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WSWS : Nouvelles et analyses : États-Unis

Des « renseignements » sont exigés des agences d’espionnage américaines pour justifier une guerre contre l’Iran

Par Bill Van Auken
29 août 2006
(article original anglais paru le 28 août 2006)

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Alors qu’approche la date limite du 31 août fixée par le Conseil de sécurité des Nations unies pour que l’Iran abandonne son programme d’enrichissement nucléaire, une section de l’élite dirigeante américaine presse les services de renseignement des États-Unis de lui fournir des « preuves » que les ambitions nucléaires de l’Iran constituent une menace nucléaire imminente.

L’objectif est le même que celui poursuivi par le vice-président Dick Cheney et d’autres parmi l’administration Bush qui ont tenté, avant la guerre en Irak, de créer de toutes pièces de faux « renseignements » selon lesquels les armes de destruction massive non existantes de Saddam Hussein justifiaient l’invasion et l’occupation de l’Irak par les Etats-Unis.

Voilà la signification politique du rapport médiocre vite rédigé publié mercredi dernier par le Comité du renseignement de la Chambre des représentants, une journée après que l’Iran eu donné sa réponse à l’ultimatum de l’ONU. Washington estime que celle-ci ne remplit pas les conditions de la résolution pour éviter les sanctions.

Alors que la Russie et la Chine, deux membres du Conseil de sécurité de l’ONU ayant un droit de veto, ont indiqué qu’ils appuyaient la demande de l’Iran pour d’autres négociations, Washington ne veut rien entendre, exigeant plutôt que Téhéran se soumette sans conditions aux ordres de l’ONU.

L’Iran n’a montré aucun signe de vouloir agir de la sorte. Plutôt, samedi, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a organisé une inauguration symbolique d’une usine d’eau lourde près d’Arak, au centre de l’Iran. Il a insisté sur le fait que l’usine n’était prévue que pour utilisation pacifique, répondant à des besoins médicaux, scientifiques et d’agriculture. Mais les puissances occidentales ont souligné qu’il est possible d’extraire du plutonium, la matière utilisée dans la production d’armes nucléaires, du combustible irradié produit par un réacteur nucléaire d’eau lourde de recherche, qui est toujours en construction.

L’administration Bush a juré d’imposer rapidement des sanctions économiques si le gouvernement iranien ne se soumettait pas complètement avant la date butoir du 31 août. Tout porte à croire qu’elle tente délibérément de confronter Téhéran, en faisant des demandes qu’elle sait qui seront rejetées et, comme durant les préparatifs pour la guerre contre l’Irak, passant d’une résolutions de l’ONU à l’autre pour finalement proclamer que l’organisation est incapable de gérer la crise et qu’une action américaine unilatérale est nécessaire.

Selon le Washington Post, le rapport du comité de la Chambre des représentants a été essentiellement rédigé par un membre du personnel du comité républicain du nom de Frederick Fleitz, qui est un ancien agent de la CIA reconnu pour ses vues intransigeantes sur l’Iran. Fleitz est devenu assistant spécial de John Bolton, qui, avant d’être nommé au poste d’ambassadeur américain aux Nations unies, était le troisième plus important responsable au département d’État en tant responsable du contrôle de l’armement.

Bolton, vraisemblablement avec l’aide de Fleitz, a joué un rôle majeur dans la diabolisation des gouvernements du soi-disant « axe du mal » — l’Irak, l’Iran et la Corée du Nord — et a cherché à fomenter une campagne de peur contre Cuba en lançant des affirmations manifestement fausses à propos de La Havane et d’un programme secret d’armes biologiques.

Le rapport du Comité de renseignement de la Chambre des représentants, intitulé « Voir l’Iran comme une menace stratégique », n’est que de la propagande de guerre. La page de garde, choquante, présente une photographie du président iranien Ahmadinejad parlant à un podium, avec la légende « Le monde sans le sionisme ».

