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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le rôle joué par les conseils d’entreprise en Allemagne dans l’attaque des emplois des ouvriers en Belgique

Par Ulrich Rippert
23 décembre 2006

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Depuis la mi-novembre, les conseils d’entreprise de Volkswagen et les représentants syndicaux du groupe en Allemagne ont à maintes reprises nié avoir influencé en quoi que ce soit la décision de la direction du groupe de transférer la production de son modèle Golf de l’usine de Bruxelles-Forest à ses usines allemandes de Wolfsburg et de Mosel.

Immédiatement après la publication des plans de transfert de la production, le dirigeant du conseil général d’entreprise de Volkswagen, Bernd Osterloh, affirma que la décision de la direction du groupe avait « totalement surpris » les dirigeants syndicaux. Quelques jours plus tard, l’office de presse de l’IG Metall (le syndicat de la métallurgie) de Wolfsburg publiait une déclaration assurant sa « solidarité avec les ouvriers de Volkswagen à Bruxelles ». Dans un communiqué à la presse du 30 novembre, le syndicat disait qu’il « ne permettra pas que les divers sites de production de Volkswagen soient montés les uns contre les autres ».

Deux jours plus tard, 20 000 ouvriers manifestaient dans le centre de Bruxelles pour protester contre la menace de fermeture de l’usine Volkswagen de Bruxelles-Forest. Des fonctionnaires de l’IG Metall y prirent part portant des pancartes avec le mot d’ordre de « ce n’est qu’ensemble que nous sommes forts » et dans une déclaration rédigée par le syndicat on insistait une fois de plus sur ce point : « nous ne permettrons pas que les divers sites de production de Volkswagen soient montés les uns contre les autres ».

Mais les faits parlent une toute autre langue

Le 20 septembre l’hebdomadaire allemand Der Spiegel publia un article sur une réunion tenue à l’usine mère de Volkswagen à Wolfsburg et au cours de laquelle Osterloh faisait le point sur les progrès réalisés dans les négociations sur une augmentation non rémunérée du temps de travail, une réduction des temps de pause et autres « mesures destinées à accroître la compétitivité » et qui avaient été exigées par la direction du groupe.

Selon l’article du Spiegel, « le dirigeant du conseil d’entreprise, Bernd Osterloh, fit dépendre la poursuite des discussions de promesses concrètes de la part de la direction de l’entreprise. “Si les choses ne bougent pas, alors nous cesserons d’être gentils et nous interromprons les discussions” dit Osterloh. » Quelques paragraphes plus loin le magazine ajoutait : « pour ce qui est des promesses, Osterloh avait à l’esprit quelque chose de très concret : la prochaine génération du modèle Golf devait être construite à Wolfsburg. “Nous n’accepterons certainement pas des ‘peut-être’ ou des ‘on verra’, lorsqu’il s’agit d’assurer l’avenir de notre site”, dit-il ».

Dans un article du 8 septembre de l’agence de presse allemande dpa, on cite comme suit le dirigeant de l’IG Metall pour le Land de Basse-Saxe et de Saxe-Anhalt, Hartmut Meine : « Nous avons fait un pas en avant : Volkswagen est apparemment prêt à faire des promesses à longue échéance et formelles en ce qui concerne la production et l’investissement pour les six usines allemandes ». (Autohaus On-line, 8 septembre 2006)

Le 11 septembre, le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) rapportait que l’IG Metall avait converti ces discussions avec la direction de Volkswagen en négociations tarifaires officielles, « parce que Volkswagen est prêt à faire des promesses concrètes regardant la production ». Le FAZ écrivait ensuite que le syndicat exigeait « des promesses fermes pour tous les sites de production en Allemagne de l’Ouest ». Le journal cite ensuite ainsi le dirigeant syndical Meine : « Entre autres, la nouvelle Golf doit être fabriquée dans l’usine de Wolfsburg… »

L’affirmation qu’il s’agissait dans ces discussions d’assurer la production de la « nouvelle Golf » (la Golf 6, qui doit faire son entrée sur le marché en 2008) et que ces discussions n’avaient rien à voir avec la production de la Golf 5 à Bruxelles ne correspond pas à la vérité. Wolfgang Bernhard, le membre de la direction responsable de la réorganisation des produits Volkswagen a souligné à maintes reprises depuis le début de l’année que la production actuelle de la Golf dans trois usines, Bruxelles, Wolfsburg et Mosel, n’était pas profitable et que la production de la Golf 6 devait être concentrée sur deux usines.

