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Soixante millions de travailleurs indiens en grève contre la politique économique du gouvernement

Par Deepal Jayasekera
4 octobre 2005

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Plus de 60 millions de travailleurs dans toute l'Inde ont pris part à une grève générale d'une journée jeudi 29 septembre, contre le plan économique néo-libéral de "réforme" du gouvernement de coalition Alliance progressiste unie (United Progressive Alliance-APU) menée par le parti du Congrès. Ce plan comprend la privatisation de nombreuses entreprises publiques et la réforme du code du travail visant à lever les restrictions sur les licenciements, la fermeture des usines et l'utilisation de travailleurs contractuels. Les grévistes réclamaient également une loi fédérale afin d'annuler une décision de la Cour suprême stipulant que les employés du gouvernement n'ont pas le droit constitutionnel de se mettre en grève.

D'après le Comité dirigeant des syndicats (Sponsoring Committee of Trade Unions), qui a appelé au mouvement de protestation, la grève fut générale dans l'Etat du Bengale occidental, à l'est du pays, au nord-est dans les Etats de Tripura et d'Assam, et au sud dans l'Etat du Kerala. Il y avait aussi "une situation quasi-bandh"- action totale qui en plus de la grève générale signifie la fermeture des entreprises, magasins et transports publics et privés-dans les Etats de Haryana (centre-nord), d'Orissa et de Jharkand (est).

La sévérité de la perturbation du fonctionnement des transports aériens et des banques publiques a consterné les grandes entreprises. Indian Airlines et les lignes aériennes privées furent contraintes d'annuler un nombre important de vols. Quelques aéroports continuèrent à fonctionner exclusivement du fait du déploiement de personnel de l'armée de l'air.

Des employés de l'autorité aérienne de l'Inde (Airport Authority of India), entité publique qui administre les aéroports du pays, prirent part à la grève spécialement pour s'opposer au plans du gouvernement autorisant la participation du secteur privé dans la modernisation des aéroports, y compris l'expansion des aéroports de New Delhi et de Mumbai.

La grève a causé l'arrêt total dans tout le pays du fonctionnement des banques du secteur public, y compris les bureaux de change, les dépôts et retraits, et les opérations de traitement des chèques. A Mumbai, centre financier de l'Inde, quelques 40 millions de roupies en chèques sont traités chaque jour, mais à cause de la grève, aucun chèque ne fut traité. La grève fut également quasi générale dans les secteurs du pétrole, des assurances et des télécommunications. Plus de 70 pourcent des 600,000 mineurs du pays se sont associés au débrayage. De nombreuses installations industrielles furent aussi touchées par l'arrêt de travail, y compris dans la ceinture industrielle de Haryana, où en juillet eut lieu une confrontation importante entre des employés de Honda et la police lors d'une manifestation.

Les syndicats qui appelèrent à la grève sont essentiellement ceux associés aux deux principaux partis staliniens -le parti communiste de l'Inde (Marxiste), ou CPI (M), et le parti communiste de l'Inde (CPI). Ces partis mènent l'alliance parlementaire Front de gauche, qui soutient l'UPA, mené par le Parti du Congrès, au parlement.

Dans un commentaire sur l'ampleur de la participation des travailleurs dans la grève, M.K. Pandhe, président de la Centrale des syndicats de l'Inde (Centre of Indian Trade Unions-CITU), fédération des syndicats affiliés au CPI (M), dit que la grève fut "un succès au delà de nos espérances."

Les staliniens sont fermement décidés à soutenir l'UPA au pouvoir pour la totalité de son mandat de cinq années. En effet, le Front de gauche et leurs syndicats affiliés ont entamé la grève d'une journée dans le but de consolider leur crédibilité anti-néolibérale, afin de mieux poursuivre leur soutien au gouvernement.

Le Front de gauche et les syndicats se virent contraints d'appeler à une journée de protestation à cause du mécontentement grandissant face à la politique économique et à l'orientation pro américaine du gouvernement menées par le parti du Congrès. Ce gouvernement accéda au pouvoir en mai 2004 sur une vague de colère publique contre la politique néo-libérale du régime précédent mené par le Bharatiya Janata Party (BJP).

Les staliniens n'ont pas organisé la protestation de septembre dans le but de consolider la classe ouvrière en tant que force politique indépendante et la placer à la tête de la lutte pour la protection de toutes les sections opprimées contre le programme socio-économique prédateur des grandes entreprises-loin s'en faut. Plutôt, ils s'efforcent de lier la classe ouvrière à une politique visant à faire pression sur l'UPA pour qu'elle poursuive une politique en faveur du peuple et qui donne aux réformes néo-libérales un "visage humain."