L’idée maîtresse du document est son affirmation que « les États-Unis ne possèdent pas les informations cruciales nécessaires pour que les analystes soient en mesure de porter des jugements en toute confiance à propos de l’Iran, et qu’il manque plusieurs informations importantes. »

Il accuse la CIA et d’autres agences de renseignements des États-Unis de ne pas avoir eu « la capacité d’acquérir les informations essentielles nécessaires pour que des décisions se prennent sur ces sujets essentiels, qui ont été reconnus comme fondamentaux pour la sécurité nationale américaine. »

Il poursuit en portant ses propres accusations grossièrement exagérées contre l’Iran, un grand nombre d’entre elles basées sur des distorsions délibérées des rapports des services du renseignement des États-Unis ainsi que ceux de l’Agence internationale de l’énergie atomique de l’ONU. D’autres affirmations sont basées sur des assertions, recueillies parmi les journaux, du secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, et d’autres représentants de l’administration.

Fausser les données sur le programme d’enrichissement iranien

Ses affirmations sans fondement sur le programme nucléaire iranien contredisent toutes les évaluations des États-Unis, de l’ONU et du gouvernement iranien lui-même. Ainsi, il affirme que l’Iran « enrichit de l’uranium jusqu’à un niveau d’armement, en utilisant une cascade de 164 centrifugeuses ». En réalité, l’Iran a atteint un taux d’enrichissement de 3,5 pour cent, et non les 80 pour cent nécessaires à la fabrication d’une bombe. Faire suffisamment de cette matière pour une arme nécessiterait 16.000 centrifugeuses, pas 164.

Cette tentative d’inventer des « renseignements » servirait apparemment à contrer les évaluations bien reconnues qui estiment que l’Iran ne pourra construire d’armes nucléaires que dans plusieurs années. Ces évaluations nuisent aux tentatives d’utiliser le programme nucléaire iranien en tant que prétexte au déclenchement d’une « guerre préventive » d’agression.

Par exemple, le directeur du renseignement national de l’administration Bush, John Negroponte, a déclaré à la BBC en juin dernier que l’Iran ne sera pas « en position d’avoir une arme nucléaire » avant « quelque part entre le début de la prochaine décennie et le milieu de la prochaine décennie ». De la même façon, en février dernier, Negroponte avait affirmé au comité du renseignement du Sénat que les services du renseignement américains croyaient que l’Iran n’avait ni l’arme nucléaire, ni la matière fissile pour la construire.

Le rapport du comité de la Chambre continue avec des affirmations non fondées, décrivant la récente guerre d’Israël contre le Liban comme étant le résultat d’une provocation du Hezbollah ( qui est présenté comme une marionnette de l’Iran) réalisée à la demande du gouvernement iranien — une évaluation rejetée quasi unanimement par tous ceux ayant une certaine connaissance de la région. Cette relation supposée est ensuite décrite comme un exemple de l’Iran utilisant des « mandataires terroristes » pour réaliser ses objectifs globaux.

Le document affirme, « La nature de la relation qu’entretien l’Iran avec al-Qaïda, s’il en est, est ambiguë et les services du renseignement américains doivent approfondir ses connaissances sur cette dynamique critique. La relation de l’Iran avec ses mandataires lui donne une capacité globale, qui pourrait devenir encore plus alarmante si Téhéran faisait parvenir des armes de destruction massive à ces groupes. »

Ce langage est quasi identique à celui employé par les responsables de l’administration en 2002, lorsque des rapports non fondés et carrément mensongers étaient utilisés pour inventer un lien entre al-Qaïda et l’Irak. Cette fabrication était à la base d’une campagne visant à terroriser la population américaine avec le spectre du terrorisme, armé par l’Irak, attaquant les villes américaines avec des bombes nucléaires.

Le document suggère que le même type de « renseignement » est nécessaire pour l’Iran. Il affirme « Les analystes doivent examiner toutes les éventualités et considérer toutes les évaluations hors normes pour défier les opinions communément admises. » Il ajoute « Les spécialistes de l’Iran doivent faire une plus grande utilisation des sources d’informations ouverte sur l’Iran, dont la disponibilité est augmenté par la prolifique (même si elle est persécutée) presse iranienne.

