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France: des dirigeants gaullistes attisent le racisme pour justifier l'état d'urgence

Par Antoine Lerougetel
22 novembre 2005

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Des ministres et des députés de l'UMP (Union pour un mouvement populaire), parti gaulliste au pouvoir, ont fait des déclarations avec l'intention d'attiser des sentiments anti-immigrés et racistes pour justifier l'instauration, par le gouvernement, de l'état d'urgence pour une durée de trois mois.

Le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, déclara sur RTL, mercredi dernier, que la polygamie dans les familles immigrées africaines était « certainement une des causes » des violentes manifestations, de jeunes des cités des banlieues de Paris et d'autres villes, qui ont duré trois semaines.

Accoyer ajouta que les autorités s'étaient montrées "étrangement laxistes" sur la question. Il critiqua aussi le gouvernement de gauche plurielle du premier ministre socialiste Lionel Jospin (1997-2002) pour sa politique de regroupement familial des immigrés. Quand on lui demanda s'il pensait qu'il fallait retirer aux familles des émeutiers condamnés les prestations sociales, il dit que cela se justifierait dans certains cas mais qu'il ne fallait pas généraliser cette mesure.

La violence des jeunes s'était substantiellement réduite au moment où l'Assemblée nationale vota le 15 novembre la prorogation de trois mois de l'état d'urgence qui avait été décrété pour 12 jours par le conseil des ministres et qui devait s'achever le 21 novembre.

La loi de 1955 permettant au gouvernement de proclamer l'état d'urgence stipule que ce n'est que l'Assemblée nationale qui est habilitée à le proroger. Cet état d'urgence augmente considérablement les pouvoirs de la police et réduit d'autant les libertés civiles.

Faire d'une petite section de familles immigrées africaines des boucs émissaires est une tentative visant à justifier les attaques massives contre les droits démocratiques que représente l'état d'urgence et à détourner l'opposition populaire à l'égard de la politique sociale de droite du gouvernement dans une direction réactionnaire.

Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et président de l'UMP, poursuivit sa rhétorique provocatrice anti-immigrée et sécuritaire, comme en témoignent ses paroles dans le magazine l'Express : « Mais disons les choses comme elles sont : la polygamie et l'acculturation d'un certain nombre de familles font qu'il est plus difficile d'intégrer un jeune Français originaire d'Afrique noire qu'un jeune Français d'une autre origine ». Il jura qu'il ferait tout pour que les cités ghettos ne soient pas sous la coupe des « barbus ».

Gérard Larcher, ministre délégué pour l'emploi des jeunes, dit aux journalistes étrangers que la polygamie était « une cause possible ». Il ajouta que la polygamie pouvait parfois occasionner des comportements antisociaux et conclut, «dans la mesure où une partie de la société manifeste ce comportement antisocial, il n'est pas surprenant que certaines d'entre eux aient des difficultés à trouver du travail ».

Le but évident de ces propos racistes écoeurants est de rendre la population immigrée responsable du taux de chômage très élevé, de la pauvreté, de la discrimination et des insultes policières qui dominent et perdurent et qui sont les vraies causes de l'éruption des troubles qui ont secoué la France ces dernières semaines. De telles déclarations se combinent avec des appels pour des mesures visant à restreindre davantage le droit des immigrés au regroupement familial.

Les déclarations racistes de dirigeants de l'UMP ont aussitôt été approuvées par Jean-Marie Le Pen du Front national néo-fasciste.

Ces déclarations furent déclenchées par les remarques d'Hélène Carrère d'Encausse, "secrétaire perpétuelle" de l'Académie française. Cette institution sert d'arbitre officiel de la langue et de la littérature de France depuis l'époque de Louis XIV.

Carrère d'Encausse siège dans des commissions de l'Union européenne et de nombreuses instances gouvernementales. Libération cite les explications qu'elle donna à la presse russe sur les causes des troubles dans les cités des banlieues: " Ces gens, ils viennent directement de leurs villages africains pourquoi les enfants africains sont dans la rue et pas à l'école ? Pourquoi leurs parents ne peuvent pas acheter un appartement ? C'est clair, pourquoi : beaucoup de ces Africains, je vous le dis, sont polygames. Dans un appartement, il y a trois ou quatre femmes et 25 enfants. Ils sont tellement bondés que ce ne sont plus des appartements, mais Dieu sait quoi ! On comprend pourquoi ces enfants courent dans les rues".