Pour ce qui est de telles mesures de rationalisation, Bernhard a des références. Avant de passer de Mercedes à Volkswagen en février 2005, il était responsable au nom du groupe Daimler de la réorganisation de la division Chrysler de celui-ci à Detroit, aux USA. Il y détruisit en peu de temps 26.000 emplois, vendant plusieurs usines, fermant certaines unités de production et dictant aux fournisseurs de Chrysler des conditions entraînant des milliards de dollars d’économie pour Daimler Chrysler. Il est chargé à présent du même genre de travail à Volkswagen et ce, avec le soutien actif du conseil d’entreprise.

Le dirigeant du conseil d’entreprise Osterloh est plein d’admiration pour la « façon d’agir résolue et énergique » de Bernhard. Le 26 juillet de cette année le magazine allemand Focus publiait un article sous le titre « Eloge pour Bernhard » et écrivait: « Selon l’article (qui avait déjà paru dans le magazine Stern) le chef du conseil d’entreprise avait expressément vanté le chef de la marque Volkswagen disant : “En la personne de Wolfgang Bernhard il y a enfin quelqu’un qui applique réellement sa pensée à la manière de construire une automobile de façon plus économique”. Osterloh ajouta de façon enthousiaste “le temps de production de la Volkswagen Golf à l’usine mère de Wolfsburg est déjà passé de 50 à 37 heures” ».

Osterloh et son marché sordide

Le fait que les conseils d’entreprise allemands aient accepté une augmentation du temps de travail sans contrepartie ainsi qu’une aggravation des conditions de travail pour les ouvriers dans le but d’assurer la production de la Golf dans des usines allemandes est illustré par une suite d’événements :

En février la direction du trust annonçait un « programme de profonde restructuration ». Les coûts salariaux dans les usines allemandes allaient devoir être réduits considérablement et la capacité des usines devrait être mieux utilisée. 20.000 des 100.000 emplois au total « directement ou indirectement liés à la marque Volkswagen » seraient menacés.

Une déclaration initiale des conseils d’entreprise et de l’IG Metall disait à l’époque « au vu de la situation difficile à laquelle fait face la société, nous comprenons aussi la nécessité de mesures destinées à améliorer l’efficacité et à surmonter les déficits de la productivité. » Le syndicat et les conseils d’entreprise indiquèrent qu’ils avaient toujours par le passé mis l’accent sur « l’importance de l’optimisation des processus et sur l’organisation innovatrice du travail» et avaient toujours soutenu leur réalisation.

L’IG Metall avait déjà, fin septembre de l’année dernière, accepté des réductions de salaire de 20 pour cent pour certaines catégories de personnel. La direction avait alors annoncé sa décision de produire la nouvelle Jeep Volkswagen au Portugal plutôt que dans son usine de Wolfsburg. Le coût de production d’une voiture à l’usine portugaise de Palmela est d’environ 1000 euros de moins qu’en Allemagne. La Jeep ne pouvait être produite en Allemagne que sur la base de réductions massives de salaires. L’IG Metall céda au chantage de la direction et vanta ensuite l’accord comme un « succès dans la défense de l’emploi ».

Une chose très similaire se produisit au printemps de cette année. Bernhard exigea qu’on en finisse avec la semaine de quatre jours et qu’on en revienne aux 35 heures sans aucune augmentation de salaire. Sinon, dit-il, il serait impossible de concentrer la production de la Golf dans les usines allemandes. Les conseils d’entreprise et l’IG Metall firent immédiatement savoir qu’ils étaient prêts à des négociations sur ce point.

Les négociations commencèrent au printemps et elles furent transformées en discussions officielles sur un nouveau contrat tarifaire pendant l’été, bien que l’ancien contrat n’expirât qu’en 2011. Les conseils d’entreprise étaient prêts à accepter des conditions de travail fortement aggravées pour les ouvriers en échange de « garanties pour l’emploi » dans les usines allemandes. Au cours de ces négociations, on élabora la formule de la « concentration de la production de la Golf dans les usines allemandes » afin de camoufler le fait qu’on retirait la production de la Golf de l’usine de Bruxelles.

