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Italie : l'alliance de centre-gauche remporte les élections sur le fil du rasoir

Par Peter Schwarz
Le 12 avril 2006

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La coalition de centre-gauche (Unione) conduite par l'ancien président de la Commission européenne, Romano Prodi, a remporté une victoire sur le fil du rasoir aux élections législatives qui se tinrent dimanche et lundi en Italie.

A l'élection de la Chambre des députés, Unione, l'alliance menée par Romano Prodi totalisa 49,8 pour cent des votes, soit tout juste 0,07 pour cent de voix de plus que la Casa delle Libertà (Maison des Libertés) dirigée par le président sortant, Silvio Berlusconi. Alors que 47 millions de personnes ont le droit de vote, l'avantage numérique de Prodi sur son rival s'éleva à tout juste 25.000 voix.

A l'élection du Sénat, l'alliance de Berlusconi remporta en fait 50,2 pour cent de voix, soit un avantage de 1,3 pour cent sur l'Unione de Prodi. Mais, en raison de particularités de la loi électorale italienne, le camp de Prodi fut en mesure de remporter deux sièges supplémentaires. Contrairement à l'attribution des sièges pour la chambre des députés qui est basée sur un pourcentage national, les sièges du Sénat sont attribués sur la base de résultats régionaux et il faut être âgé de 25 ans, au lieu de 18, pour avoir le droit de vote. Ce fut le vote des 2,6 millions d'Italiens vivant à l'étranger et qui élisent six des 314 sénateurs qui fit pencher la balance en faveur de Prodi.

La participation électorale fut relativement élevée avec 84 pour cent (2 pour cent de plus que lors des élections d'il y a cinq ans) suite à une campagne électorale très polarisée.

Après la fermeture des bureaux de vote, le lundi à 15 heures, il aura fallu vingt heures de dépouillement avant de pouvoir annoncer les résultats. Les résultats des premiers sondages réalisés à la sortie des bureaux de vote donnaient à l'opposition une victoire nette dans les deux Chambres. Mais, dans la soirée, il apparut clairement que les deux camps étaient au coude à coude et les célébrations de victoire prévues furent annulées. Mardi de bonne heure, l'impression dominante était que Prodi remporterait la Chambre des députés et Berlusconi le Sénat, résultat qui aurait rendu très difficile la formation d'un gouvernement. Ce n'est que le décompte des votes par correspondance d'Italiens vivant à l'étranger qui accorda finalement la victoire à Prodi.

Romano Prodi s'est depuis déclaré vainqueur des élections législatives et a annoncé, « Nous gouvernerons donc pendant cinq ans. » Le camp de Berlusconi s'est refusé à reconnaître sa défaite et a exigé un recompte de l'ensemble des voix. « Un résultat aussi serré nécessite un examen détaillé », dit Paolo Bonaiuti, porte-parole de Berlusconi. Il y a « au moins un demi million de voix » qui pourraient être invalidés.

Prodi doit sa majorité à la nouvelle loi électorale qui fut votée, malgré une très forte résistance de la part de l'opposition, il y a six mois par le gouvernement Berlusconi. La nouvelle loi remplace le système uninominal à un tour, en place depuis le milieu des années 1990, par un système basé sur un scrutin à la proportionnelle qui prévoit un grand nombre de clauses d'exception et trois différents types de seuils basés sur le pourcentage. L'intention de Berlusconi était à l'époque de placer, au moyen de cette nouvelle loi électorale, un maximum d'obstacles sur la voie de l'opposition qui était alors complètement divisée.

Le calcul a échoué et le nouveau système électoral a fini par profiter au camp de Prodi. Il fut tout spécialement en mesure de profiter d'une clause spéciale de la nouvelle loi qui accorde au moins 55 pour cent des sièges au groupe parlementaire majoritaire, indépendamment du résultat réel de l'élection. De ce fait, la maigre avance de 25.000 voix pour Prodi s'est transformée en une majorité parlementaire confortable de 340 sièges contre 277.

Néanmoins, ce résultat électoral serré est un sujet d'inquiétude pour les milieux dirigeants en Italie et en Europe. Presque tous les journaux italiens commentèrent le résultat en titrant « L'Italie divisée » et la presse européenne annonça un « retour à des temps instables » pour le pays.

Au cours de sa campagne électorale, Prodi put non seulement compter sur le soutien des syndicats et de l'ensemble de la gauche, dont l'ensemble des organisations ayant succédées au Parti communiste italien, mais il bénéficia également du soutien de vastes sections du patronat italien et européen profondément déçu par Berlusconi.

Alors que le magnat de la presse réussit à doubler durant ses cinq années de mandat sa richesse personnelle qui atteint les 12 milliards d'euros, l'économie italienne a, elle, stagné. Elle enregistra une croissance moyenne d'à peine 0,35 pour cent par an, contre 1,45 pour cent pour le reste de l'Europe. Bien que Berlusconi n'ait pas introduit les réductions d'impôts promises, le déficit budgétaire du pays augmenta considérablement. Vers la fin de la campagne électorale, Berlusconi promit de nouvelles réductions d'impôts et des programmes sociaux qui auraient aggravé davantage encore le déficit budgétaire.

Berlusconi n'a pas non plus introduit la déréglementation du marché de l'emploi qu'il avait promise, en raison, en grande partie, de la résistance acharnée de la classe ouvrière. Durant la totalité de son mandat, il y eut des grèves générales à répétition, rassemblant jusqu'à treize millions de travailleurs. Il n'a survécu que parce que les syndicats ont limité chacune des grèves à juste une seule journée.

