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Eurogrève des dockers contre la déréglementation des ports

Par Antoine Lerougetel
Le 18 janvier 2006

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Le 16 janvier, une manifestation rassemblant à Strasbourg jusqu'à 10.000 dockers culmina dans des affrontements violents avec la police. Les travailleurs portuaires se dirigèrent vers le Parlement européen pour protester contre le Port Package II, deuxième projet de directive qui, en libéralisant les services portuaires de l'Union européenne, aboutira à de graves attaques contre l'emploi, les conditions de travail et le niveau de vie.

La police eut recours au canon à eau et aux gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants qui jetaient des pétards et des pierres contre le bâtiment du parlement brisant une centaine de mètres carrés de vitres. Des délégations venues de l'Europe entière étaient présentes. Mis à part d'importants contingents français et belges, 1.700 dockers espagnols se trouvaient dans les rues de Strasbourg, ainsi que des dockers allemands, polonais et britanniques qui avaient également fait le déplacement.

La protestation fut initiée par la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) qui avait lancé le mot d'ordre de grève pour faire pression sur les eurodéputés pour qu'ils votent contre le projet de loi. Elle fut soutenue par une grève massive affectant de nombreux pays européens en paralysant des ports. La manifestation et les grèves dans les différents pays furent soutenues par les syndicats dominés par le Parti socialiste et le Parti communiste.

En France, le port autonome de Marseille fut complètement paralysé et une dizaine de navires bloqués à quai. Sur la côte atlantique, les ports de Bordeaux, La Rochelle, Rouen, Brest et Saint-Nazaire virent leur activité totalement ou en grande partie arrêtée. La totalité des plus de 2.000 dockers au Havre, deuxième port français, suivit une grève de 48 heures. Dans le nord, le port de Dunkerque fut partiellement bloqué. Sur l'île de la Réunion, dans l'Océan indien, six cents dockers débrayèrent en unité avec leurs collègues européens.

En Espagne, le syndicat Union générale du travail (UGT), qui s'aligne sur le Parti socialiste, et la Confédération Syndicale de CC.OO (Commissions ouvrières) qui est soutenue par le Pari communiste, mobilisèrent leurs adhérents pour soutenir les protestations. Le porte-parole de l'UGT rapporta que la grève était pratiquement suivie à 100 pour cent dans 28 ports. Les opérations de chargement et de déchargement furent bloquées dans les ports de Barcelone et de Tarragone, premier port importateur de graines d'Espagne.

Au Portugal, la grève était très suivie bien que le dirigeant syndical Joao Alves confirma à la presse que la direction avait prévu un service minimum pour des raisons de sécurité et que le port de Leixoes, qui est le port pour Porto (Oporto), resterait ouvert en raison de menaces de détournement de chargements vers d'autres ports.

En Belgique, 2.000 travailleurs débrayèrent à Anvers, deuxième port européen, qui fut immobilisé; une importante délégation de dockers rejoignit la manifestation à Strasbourg.

En Hollande, le mouvement de grève fut suivi dans les ports de Rotterdam, plus gros port d'Europe, et d'Amsterdam.

En Grèce, le ministère de la marine marchande communiqua que les travailleurs des transports du port du Pirée, le port d'Athènes et aussi le plus important, tout comme ceux de Thessaloniki dans le nord et d'Heraklion sur l'île de Crète, étaient en grève pour 24 heures.

En Allemagne, 4.500 dockers s'étaient mis en grève le 11 janvier. Hambourg fut affecté par le mouvement contre le Port Package II.

En Suède, 1.500 dockers cessèrent le travail pour 24 heures.

Au Danemark, 1.300 dockers débrayèrent à Copenhague.

Ce projet de législation est la dernière initiative d'une poussée continue du patronat d'ouvrir, au nom des groupes transnationaux, les ports européens à la mainmise sans limite du marché capitaliste. Le 16 décembre dernier, Jörg Wessels, docker allemand du port de Hambourg dit à Libération : « Les ports industriels sont un des derniers bastions d'Europe où les syndicalistes se défendent encore. Les armateurs, eux, ne s'intéressent pas à l'emploi ni à la sécurité, ils veulent simplement amasser de l'argent.»

Le Port Package I, premier projet de directive déjà adopté par le Conseil des ministres, prévoyait d'ouvrir à la concurrence les services portuaires (pilotage, remorquage, amarrage, manutention). Le 10 mars, une grève européenne des dockers, l'opposition des commerçants régionaux et nationaux établis dans les différents ports ainsi que l'inquiétude de la part de l'élite politique quant aux explosions sociales qui pourraient s'ensuivre, incita, le 20 novembre 2003, le Parlement européen à refuser de voter en faveur du projet. Il fut rejeté par une faible marge de vingt membres, désavouant à la fois le Conseil des ministres et la Commission des transports.

