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Les questions politiques qui se cachent derrière la confrontation nucléaire iranienne

Déclaration du comité de rédaction du WSWS
Le 21 janvier 2006

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La confrontation grandissante entre l'Iran et les grandes puissances au sujet du programme nucléaire de Téhéran soulève des questions politiques cruciales.

Une fois de plus, de façon téméraire, le gouvernement Bush met la barre vers une confrontation militaire. A nouveau, les puissances européennes, la Russie et la Chine, coincées entre les exigences de Washington et leurs propres intérêts économiques en Iran et au Moyen Orient ont choisi d'apaiser les Etats-Unis. Alors que les sanctions économiques font présentement l'objet de discussion, la Maison Blanche a, à maintes reprises, clairement fait savoir que « toutes les options », y compris une attaque militaire sont « ouvertes ».

Les pays européens, EU-3, Grande-Bretagne, France et Allemagne, réclament une conférence extraordinaire de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) en renvoyant l'Iran au Conseil de sécurité des Nations unies pour l'application de sanctions punitives. La Russie et la Chine n'ont pas encore donné leur accord final. Cependant, lundi lors d'une réunion à Londres, tous les cinq étaient d'accord avec les Etats-Unis sur le fait que l'Iran devait « revenir à la suspension totale» de toute activité d'enrichissement de l'uranium, fournissant ainsi le prétexte à des mesures encore plus agressives contre Téhéran.

Tout le raisonnement servant à justifier une action des Nations unies contre l'Iran, et dont les médias internationaux ne cessent de nous rabattre les oreilles, regorge de cynisme et d'hypocrisie. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies ­ les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Russie et la Chine ­ disposent d'armes nucléaires et n'ont pas satisfait leurs obligations en tant que signataires du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (NPT) pour démanteler leur propre arsenal nucléaire.

Ces stocks n'ont rien de bénin. En réalité, leur but est l'intimidation, la menace et, en fin de compte, le déploiement contre des puissances plus petites et plus faibles, comme le montrent clairement les déclarations incendiaires faites jeudi dernier par le président français, Jacques Chirac. Dans un discours prononcé lors d'une visite à la base opérationnelle des sous-marins nucléaires en Bretagne, Chirac a lancé l'avertissement que la France n'hésiterait pas à recourir à l'arme nucléaire contre tout Etat qui s'engagerait dans une attaque terroriste contre les intérêts vitaux de la France. « La flexibilité et la réactivité de nos forces stratégiques [nucléaires] nous permettraient d'exercer notre réponse directement sur ses centres de pouvoir, » déclara-t-il.

C'est la logique évidente du « deux poids, deux mesures », qui est appliquée à l'Iran, menacée de sanctions économiques et de frappes militaires pour son programme nucléaire alors que des alliés des Etats-Unis ­ Israël, l'Inde et le Pakistan ­ sont déjà en possession d'armes nucléaires. D'autres pays, tel le Brésil, ont soit déjà construit ou sont en train de construire des usines d'enrichissement d'uranium, qui ne sont pas illégales dans le cadre du NPT.

Tout comme pour l'Irak et ses prétendues armes de destruction massive, le gouvernement Bush exploite « la menace nucléaire » de l'Iran pour avancer son ambition d'exercer une domination sans borne sur cette région riche en ressources. L'Iran, qui dispose de la troisième plus importante réserve de pétrole du monde et qui détient la deuxième plus importante réserve de gaz naturel, occupe une position stratégique clé entre le Moyen Orient, l'Asie centrale et le subcontinent indien dont l'importance croît de plus en plus. Même si le régime iranien venait à abandonner l'ensemble de son programme nucléaire et à détruire complètement ses installations nucléaires, Washington inventerait un autre prétexte pour justifier ses actions provocatrices dont le but est d'établir la domination américaine dans la région sur ses rivaux européens et asiatiques.

