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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

L’Allemagne rejoint l’axe de la politique d’agression des Etats-Unis, d’Israël et de Grande-Bretagne

par Ulrich Rippert
7 août 2006

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Dimanche dernier, le porte-parole du gouvernement fédéral allemand, Ulrich Wilhelm, parlant au nom de la chancelière Angela Merkel (Union chrétienne-démocrate – CDU), a exprimé son « grand regret et sa profonde tristesse quant aux conséquences du bombardement aérien de Cana par Israël. »

Deux jours après, le ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier (Parti social-démocrate – SPD) a débuté une interview dans le Süddeutsche Zeitung par ces mots : « Ce qui a eu lieu dimanche à Cana est effroyable. Le grand nombre de victimes du bombardement aérien par Israël est terrible et inacceptable. »

Toutefois, l’horreur éprouvée par la population allemande ne se limite pas seulement aux corps d’enfants carbonisés et mutilés de Cana, mais est due, avant tout, au fait que ce gouvernement de grande coalition – CDU, Union chrétienne sociale de Bavière (CSU) et SPD – a refusé de nommer ce terrible crime de guerre par son nom et de le condamner. L’avertissement adressé par Steinmeier au gouvernement israélien, à savoir que dans le contexte du « droit à l’autodéfense » toute application « de la force militaire doit être appropriée et les victimes civiles doivent être évitées » est foncièrement cynique et lâche.

A Cana, il n’était pas question de tirs imprécis ou d’éviter de provoquer des victimes civiles. Il s’agissait bien plutôt d’un massacre délibéré de femmes et d’enfants innocents dans le but d’accélérer le flot de réfugiés en provenance du Sud Liban. Ce terrible massacre n’était pas une « exception regrettable », mais révélait clairement la vraie nature de l’agression impérialiste qui, jusqu’ici, a coûté la vie à plus d’enfants que de soldats.

Un jour après l’interview accordée au Süddeutsche Zeitung, Steinmeier a non seulement bloqué toute condamnation des crimes de guerre israéliens lors de la réunion à Bruxelles des ministres européens des Affaires étrangères, mais a réussi à imposer que la demande d’un cessez-le-feu immédiat soit biffée de la déclaration commune.

Le projet initial présenté par la présidence finlandaise avait appelé à un cessez-le-feu immédiat au Liban et contenait une phrase mettant en garde qu’un « manquement à prendre les précautions nécessaires pour éviter toute perte de vie civile constituerait une violation grave du droit international humanitaire. »

Sous la pression à la fois de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, les deux formulations avaient abandonné et une autre résolution retenue (avec le soutien de la République tchèque, de la Pologne et du Danemark) appelant toutes les parties à « faire tout leur possible pour protéger la population civile en s’abstenant de toute action qui violerait le droit international humanitaire », formulation qui concorde avec la justification hypocrite d’Israël pour ses propres crimes de guerre. La résolution était encore changée pour placer la condamnation des attaques de roquettes sur Israël par le Hezbollah avant la condamnation du massacre par Israël des civils libanais à Cana.

Indépendamment des déclarations de « grand regret et profonde tristesse » pour les victimes de Cana de la part de Merkel, ces faits montrent clairement que le gouvernement allemand porte une grande part de responsabilité pour les crimes de guerre qui sont commis au Liban. Rien n’a autant servi à renforcer et à encourager la politique de guerre israélo-américaine que le virage pro-américain qui s’est produit dans la politique étrangère allemande.

Avant d’occuper le poste de ministre des Affaires étrangères dans l’actuel gouvernement, Steinmeier avait été chef de la chancellerie dans le gouvernement précédent SPD-Verts, dirigé par Gerhard Schröder. Steinmeier est parfaitement au courant du caractère hypocrite de l’opposition de Schröder à la guerre menée par les Etats-Unis contre l’Irak. Tout en critiquant publiquement la guerre, l’Allemagne s’est efforcée en coulisse de fournir au gouvernement et aux services de renseignement américains un soutien logistique.

Néanmoins, la posture contre la guerre adoptée par l’Allemagne n’est pas demeurée sans effet. L’Allemagne tout en ne disposant pas de siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, a contribué sans aucun doute de par ses réticences à la guerre à renforcer d’autres nations siégeant au Conseil de sécurité et en empêchant ainsi l’approbation d’une résolution de guerre des Nations unies.

A son tour, ceci a représenté un élément significatif lors de la mobilisation populaire contre la guerre. Depuis le tout début, la nature de cette guerre d’agression illégale était clairement établie et des millions de personnes étaient descendues dans la rue dans le monde entier pour manifester leur rejet de la guerre.

C’est de ce point de vue que les efforts entrepris par le nouveau gouvernement pour afficher de manière sans équivoque un virage pro-américain de la politique étrangère allemande revêtent une importance manifeste pour les gouvernements américain et israélien. Merkel, Steinmeier et compagnie ont joué un rôle primordial pour faire basculer en Europe la balance du pouvoir vers le gouvernement américain et pour isoler les critiques de la guerre israélo-américaine.