Pour des exemples d’« évaluations hors normes », il n’y a qu’à lire l’information fabriquée de toutes pièces sur la soi-disant acquisition par l’Irak d’uranium du Niger, ou l’importation par Bagdad de tubes d’aluminium pour un programme nucléaire inexistant

Pour ce qui est de plus utiliser « les sources d’informations ouvertes » et la presse iranienne « persécutée », l’objectif est de demander qu’il soit donné plus d’importance aux groupes d’exilés iraniens, qui sont aussi notoires que les groupes d’exilés irakiens pour promouvoir les histoires les plus fantastiques concernant les armes de destructions massives et sur l’existence de liens terroristes étendus.

Selon un rapport publié dans l’édition du 24 août du New York Times citant des sources officielles non identifiées, les critiques et la pression dirigée contre l’agence du renseignement américain par le comité de la Chambre « reflète le point de vue de certains représentants officiels au sein de la Maison-Blanche et du Pentagone qui veulent aller en guerre contre l’Iran et font maintenant pression pour une confrontation directe avec  l’Iran sur les questions de son programme nucléaire et de ses liens avec le terrorisme… »

Le journal citait un « responsable haut placé du gouvernement des Etats-Unis » reprochant aux agences du renseignement américaines de ne pas avoir fait « appel à leur jugement. » Il ajoute « Nous ne sommes pas dans une cour de justice. Lorsqu’ils disent, il n’y « pas de preuve », vous devez leur demander ce qu’ils veulent dire, quel est le sens du terme « preuve ». »

La définition du terme est très clair dans la foulée de l’invasion de l’Irak, lors de laquelle les inspecteurs d’armes de l’ONU et les analystes américains insistaient pour dire qu’il n’y avait pas de preuve permettant de soutenir la prétention de Washington que l’Irak possédait des « armes de destruction massive ». Pour tenter de parer à de telles affirmations, les responsables de la Maison-Blanche et du Pentagone intimident les analystes de la CIA pour qu’ils acceptent à leur face même les rapports sensationnalistes des groupes d’exilés et ont aussi contourné les canaux officiels pour fabriquer leurs propres « renseignements ».

L’exemple le plus évident de cette tentative de gonfler la supposée menace que représente l’Iran a été donné par l’ancien speaker de la Chambre des représentants, Newt Gingrich. Ce républicain en vue a dit au New York Times : « Lorsque la communauté du renseignement dit que l’Iran est à cinq ou dix années d’acquérir l’arme nucléaire, je demande : "Et si la Corée du Nord leur en expédiait une par bateau demain, combien proche  serait l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire ? »

La logique tordue du militarisme

Naturellement, la même logique tordue peut être utilisée pour justifier l’action militaire contre Cuba, le Venezuela, la Syrie ou toute nation considérée comme un obstacle aux intérêts stratégiques de l’impérialisme américain.

Il est remarquable de voir tant d’irrationalité dans ce débat et la pression pour des sanctions punitives et même l’action militaire contre l’Iran — étant donné l’état actuel de l’occupation américaine en Irak et la répudiation populaire du militarisme américain à travers le monde — semble frôler la folie.

La demande de Washington pour l’approbation rapide de sanctions sévères contre Téhéran sera reçue par le mépris et la haine populaire dans tout le monde arabe et musulman, et au-delà. Le monde était dégoûté de voir que durant six semaines Washington a utilisé tout son poids pour empêcher de telles sanctions contre Israël et a opposé son veto pour bloquer tous les efforts internationaux pour arrêter la destruction déchaînée du Liban et le massacre de civils innocents par Israël.

Il est largement prédit qu’une guerre contre l’Iran pourrait provoquer une rébellion de masse des chiites en Irak contre les forces d’occupation qui sont déjà assaillies de toutes parts ainsi que des soulèvements à travers le Moyen-Orient et la possibilité que l’approvisionnement en pétrole du monde soit coupé, ce qui déclencherait une crise économique mondiale.