L'actuel Port Package II constitue une version modifiée du premier projet. La première version accordait aux affréteurs le droit d'engager leurs propres pilotes et leur propre personnel pour charger et décharger les navires. L'actuel projet restreindrait le droit des équipages de manutentionner les cargaisons à quai en excluant des trajets non européens. La commission affirme, en reformulant le projet, que l'ouverture du marché contribuera à « augmenter le volume des transactions dans les ports » ce qui « conduira à une augmentation des emplois dans les ports. »

Georg Jarzembowski, eurodéputé allemand de la CDU (démocrate-chrétien), groupe le plus important au Parlement européen, et qui est le rapporteur et le défenseur de la directive au Parlement de Strasbourg, dit que les nouvelles règles ouvriraient « les livres de comptes des autorités publiques et veilleraient aux subventions accordées par l'Etat aux ports, empêchant ainsi toute concurrence déloyale entre eux. »

Les dockers y voient très justement un plan pour les remplacer par de la main-d'oeuvre bon marché et précarisée, détruisant de ce fait les conditions de travail et la sauvegarde des emplois. Un site web de dockers d'Anvers lance l'avertissement suivant : « Théoriquement, la Commission européenne peut retirer sa proposition. Mais, pour la Commission, il s'agit d'un dossier crucial qui a tout à voir avec la stratégie de Lisbonne décidée en 2000, autrement dit, la pierre angulaire de la politique économique européenne », donc une politique basée sur la suppression de toute entrave imposée aux grands groupes de capitaux et à la course au profit au sein des Etats membres de l'UE.

Le site poursuit : « Dans les ports aussi, la libéralisation et la concurrence absolue doivent se faire afin de réaliser le programme de Lisbonne, c'est-à-dire, pour 2010, être économiquement plus fort que les Etats-Unis via le démantèlement des conditions de travail.

« En Belgique, la loi Major de 1972 stipule que seuls des dockers reconnus et formés à cet effet peuvent assumer des tâches portuaires. Les conditions de salaire et de travail sont fixées dans des conventions collectives valant pour tous les dockers. presque partout [en Europe], c'est le Traité 137 de l'Organisation internationale du travail qui est en vigueur: chaque pays est obligé de tenir un registre de tous les dockers reconnus. Port Package veut chambouler tout cela. »

Le développement d'un vaste mouvement européen contre le programme patronal est tout à fait bienvenu. Il fait suite au refus de la Constitution européenne exprimé lors des référendums français et hollandais. Le « non » était dirigé tout spécialement contre la stipulation que l'UE devienne « un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » et « une économie sociale de marché hautement compétitive ».

Toutefois, à l'exemple de la campagne officielle en faveur du « non » de l'année passée les perspectives des protestations du 16 janvier, annoncées dans le bulletin du 13 janvier par la Fédération européenne des travailleurs des transports qui regroupent 2,5 millions de travailleurs des transports dans 39 pays européens, se limitent à en appeler au Parlement de Strasbourg pour qu'il sauvegarde la présente réglementation économique nationale.

Ceci ne contribuera qu'à monter les travailleurs mal payés, extérieurs à la Communauté européenne ainsi que les travailleurs plus pauvres de la Communauté européenne contre ceux bénéficiant de meilleures conditions. De nombreux travailleurs d'Europe de l'Est sont d'ores et déjà employés comme main-d'oeuvre de remplacement pouvant être mobilisée comme briseurs de grèves, ce qui fut le cas le mois dernier lors du conflit du personnel navigant de la société Irish Ferries. Les salariés s'opposaient à l'adoption de pavillon étranger et le recours à du personnel d'Europe centrale et d'Europe de l'Est travaillant pour la moitié des salaires de leurs collègues irlandais. Finalement, le syndicat SIPTU conclut un accord avec la société Irish Ferries qui entraîna une perte d'emploi pour des centaines de leurs adhérents et l'introduction de deux taux de rémunération différents.

La politique des syndicats portuaires qui permet une division entre des travailleurs des transports d'Europe de l'Ouest et ceux de l'Est et de l'Asie aura les mêmes conséquences désastreuses. Il est nécessaire d'avoir une perspective qui unisse tous les travailleurs sur un programme socialiste contre l'offensive du libre marché des transnationales. Ceci signifie construire un mouvement basé sur l'internationalisme socialiste et l'organisation planifiée des ressources économiques de la société pour la satisfaction des besoins au lieu des profits au sein des Etats-Unis socialistes d'Europe.


 

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