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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

Opposition à Bagdad au sein des partis kurdes et chiites au Groupe d’étude sur l’Irak

Par James Cogan
15 décembre 2006

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Les conclusions du Groupe d’étude sur l’Irak (GEI) dirigé par le puissant républicain James Baker ont été rejetées du revers de la main par les partis nationalistes kurdes et le Conseil suprême pour la révolution islamique en Irak (SCIRI), une organisation fondamentaliste chiite. Les critiques les plus acérées ont été celles du président irakien et du dirigeant kurde en vue, Jalal Talabani, qui ont dénoncé le rapport du GEI pour être « injuste et inique », « dangereux », « une insulte au peuple irakien » et « mort noyé ».

Les groupes kurdes ont été parmi les plus ardents supporteurs de l’invasion américaine, la considérant comme un moyen de transformer les provinces du nord de l’Irak à prédominance kurde en un Etat indépendant dans les faits. En vertu de la nouvelle constitution irakienne imposée sous occupation américaine, le nord du pays est placé sous la juridiction du gouvernement régional kurde (GRD).

La constitution donne au GRD les pleins pouvoirs sur toute nouvelle production de pétrole dans la région. Egalement, elle stipule qu’un référendum aura lieu avant décembre 2007 pour déterminer si les habitants de l’important centre pétrolier Kirkouk veulent se joindre au GRD.

L’incorporation de Kirkouk donnerait au GRD l’autorité sur 40 pour cent des réserves en pétrole de l’Irak. En préparation pour le référendum, il y a eu une série d’accusations que les miliciens kurdes font des menaces et utilisent la violence pour faire pression sur les Arabes et les Turcs pour qu’ils quittent la région de Kirkouk, qui deviendrait ainsi très majoritairement kurde.

Comme celui des Kurdes, l’establishment chiite a largement appuyé l’invasion américaine en tant que moyen pour supplanter l’establishment sunnite arabe traditionnel qui a été au pouvoir en Irak depuis la formation du pays en 1920. Le Baas de Saddam Hussein s’appuyait sur l’élite tribale et propriétaire sunnite. Les partis chiites ont dominé chacun des gouvernements marionnettes formés sous l’occupation américaine. La plupart des unités de la nouvelle armée, du ministère de l’Intérieur et de la police sont composées de chiites, donnant à leur participation dans les opérations américaines contre les insurgés arabes sunnites le caractère d’un conflit confessionnel.

Le SCIRI, une des plus puissantes factions chiites, a agressivement soutenu la constitution fédéraliste et a déclaré son intention de former un gouvernement régional chiite qui chapeauterait neuf provinces au sud de l’Irak. En vertu de la constitution appuyée par les Etats-Unis, la majorité des revenus du pétrole irait à un tel gouvernement régional, puisque 60 pour cent des réserves du pays sont situés dans le territoire proposé.

Les ambitions des partis chiites et kurdes sont directement concernées par le rapport du GEI. Avec la situation d’une société sombrant dans la guerre civile entre chiites et sunnites, d’une insurrection sunnite déterminée contre les troupes américaines, d’une intensification des tensions à travers le Moyen-Orient et d’une immense opposition populaire aux Etats-Unis, le GEI a soutenu une nouvelle stratégie politique. Il a appelé à ce qu’un dialogue s’établisse avec l’ancienne élite dirigeante sunnite et que des pourparlers régionaux soient entrepris pour rétablir un gouvernement central irakien fort pour aider les Etats-Unis à imposer la « stabilité ».

Baker a spécifiquement recommandé que soit réécrite la constitution pour contrer le contrôle régional sur les revenus de pétrole et a aussi recommandé que le référendum sur Kirkouk soit retardé indéfiniment. De plus, le GEI a demandé que l’avenir de Kirkouk soit discuté par un « groupe international de soutien à l’Irak », dont feraient partie la Turquie, la Syrie et l’Iran — tous des Etats qui répriment leur importante minorité kurde et qui s’opposent farouchement à l’émergence, de facto, d’un Etat kurde sur leurs frontières. Le GEI a aussi recommandé un revirement considérable de la politique anti-baasiste de l’occupation américaine et de ses supporters chiites et kurdes pour isoler l’élite sunnite.

La réaction kurde au rapport du GEI a été particulièrement venimeuse. Masoud Barzani, dirigeant kurde depuis longtemps et président du KRG, a fait une déclaration le 7 décembre, le jour suivant la publication du rapport Baker. S’opposant à un contrôle centralisé des revenus du pétrole, Barzani a affirmé : « Nous réaffirmons notre engagement envers la constitution irakienne... et nous rejetons toutes les tentatives visant à modifier cette solution. » Dénonçant la proposition de repousser le référendum sur Kirkouk, la déclaration a affirmé qu’elle « ne serait jamais acceptée par le peuple de la région kurde ». La participation d’éléments étrangers dans les discussions sur l’avenir de la ville a été condamnée comme « contraire aux intérêts du peuple irakien et particulièrement contraire aux intérêts du peuple de la région kurde ».

Posant la menace claire d’une possible agitation kurde, Barzani a déclaré que le GEI avait présenté « des recommandations irréalistes et déraisonnables dans l’espoir d’aider les Etats-Unis à se sortir d’une position difficile... nous, au nom du peuple du Kurdistan, rejetons tout ce qui est contre les intérêts de l’Irak et de la région du Kurdistan ».