Dimanche soir, suite au massacre de Cana, Merkel a décidé de téléphoner au premier ministre Tony Blair, principal allié de George Bush en Europe, plutôt qu’au président Jacques Chirac. Ce faisant, elle a manifesté clairement que la nouvelle orientation pro-américaine adoptée par l’Allemagne n’était pas seulement temporaire ou le résultat de pressions exercées par le président américain. Il s’agit, en fait de la continuation et de la confirmation de l’orientation indiquée par Merkel au sommet du G8 à Saint-Pétersbourg lorsqu’elle est apparue au côté de Bush pour se rallier à lui en justifiant les attaques menées contre le Liban comme étant un acte légitime d’« autodéfense » suite à l’attaque lancée le 12 juillet par le Hezbollah à la frontière israélo-libanaise.

Ce changement d’orientation du gouvernement allemand a contribué à changer les relations internationales et à renforcer les forces politiques les plus réactionnaires. La position de l’Allemagne a renforcé le régime israélien et son promoteur à Washington dans leur conviction que leur agression illégale, y compris le bombardement d’un poste de l’ONU, restera impunie.

En accordant aux Etats-Unis et à Israël son soutien sans réserve, le gouvernement allemand a encouragé l’administration Bush et le gouvernement israélien à intensifier le massacre au Liban. En conséquence, le gouvernement allemand porte une part de responsabilité pour les morts et la destruction causés à Cana et de par le Liban ainsi qu’à Gaza.

Il y a trois ans, des représentants du gouvernement allemand étaient prêts à réclamer l’application du droit international pour formuler leur opposition à la guerre menée par les Etats-Unis contre l’Irak. Les fauteurs de guerre à Washington pour leur part avaient fait preuve d’un mépris flagrant pour les lois et les institutions internationales. A présent, le gouvernement allemand a lui aussi clairement montré qu’il n’est plus disposé à accepter la loi internationale comme cadre de sa politique.

Ce changement de la politique étrangère allemande est particulièrement significatif en ce qui concerne la direction du SPD. Il fut un temps où le SPD, parfaitement conscient de l’opposition massive des citoyens allemands à la guerre contre l’Irak, affichait une posture anti-guerre qu’il exploitait lors des campagnes électorales. Maintenant qu’il est devenu évident que le cadre de la loi internationale mis en place après la Deuxième Guerre mondiale est ébranlé de façon irrévocable, et que le militarisme impérialiste et la force brute sont devenus la règle, plutôt que l’exception, le SPD, tout comme il l’a déjà maintes fois fait de par le passé, se rallie à la puissance impérialiste la plus forte.

Les exportations d’armes allemandes vers Israël

Il existe également un autre plan sur lequel le gouvernement allemand est responsable de crimes de guerre commis au Liban. Alors que les Etats-Unis sont avant tout responsables de l’équipement militaire d’Israël, l’Allemagne fournit aussi des armes à Israël – notamment des éléments de haute technologie.

Le 27 juillet, l’émission Monitor de la chaîne allemande ARD, rapportait que des livraisons d’armes fabriquées en Allemagne avaient été faites à destination d’Israël. Selon le compte-rendu, « Depuis plusieurs jours, les forces aériennes israéliennes continuent d’effectuer des bombardements au Liban. Une partie des moyens de détection, voire le dispositif de visée des avions de combat est basé sur le savoir-faire allemand et a été conçu et fourni par une filiale de l’entreprise allemande AEG. »

L’émission a ensuite montré le dispositif de visée installé dans le fuselage d’un avion de chasse israélien F-16.

Le compte-rendu poursuivait : « Au sol, les troupes israéliennes combattent également avec de la technologie allemande. Le char israélien Merkava compose le gros de l’offensive terrestre au Liban et le canon a été développé par l’usine allemande d’armement Rheinmetall. De plus, sans la technologie allemande, le char israélien serait incapable de tirer ou d’avancer, car le moteur a été développé par des ingénieurs allemands et la boîte de vitesse vient de la firme allemande sise à Augsburg, Renk-AG. »

Bien que le gouvernement allemand affirme ne pas autoriser de livraisons d’armes vers des « zones de tension », le prochain contrat de vente d’armement israélo-allemand est déjà sur le point d’être signé. Israël est très intéressé par le véhicule blindé pour le transport de troupes appelé « Dingo ». L’émission Monitor rapporte : « Conformément à nos recherches, le gouvernement allemand a accepté dernièrement de livrer un véhicule d’essai. » A la question de Monitor de savoir si la livraison du « Dingo » aurait lieu alors qu’Israël est en pleine guerre, les représentants du gouvernement ont refusé de répondre.

 





 

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