Il faut retourner à la période de l'occupation nazie et au régime de collaboration du maréchal Philippe Pétain (1940-1944) pour retrouver un tel langage dans des déclarations publiques émanant de membres de gouvernement. C'est un langage profondément choquant et offensant à l'égard des immigrés, des antiracistes et des défenseurs des droits démocratiques. La crise sociale en France et la peur d'une révolte de la France d'en bas font remonter à la surface les phobies racistes profondément enracinées des élites intellectuelles et politiques de cette ancienne puissance coloniale.

Sarkozy, principal rival au sein de l'UMP des dirigeant gaullistes traditionnel gravitant autour du président Jacques Chirac, ne demande pas mieux que d'encourager de tels états d'esprit et d'en appeler aux couches les plus arriérées de la société française. Il cherche à construire un mouvement de droite combinant racisme et xénophobie avec la politique néolibérale de « l'économie de marché » afin de détruire l'état providence.

Samedi dernier, Sarkozy, en tant que président de l'UMP, fit un discours lors de la réunion mensuelle des nouveaux adhérents. Il réitéra son populisme sécuritaire, anti-immigré qu'il utilise pour attirer de nouvelles recrues à l'UMP, utilisant une fois de plus le terme « racaille » pour décrire les jeunes des cités appauvries. Il affirma que « la première cause du chômage, de la désespérance, de la violence dans les banlieues, ce n'est pas la crise économique, ce ne sont pas les discriminations, ce n'est pas l'échec à l'école. La première cause du désespoir dans les quartiers, c'est le trafic de drogue, la loi des bandes, la dictature de la peur et la démission de la République ».

Bien entendu, Sarkozy ne faisait pas référence au désengagement du gouvernement qui avait réduit le financement des services sociaux dans ces quartiers, mais il promouvait sa politique d'intensification de la répression policière. Il prétendait que cette vague d'émeutes et de violence des jeunes envers la police avait été provoquée par des délinquants s'opposant à ses actions visant au « démantèlement des bandes ».

Il rendit l'état providence français et la législation de protection sociale responsables de tous les maux sociaux dont souffre la France: "Nous devons changer notre pays, nous devons le changer profondément, nous devons rompre avec ce système politique, économique et social qui, depuis trente ans, ne produit que de la dette, du chômage et de l'immobilisme".

Les partisans de Chirac et du premier ministre Dominique de Villepin, au sein de l'UMP, se sont ralliés à Sarkozy sur la question du renforcement de la répression policière et autres mesures antidémocratiques, mais sont en désaccord avec Sarkozy quant à sa rhétorique et sa tactique provocatrices. Ils sont plus sensibles aux implications sociales et politiques explosives de la démagogie à la Sarkozy et souhaitent, tout en prenant les mesures nécessaires pour défendre et consolider l'Etat bourgeois contre l'opposition de la classe ouvrière à leur politique, maintenir un semblant de consensus social.

Se référant à la polémique sur la polygamie, Villepin dit, "Il faut éviter certains amalgames... Il faut de la sérénité, du sang-froid... Il n'y a pas une cause unique, mais une diversité de raisonsla crise de valeursla dimension sociale ". Cette dernière remarque est un euphémisme pour le taux de chômage autour de 40 pour cent dans les quartiers d'immigrés et la pauvreté accablante qui y règne.

Allant dans son sens, Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, dit «les jeunes ont trop souvent le sentiment qu'ils sont confondus avec les délinquants». Elle émit l'hypothèse que leur violence était « une forme de désespérance suicidaireJ'invite toutefois les politiques et les commentateurs à ne pas se contenter d'une explication unique de cette crise et à ne pas mettre non plus tout le monde dans le même sac ».

Il y a une forte part d'hypocrisie dans de telles déclarations venant de l'aile chiraquienne des gaullistes. Chirac n'a pas rechigné à jouer la carte du racisme. Nombreux sont les français qui se souviennent de son tristement célèbre discours du 19 juin 1991 à Orléans où il déclara « Notre problème, ce n'est pas les étrangers, c'est qu'il y a overdosedes musulmans et des Noirs le travailleur français qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler... si vous ajoutez le bruit et l'odeur, hé bien le travailleur français sur le palier devient fou. Et ce n'est pas être raciste que de dire cela ».

Comme Villepin dit au Figaro, le 19 novembre, "derrière la bataille des mots, se cache un assez grand accord".

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