Cette orientation s'est exprimée le jour de la grève, quand Gurudas Dasgupta, secrétaire général du Congrès des syndicats de l'Inde, All-India Trade Union Congress (AITUC), affilié au CPI, a promis que si le gouvernement faisait la sourde oreille d'autres appels suivraient.

"C'est un préavis pour le gouvernement United Progressive Alliance," a dit Dasgupta. "S'il n'inverse pas sa politique et ne prend pas en compte les aspirations de la classe ouvrière, il y aura lieu des grèves fréquentes et plus longues."

Pendant ce temps, le CPI (M) suggéra que les syndicats seraient prêts à travailler avec le gouvernement pour créer une plus grande "flexibilité" dans le marché du travail. Le bureau politique du CPI (M) déclara: "La grève sert d'avertissement au gouvernement pour qu'il ne s'embarque pas dans des modifications du code du travail sans négociations préalables avec les syndicats" (souligné par l'éditeur).

La presse capitaliste ne fit pas grand cas de la grève générale d'une journée jusque jeudi dernier. Et puis vendredi elle produisit un flot d'éditoriaux vitrioliques. Cette réaction exprime la nervosité de la classe dirigeante indienne devant l'opposition grandissante de la classe ouvrière contre les mesures de réforme économique du gouvernement UPA. Ces commentaires visaient aussi à envoyer un message fort à l'UPA, mené par le Parti du Congrès, l'enjoignant à ne pas faire de concessions au Front de gauche afin d'obtenir leur soutien au parlement.

De nombreux éditoriaux rabâchaient la contradiction entre l'organisation par le Front de gauche des protestations de masse contre le gouvernement et son soutien pour le maintien de ce même gouvernement au pouvoir.

"La vraie question qu'il faut poser aux partis de gauche," écrivit le Hindustan Times, "est la suivante : s'ils sont tellement en colère contre le gouvernement au point de le rouer de coups dans la rue, que diable font-ils au parlement ?"

Dan un éditorial intitulé "Ne vous mettez pas en grève, cherchez l'inspiration en Chine," le Times of India dénonça la grève, et cita en exemple la Chine, toujours saluée par le CPI (M) comme un pays socialiste. Ainsi "Les syndicats sont censés défendre les employés. En luttant pour la limitation de l'investissement ils font le contraire-ils nuisent à leurs propres membres. Et les sponsors de gauche des syndicats devraient se tourner vers la Chine, qui a attiré plus de 10 fois les $3.4 milliards d'investissements étrangers directs que l'Inde a reçus jusqu'à présent cette année, pour avoir des idées quant à la position à adopter en matière de politique économique."

Dans son éditorial après la grève, l'Indian Express dénonça l'influence du Front de gauche sur le gouvernement, quoique l'UPA fit passer à plusieurs reprises des mesures de droite en dépit des objections de la part de la gauche. "La grève nationale par les syndicats ayant le soutien de la gauche n'espérait accomplir qu'une seule chose-montrer la force brute des partis de gauche.... Si la gauche essaie de s'établir en parti d'opposition, ne devrait-elle pas d'abord retirer son soutien à l'UPA plutôt que de se mettre en grève pour montrer son large et profond désaccord avec le gouvernement ?"

Le CPI (M) et ses alliés ont appelé au mouvement de protestation du mois dernier pour maîtriser le mécontentement grandissant de la classe ouvrière et ils ont à plusieurs reprises fait comprendre leur intention de soutenir l'UPA au pouvoir. Mais les médias qui représentent les grandes entreprises réclament qu'ils s'abstiennent de mener de telles actions. Ils craignent qu'elles ne risquent d'échapper au contrôle des dirigeants staliniens. De plus, ils cherchent une restructuration radicale des relations de classe en Inde au détriment de la classe ouvrière et des travailleurs. En particulier-comme l'indique une série récente de décisions réactionnaires de la Cour suprême-la classe dirigeante de l'Inde veut voir, d'une part, l'abolition de la longue tradition des grèves politiques, hartals, et des mouvements de désobéissance civile et, d'autre part, une grande expansion des prérogatives du capital.

Le ministre des finances, P. Chidambaram, essaya de minimiser l'impact économique de la grève, mais des porte paroles des grandes entreprises, quant à eux, firent part de leur indignation. Le président de l'Association des chambres de commerce et d'industrie, Associated Chambers of Commerce and Industry, M.K. Sanghi, dit, "La grève a paralysé les activités économiques et industrielles dans tout le pays, et les pertes sont difficiles à comptabiliser à présent." Le président de la Fédération des chambres de commerce et d'industrie, Federation of Indian Chambers of Commerce and Industry, Onkar. S. Kanwar, dit que la grève avait administré un "rude choc" à l'image de l'Inde comme puissance économique mondiale : "A l'heure où l'Inde est en train de s'intégrer de plus en plus dans le monde, une grève des travailleurs dans les principaux services d'infrastructure et services financiers enverra des signaux négatifs outre-mer."