Les groupes de pression des grandes entreprises italiennes attendent de Prodi qu'il défende leurs intérêts avec davantage de cohérence et de détermination. Dans son manifeste électoral, l'expert économique Prodi donna la priorité à la consolidation du budget national et à une baisse de 5 pour cent des charges sociales patronales inclues dans les salaires. Selon le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, le gouvernement de Prodi doit à présent « appliquer toutes les réformes libérales en ce qui concerne les impôts, le marché de l'emploi et les contributions de sécurité sociale que la droite avait promises sans toutefois les concrétiser. » Il n'a rien d'autre à offrir, que « du sang, de la sueur et des larmes. »

Contrairement à Berlusconi, Prodi cherche à atteindre ses objectifs en collaborant avec les syndicats, plutôt que contre eux. Vue sous cet angle, l'inclusion de Rifondazione Communista (Parti de la Refondation Communiste) dans son alliance électorale et son gouvernement est très importante. Ce parti, qui emploie encore un vocabulaire de gauche, maintient des liens étroits avec les syndicats. Sa tâche est de subordonner au gouvernement Prodi les travailleurs et les jeunes à l'esprit combatif.

Rifondazione fut en mesure de remporter respectivement 5,8 et 7,4 pour cent des votes respectifs et de marquer un succès électoral indéniable. Il dispose à présent de 41 sièges à la Chambre des députés et 27 sièges au Sénat. Seize sièges supplémentaires de la Chambre des députés revinrent aux membres de Comunisti Italiani, parti né de la scission de Rifondazione.

La polarisation aiguë du pays qui se révéla à la fois dans la campagne électorale et dans le résultat des élections rend la tâche de Prodi bien difficile. Sa première réaction fut de tendre une main conciliante au camp de Berlusconi. « Maintenant nous devons commencer par unir le pays » furent les premiers paroles qu'il prononça.

Les Démocrates-Chrétiens alliés à Berlusconi répondirent rapidement. Leur dirigeant, le ministre de la Culture, Rocco Buttiglione, déclara qu'il était nécessaire d'éviter une crise politique qui ne ferait qu'effaroucher les investisseurs potentiels. « Nous devons immédiatement envoyer un message aux marchés pour leur signaler que le pays n'est pas en train de s'effondrer. » Le quotidien influent, Financial Times, avait déjà déclaré en mars que le seul espoir de sauver l'Italie résidait dans une « grande coalition » qui inclurait les deux camps rivaux.

Suite à une campagne électorale très violente et agressive, cependant, toute collaboration entre Prodi et Berlusconi paraît très peu probable. Et, en dépit de pertes considérables, le parti de Berlusconi Forza Ialia (En avant l'Italie) demeure le groupe parlementaire unique le plus important du nouveau parlement. Il remporta 23,7 pour cent des voix, soit près du double du parti placé en deuxième position dans le camp de l'aile droite, le parti postfasciste Alleanza Nazionale (l'Alliance nationale).

Durant sa campagne électorale, Berlusconi put profiter du fait qu'un vaste mécontentement populaire n'avait pu trouver de représentation politique indépendante. Dans la situation où la totalité de la soi-disant « gauche » soutenait le programme bourgeois droitier de Romano Prodi, il ne restait personne pour représenter les intérêts sociaux de la grande masse de la population.

Quant à Berlusconi, il en appela aux craintes et aux instincts les plus arriérés de la petite bourgeoisie et des couches appauvries en recourant à un genre de démagogie que l'Europe n'avait pas vue depuis l'époque du fascisme. L'homme le plus riche d'Italie se posa en défenseur du citoyen ordinaire et viola de manière flagrante les règles les plus élémentaires de la décence politique. Il insulta les partisans de l'opposition de la manière la plus vulgaire. Lors d'un rassemblement électoral, il traita les électeurs de l'Unione de « couillons.»

Berlusconi incarne une aile de la bourgeoisie qui place ses propres intérêts égoïstes au-dessus de tout et qui gagne de plus en plus d'influence au plan international. Un journal résuma ainsi son slogan « Libre voie à l'intérêt personnel » Ce n'est pas un hasard si Berlusconi compte parmi ses amis les plus proches, à la fois le président américain George W. Bush et le président russe Vladimir Poutine. Il ne faudrait pas non plus oublier le premier ministre britannique, Tony Blair, qui passa ses vacances dans la villa privée de Berlusconi.

Berlusconi est l'expression d'une tendance internationale qui réagit aux tensions sociales croissantes en se tournant vers des formes autoritaires de gouvernement. Il ne faudrait pas oublier que son alliance électorale comprenait deux petits partis se réclamant ouvertement de l'héritage de l'ancien dirigeant fasciste italien, Benito Mussolini. En termes de voix, leurs résultats furent insignifiants. Ensemble, le Fiamma Tricolore et le Alternativa Sociale, dirigé par la nièce du Duce, Alessandra Mussolini, reçurent à peine 1,3 pour cent des votes et ne seront pas représenté dans le nouveau parlement. Mais ils sont révélateurs de la direction que prend Berlusconi.

Le résultat de la récente élection confirme que Unione, l'alliance de Prodi, n'est pas une alternative aux dangers qu'incarne Berlusconi. Si Prodi venait à former un gouvernement, son programme pro-capitaliste ne ferait qu'à approfondir la crise sociale et la pourriture du pays, fournissant ainsi à Berlusconi et à ses alliés de nouvelles occasions pour exploiter leur démagogie droitière.





 

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