Ce n’est qu’après que la direction du groupe eût accepté de concentrer la production de la Golf dans les usines allemandes que les fonctionnaires du conseil d’entreprise et de l’IG Metall donnèrent leur accord à une augmentation du temps de travail sans rémunération et qu’ils signèrent le contrat.

En d’autres mots, le transfert de la production de la Golf de Bruxelles à Wolfsburg et à Mosel était depuis le début un point essentiel de ces négociations. Les mêmes conseils d’entreprise qui écrivent à présent des déclarations de solidarité aux travailleurs de Volkswagen en grève à Bruxelles et qui versent des larmes de crocodile sur les pertes d’emplois dans un pays voisin étaient en fait partie prenante de cette décision.

C’est la reconnaissance du rôle joué par les conseils d’entreprise et les dirigeants syndicaux qui a conduit la direction du groupe Volkswagen à récompenser les services de ces derniers par des pots de vin exorbitants, des voyages de luxe dans le monde entier et de nombreux autres privilèges.

On connaît le cas de l’ancien dirigeant du conseil d’entreprise de Volkswagen, Klaus Volkert. Son salaire mensuel se montait à 60.000 euros, cette somme ne comprenant pas les dépenses régulières payées par la société pour le financement d’une maîtresse brésilienne. Mais Volkert n’est pas le seul. La totalité du conseil d’entreprise de Volkswagen soit, pour la seule usine de Wolfsburg, 67 fonctionnaires au salaire généreux, a été achetée et n’est rien moins qu’une équipe de co-directeurs coopérant étroitement avec la direction de l’entreprise.

Osterloh ne fait toutefois pas directement partie de la clique de Volkert, et il est tout à fait possible que son rôle n’ait été que minime ou même inexistant dans les affaires connues d’abus et de népotisme. Mais cela ne change rien au fait qu’il est lui aussi un partisan convaincu et enthousiaste du système allemand de collaboration entre ouvriers et direction.

Il est membre du conseil d’entreprise de l’usine de Wolfsburg depuis 16 ans et il était l’assistant de Volkert avant sa démission suite aux récentes révélations de corruption.

C’est Osterloh qui, en étroite collaboration avec l’ancien chef du personnel Peter Harz, élabora le modèle de temps de travail connu comme le « 5000 fois 5000» qui est actuellement utilisé pour effectuer des réductions de salaire draconiennes dans l’ensemble du complexe productif de Volkswagen en Allemagne.

Osterloh fait partie des dirigeants de conseils d’entreprise et de syndicats qui, dans une situation de concurrence internationale intense et de menaces constantes de délocalisation dans des pays à bas salaires, considèrent que leur tâche est de défendre leurs propres usines Volkswagen et d’y augmenter les profits aux dépens des ouvriers d’autres usines à l’étranger et même en Allemagne.

La défense de principe de tous les emplois dans toutes les usines est seulement possible dans une lutte contre de tels co-directeurs syndicaux.

Les travailleurs de Wolfsburg et de Mosel ne doivent pas se laisser monter contre leurs collègues de Bruxelles. Ils doivent demander des explications à tous les membres du conseil d’entreprise et à tous les représentants syndicaux qui ont participé aux négociations, qu’ils révèlent le contenu des discussions sur le nouveau contrat et présentent les procès verbaux des discussions tenues sur le transfert de la production de la Golf.

Une défense de principe de tous les emplois et de toutes les usines exige une perspective tout à fait différente de celle de la politique de cogestion et de partenariat social des syndicats. Une telle perspective doit partir du caractère international de la production moderne et des intérêts communs de tous les ouvriers dans le monde et elle doit préconiser une transformation socialiste de la société. Les intérêts sociaux de la population dans son ensemble doivent avoir priorité sur les profits du grand patronat.

Dans les tracts distribués par les partisans du World Socialist Web Site (WSWS) à Bruxelles et à Wolfsburg nous avons par conséquent appelé à la construction de comités de défense, opposés à la politique nationaliste des syndicats et des comités d’entreprise, contre les licenciements de masse et les coupures dans les prestations sociales. Une fois de plus, nous appelons tous ceux qui soutiennent la lutte des ouvriers de Volkswagen à Bruxelles ou qui désirent prendre part à la construction de comités de défense dans d’autres entreprises, à contacter la rédaction du WSWS.

(Article original allemand paru le 9 décembre 2006)


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