Et pourtant, la menace de guerre est manifeste et explicite, sous la pression de la logique du projet impérialiste mis en œuvre avec l’invasion de l’Irak il y a trois ans et demi. La tentative de faire un protectorat américain de l’Irak, et ainsi assurer la domination américaine sur ses vastes réserves de pétrole, s’est transformé en débâcle et, selon la plupart des estimés, n’a réussi qu’à augmenter l’influence de l’Iran, à la fois en Irak et à travers la région. La solution, selon des personnes bien placées dans les cercles dirigeants américains, est de préparer une nouvelle guerre qui aura pour objectif le « changement de régime » en Iran.

Encore une fois, l’opposition à une telle guerre est très faible au sein de l’establishment politique, alors que des démocrates en vue ont critiqué l’administration Bush de la droite pour n’avoir pas pris une position assez dure contre Téhéran.

Dans son éditorial du 24 août, le Washington Post a pris la Chine et la Russie à partie pour avoir signifier leur soutien à l’appel de l’Iran pour des négociations plutôt qu’à la demande de Washington pour des sanctions immédiates. L’éditorial concluait par une menace claire que ne pas soutenir les démarches de Washington contre l’Iran ne peut qu’accélérer l’action militaire américaine.

« Mais si la Russie et la Chine veulent être acceptées comme des forces pour la stabilité mondiale comme elles prétendent l’être, avertit le Post, elles ne doivent pas miner les efforts occidentaux pour désamorcer la crise par des moyens pacifiques. Une puissance responsable n’a rien à gagner de l’augmentation des tensions au Moyen-Orient, encore moins d’une guerre éventuelle sur la question des ambitions nucléaires de l’Iran. »

En d’autres mots, si vous n’appuyez pas les tentatives de Washington d’utiliser l’ONU comme couverture dans ses préparatifs contre l’Iran, vous serez responsables du fait que les Etats-Unis se lanceront dans une autre guerre d’agression unilatérale.

Les couches de la droite qui dominent le Parti républicain et qui ont joué le rôle dirigeant dans l’orchestration de la guerre non provoquée contre l’Irak par Washington sont encore plus explicites. Elles sont très amères dans leurs critiques de la politique de l’administration Bush envers l’Iran et particulièrement du rôle joué par le département d’Etat et la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice. Ces critiques ont atteint un niveau hystérique après le recul militaire et la défaite politique qu’ont subis les Etats-Unis et Israël au Liban, alors que les chroniqueurs de droite les plus influents décrivent la politique de Washington comme de « l’apaisement » et comparent le rôle de l’administration à celui de Neville Chamberlain qui s’était entendu avec Hitler à Munich en 1938.

Parmi les exemples qui donnent le plus la chair de poule — mais qui sont tout de même entièrement typiques des positions de la droite républicaine —, on trouve une chronique écrite la semaine dernière par le chroniqueur de Townall.com, Walter Williams.

« Pensez-y, écrit Williams. Les Etats-Unis ont un arsenal de 18 sous-marins de classe Ohio. Un seul de ces sous-marins transporte 24 missiles nucléaires Trident. Chaque missile Trident a huit têtes nucléaires qui peuvent toucher une cible différente. Cela signifie que les Etats-Unis seuls peuvent balayer de la carte l’Iran, la Syrie ou tout autre Etat qui appuie des groupes terroristes ou entreprend lui-même des actes terroristes — sans risquer la vie d’un seul soldat. »

Williams continue en se lamentant que Washington se préoccupe trop de « l’opinion publique mondiale » et que sa « faible volonté » l’empêche de lancer un holocauste nucléaire contre ces pays. « Toute tentative d’annuler nos ennemis du Moyen-Orient créerait toute sorte de plaintes sur les vies innocentes sacrifiées, le soi-disant dommage collatéral. »

Que de telles choses puissent être écrites et publiées par des éléments politiques proches de l’administration actuelle à Washington est une indication de la profondeur de la crise de l’impérialisme américain et des profonds dangers qui en résulte. Au moins pour certaines de ces couches, la victoire dans « la guerre globale au terrorisme » est devenue une façon d’éliminer des dizaines de millions de personnes.

 





 

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