Des correspondants du World Socialist Web Site s sont entretenus avec des grévistes à Chennai (Madras) dans l'Etat du sud de Tamil Nadu. Ils distribuèrent des exemplaires de la déclaration sur la grève par Wije Dias, candidat présidentiel du Parti de l'égalité socialiste (Socialist Equality Party-SEP) au Sri Lanka, et publiée sur le WSWS le jour de la grève.

Dans sa déclaration, Dias démontra comment le Front de gauche et les dirigeants des syndicats essaient de se mettre à la tête du mécontentement social grandissant pour pouvoir l'enchaîner au gouvernement UPA mené par le parti du Congrès. Il appela les travailleurs indiens à rompre avec la politique nationaliste, parlementariste et de collaboration de classes menée par le Front de gauche, et à baser sur un programme socialiste internationaliste leur lutte contre la campagne du gouvernement UPA et de la bourgeoisie indienne qui vise à faire de l'Inde le paradis du travail à bas coût pour le capital mondial.

Dias écrivit : "Le Parti communiste stalinien de l"Inde, duquel le CPI (M) a émergé, a aidé à livrer le mouvement de masse anti-impérialiste (de la première moitié du vingtième siècle) à l'Indian National Congress bourgeois et à l'horreur de la partition, car il oscillait entre le soutien au Parti du Congrès mené par Gandhi et dirigeant la révolution nationale démocratique et le soutien pendant la deuxième guerre mondiale à l'Etat colonial britannique. Après l'indépendance, le CPI et, plus tard, le CPI (M) ont soutenu l'Etat indien conduit par la bourgeoisie, pur produit de l'avortement de la lutte anti-impérialiste des masses, comme si cet état indien bourgeois représentait une défense contre l'impérialisme. En accord avec cette position-là, les staliniens prétendent aujourd'hui que les masses opprimées de l'Inde peuvent lutter contre l'impérialisme et les ravages de la mondialisation capitaliste en défendant l'Etat-nation capitaliste indien.

"Par contre, le SEP et nos alliés dans le Comité international de la quatrième internationale, avec lesquels nous sommes en accord politique, insistent sur le fait que la lutte contre la mondialisation capitaliste et l'impérialisme n'est possible que par le biais de l'unification de la classe ouvrière en lutte contre le capitalisme et son système démodé d'Etats nations. Faisant partie de cette lutte et en opposition à l'écoeurante politique chauvine, communaliste et basée sur les castes promue par les régimes bourgeois rivaux de l'Asie du sud, le SEP lutte pour une fédération socialiste unie de l'Asie du sud."

Les correspondants du WSWS ont discuté des questions politiques soulevées dans la déclaration sur la grève et des réunions en Inde prévues par le SEP et où le candidat présidentiel SEP prendrait la parole. Des travailleurs ont accueilli avec enthousiasme cette initiative du SEP pour fournir une direction révolutionnaire aux travailleurs dans toute l'Asie du sud.

K. Jayakumar, travailleur dans les télécommunications à Chennai, dit : "Le gouvernement [du premier ministre] Manmohan Singh est un gouvernement anti-ouvrier et contre le peuple. Il a l'intention de privatiser les entreprises publiques, PSUs. Il a ouvert la porte à 74 pourcent d'investissements étrangers directs dans le secteur des télécommunications. Cela entraînera la chute de la société de télécommunication publique, BSNL [Bharat Sanchar Nigam Limited]."

K. Ramakrishnan, contrôleur de bus au dépôt Ayanavaram à Chennai, critiqua les dirigeants des syndicats "Tous les dirigeants des syndicats sont égoïstes. Militer aujourd'hui dans les syndicats n'est avantageux pour aucun travailleur. Je suis pour le socialisme, peu importe la forme qu'il prenne. Je viendrai à Madras pour assister à la réunion de votre candidat aux élections présidentielles qui auront lieu au Sri Lanka."

T. Pandiyan, technicien au même dépôt de bus, dit : "Beaucoup des travailleurs à notre dépôt suivent les développements au Sri Lanka. Nous sommes contre l'oppression par l'Etat du people tamoul là-bas. Je suis né à Deraniyagala au Sri Lanka et je suis venu en Inde quand j'étais jeune sous le pacte Sirima-Shastri [pacte qui prévoyait le rapatriement de force d'un nombre important des Tamouls de la région des plantations au Sri Lanka]. J'aimerais écouter votre candidat aux élections présidentielles du Sri Lanka."

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