWS et à rejoindre ce parti, représenté en Allemagne par le PSG.

Notes

(1) Renversez le SED! Construisez des conseils ouvriers!, dans: « La fin de la RDA - une autopsie politique », Arbeiterpresse Verlag, Essen 1992, p. 99

(2) Pour l'unité internationale de la classe ouvrière dans la lutte contre le stalinisme et le capitalisme ! Pour les Etats-Unis socialistes d'Europe!, dans: « La fin de la RDA - une autopsie politique », Arbeiterpresse Verlag, Essen 1992, p. 186

(3) RDA : la classe ouvrière à la croisée des chemins, déclaration du Comité central du Bund Sozialistischer Arbeiter BSA du 2 Juin 1990, (Ibid., p. 364)

(4) (ibid., p. 362)




Voir aussi :

16 juin 2004
Le groupe Alternative électorale travail et justice sociale : une manoeuvre bureaucratique


 

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