Néanmoins en s'opposant aux activités prédatrices de l'impérialisme américain au Moyen Orient, le World Socialist Web Site n'accorde aucun soutien politique au régime théocratique réactionnaire de Téhéran ni à ses efforts pour acquérir des armes nucléaires. La République islamique établie après la chute du Shah Reza Pahlavi en 1979 représentait les intérêts de sections dissidentes de la bourgeoisie et non ceux de la classe ouvrière qui renversa la dictature haïe. Les éminences grises cléricales se maintiennent au pouvoir depuis trois décennies grâce à une répression impitoyable dirigée avant tout contre tout mouvement indépendant de la classe ouvrière.

En réponse aux dernières menaces, le président Mahmoud Ahmadinejad a déclaré que son gouvernement défiera le Conseil de sécurité des Nations unies et poursuivra les programmes de développement de l'enrichissement de l'uranium. Le week-end dernier lors d'une conférence de presse, il condamna ce qu'il qualifia d'«attitude médiévale » d'«intimidateurs » tout en émettant de vagues menaces disant que « le temps des regrets viendra et alors il n'y aura aucun avantage à regretter. » Dans une référence voilée au danger des prix du pétrole qui s'envolent, il dit : « Ils nous défient et nous parlent dans un langage très dur et illégal, mais en fin de compte ils ont plus besoin de nous que nous n'avons besoin d'eux. »

Que personne ne se méprenne sur la bravade d'Ahmadinejad en la prenant pour une véritable lutte contre l'impérialisme. L'objectif de ce défi limité est d'exercer une pression sur les principales puissances pour obtenir une relation plus avantageuse pour la bourgeoisie iranienne et pour soutenir la position de l'Iran comme puissance dans la région. Depuis deux ans, Téhéran cherche à utiliser la question nucléaire pour manoeuvrer entre les puissances américaine et européenne en vue d'obtenir un accord formel avec l'Union européenne pour des relations économiques et politiques plus étroites contre des concessions sur ses programmes nucléaires.

Par moyen détourné, Ahmadinejad fit référence aux « criminels de guerre » qui soutiennent Israël et à ceux qui « font des guerres dans d'autres pays pour sauvegarder leur propre sécurité. » Mais, malgré toutes ses attitudes et poses à l'encontre du gouvernement Bush, le régime iranien est complice de crimes de guerre américains en Iraq et en Afghanistan. En dépit de son opposition formelle, Téhéran coopéra avec l'invasion dirigée par les Etats-Unis en Iraq en estimant que la défaite de son rival régional renforcerait sa propre position. En Iraq même, le Conseil Suprême de la révolution islamique en Iraq (CSRII) qui est étroitement lié au régime iranien, soutint ouvertement l'invasion et forme à présent un élément central du régime fantoche américain.

Ahmadinejad déclara benoîtement la semaine passée que « notre objectif est l'usage pacifique de la technologie nucléaire » et réaffirma les droits de l'Iran à développer tous les aspects du cycle du combustible nucléaire selon les termes du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Quoi qu'en disent ses déclarations publiques, le président est en rapport avec des éléments les plus droitiers de la théocratie qui insistent sur le fait que l'Iran doit non seulement disposer d'usines nucléaires mais également d'armes nucléaires. La construction d'armes nucléaires est présentée comme un moyen d'établir l'Iran comme une puissance régionale au Moyen Orient, tout comme le gouvernement indien cherche à le faire en Asie du Sud.

Il n'y a pas de doute qu'au sein du régime iranien il y a ceux qui comptent sur ou plutôt qui se trompent sur le fait que si l'Iran possédait des armes nucléaires, les Etats-Unis seraient obligés de trouver un accord avec Téhéran tout comme ils l'avaient fait avec la Nouvelle Delhi après les essais nucléaires de 1998. Cependant, la possession de quelques armes nucléaires rudimentaires iraniennes ne constituerait pas une dissuasion sérieuse contre une attaque américaine. En fait, la construction et la conduite de tests d'armes nucléaires iraniennes ne feraient qu'accroître le danger d'une attaque militaire voire carrément une guerre des Etats-Unis et de ses alliés, entraînant des conséquences désastreuses.