Allant plus loin que Barzani, le président irakien Talabani a rejeté l’une des propositions centrales du GEI : intégrer des soldats américains dans toutes les unités de l’armée irakienne. Trois des dix divisions de la nouvelle armée irakienne sont basées dans le nord et la plupart de leurs officiers sont kurdes. Les nationalistes kurdes ne veulent pas que ces derniers soient influencés par des Américains dont les ordres pourraient bien aller à l’encontre des objectifs du KRG.

Dans des paroles qui en disaient long, Talabani a rappelé ce qui s’était passé après la guerre du Golfe de 1991, lorsque la première administration Bush avait appelé pour le soulèvement des Kurdes et des chiites et avait par la suite ordonné à l’armée américaine de ne rien faire alors que Saddam Hussein écrasait militairement les soulèvements. George Bush I et Baker avaient décidé que la survie du régime de Hussein était plus avantageuse pour les intérêts américains au Moyen-Orient que tout nouveau régime qui aurait émergé d’une rébellion victorieuse. Parmi les chiites et les Kurdes, on se souvient encore de cet événement comme d’une monstrueuse trahison. Faisant référence au rapport du GEI, Talabani a déclaré que « nous pouvons encore sentir l’attitude de James Baker de 1991 lorsqu’il a libéré le Koweït, mais laissé Saddam au pouvoir ».

Un commentaire publié dans le Washington Post le 2 décembre, écrit par Najmaldin Karim, le président l’Institut kurde de Washington, suggérait que le rapport du GEI « n’avait rien d’autre à offrir que les mêmes politiques discréditées qui durant 60 ans ont créé la dangereuse illusion de stabilité au Moyen-Orient, une “stabilité” achetée avec le sang des habitants du Moyen-Orient et qui a produit des horreurs comme le bain de sang de 1991… » En préparant leur rapport, les membres du GEI n’ont pas visité la région kurde. Karim a dénoncé ce fait comme étant le résultat « d’un préjugé idéologique » des « arabistes purs et durs » sur lesquels Baker s’est fié pour obtenir des conseils.

L’establishment chiite d’Irak a centré sa condamnation du rapport du GEI sur la question de l’appel pour une conférence régionale pour discuter de l’Irak, insistant plutôt qu’il revient aux Irakiens de décider de leur futur. Les Etats régionaux, tel que l’Arabie Saoudite, l’Egypte et la Turquie, ont tous des sections chiites opprimées ou des minorités kurdes et vont donc appuyer Baker dans son opposition au fédéralisme et son tournant vers l’élite sunnite.

Le dirigeant du SCIRI Abdel Aziz al-Hakim a déclaré que le rapport du GEI « contient des informations inexactes basées sur des sources malhonnêtes ». Lors d’un discours donné plusieurs jours avant la publication du rapport et juste après une rencontre avec le président Bush, il a dit à l’institut Washington pour la paix : « Le fédéralisme ne va définitivement pas diviser l’Irak, mais il peut faire peur dans certains pays et régions habitués à une direction singulière qui prive les autres minorités de l’exercice de leur religion et de leur liberté nationale et droits légitimes. »

Hakim a dénoncé l’opposition au fédéralisme en Irak – des sunnites et chiites – pour être ceux qui « croient que celui qui aura le contrôle du gouvernement à Bagdad pourra diriger selon son bon vouloir ». Hakim a clairement fait comprendre qu’il incluait dans ceux-là le mouvement rival chiite dirigé par le clerc Moqtada al-Sadr, qui appelle pour un retrait échelonné des troupes américaines et appuie un pouvoir étatique centralisé. Indiquant la position du SCIRI, il déclare qu’il « n’y a pas de solution pour une paix et un système administratif juste sauf avec le fédéralisme ».

La ferveur des partis kurdes et l’opposition du SCIRI au rapport du GEI reflètent le fait que l’administration Bush a déjà rejeté les recommandations clés du rapport. La Maison-Blanche à l’intention de se fier uniquement aux forces politiques qui ont constamment collaboré dans le sens de son programme d’ouvrir les lucratives réserves de pétrole au sociétés américaines et à l’établissement à long terme d’une base d’action au Moyen-Orient.

Ce n’est pas un hasard si dans les jours qui ont suivi la publication du rapport du GEI, la presse internationale contenait des rapports selon lesquels la Maison-Blanche pressait le SCIRI et les partis kurdes de former un nouveau gouvernement avec le Parti islamique d’Irak (PII), qui a été la seule formation sunnite à accepter la constitution fédéraliste. Le vice-président et dirigeant du PII, Tariq al-Hashemi a devancé une rencontre planifiée à Washington à cette semaine et a eu des entretiens personnels avec Bush lundi. .

D’intenses discussions prennent également place au sujet d’une entente sur le partage des revenus du pétrole qui pourrait accorder une plus grande part à une région sunnite dans le centre et l’ouest de l’Irak ce qui correspond aux demandes du PII. En retour, le soi-disant régime « d’unité nationale » va travailler de concert avec les forces militaires américaines pour tenter de détruire les opposants les plus récalcitrants à l’occupation américaine – les insurgés sunnites et le mouvement chiite sadriste.

(Article original anglais publié le 13 décembre 2006)

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