Le danger d'une guerre impérialiste ne sera pas écarté par l'acquisition d'armes nucléaires par des pays tels l'Iran et la Corée du Nord et d'effroyables menaces d'incinérer des millions d'innocents en Israël, en Corée du Sud ou ailleurs. De telles menaces font tout à fait le jeu de l'impérialisme américain. Washington a exploité l'intense indignation provoquée par les propos ouvertement antisémites d'Ahmadinejad qui nia l'holocauste nazi et en appela « à rayer de la carte » l'Etat d'Israël pour justifier l'actuelle action internationale contre l'Iran.

Les appels réactionnaires au nationalisme et à la xénophobie d'Ahmadinejad sont diamétralement opposés à la seule stratégie efficace et progressiste capable de combattre la montée du militarisme américain : le développement par la classe ouvrière internationale d'une vaste offensive mondiale contre la guerre et l'oppression impérialiste, basé sur la lutte pour un programme socialiste. Les alliés naturels de la classe ouvrière en Iran sont les travailleurs de par le Moyen Orient, y compris d'Israël, et aussi des Etats-Unis, d'Europe et du monde entier, mais pas les démagogues nationaux tel Ahmadinejad ou tout autre faction de la bourgeoisie iranienne.

La victoire surprise d'Ahmadinejad lors des élections présidentielles de l'année dernière était elle-même le produit d'une crise économique et sociale grandissante en Iran pour laquelle aucune faction de la classe capitaliste n'a de solution autre que celle de placer le fardeau sur le dos de la population laborieuse. Ses appels populistes de « placer les richesses pétrolières de l'Iran sur la table du peuple » trouvèrent une oreille sensible chez les travailleurs et les jeunes qui sont de plus en plus déçus par la corruption du régime théocratique qui a considérablement enrichi quelques-uns aux dépens de la vaste majorité.

Le succès électoral d'Ahmadinejad reflète avant tout la faillite politique des soi-disant réformistes dirigés par l'ancien président Mohammed Khatami qui accéda au pouvoir en 1997. Khatami promit d'améliorer le niveau de vie et d'établir des droits démocratiques de base, mais ne fit ni l'un ni l'autre. Il répondit à chaque mouvement significatif des travailleurs et des étudiants en serrant immédiatement les rangs avec les conservateurs de la ligne dure pour écraser les dissidents. Parallèlement à ceci il chercha à ouvrir l'économie iranienne aux investisseurs étrangers et à améliorer à cet effet les relations avec l'Europe et les Etats-Unis au moment même où Washington envahissait ses voisins, l'Afghanistan et l'Iraq tout en menaçant également l'Iran d'une intervention militaire.

Alors qu'Ahmadinejad profita de la répulsion populaire envers les « réformateurs », il n'a aucune solution à offrir contre le désastre social et économique auquel des millions d'Iraniens sont confrontés. En dépit de ses vastes réserves de pétrole et de gaz et du prix élevé actuel du pétrole, l'économie iranienne souffre d'un fort taux d'inflation, d'un manque d'investissement et d'une infrastructure en piteux état. Selon une évaluation de la Compagnie Nationale de Pétrole Iranienne (NIOC), l'industrie pétrolière a désespérément besoin, dans les dix années à venir, de 70 milliards de dollars pour moderniser l'infrastructure décrépite du pays.

Des sanctions économiques imposées à l'Iran par les Nations unies ne feront qu'accroître la profonde crise sociale. La population est très jeune, près de 50 pour cent ont moins de vingt ans et 70 pour cent ont moins de 30 ans. Le taux de chômage officiel se situe à 16 pour cent mais, selon d'autres évaluations, il serait le double. Seule la moitié du million de demandeurs d'emploi qui entrent sur le marché du travail chaque année trouve du travail. Selon une étude gouvernementale de 2004, le taux de chômage parmi les jeunes de 15 à 29 ans a fait un bond spectaculaire et atteint 52 pour cent en moins de deux ans.

Le fait que la classe dirigeante iranienne soit obligée de compter sur Ahmadinejad est une indication de l'impasse politique dans laquelle elle se trouve. Incapable de confronter les besoins et les aspirations des masses iraniennes, elle est obligée de recourir à un démagogue populiste pour attiser l'antisémitisme et le chauvinisme dans un effort de détourner l'attention de l'échec du gouvernement à résoudre la crise sociale à l'intérieur du pays et de ses manoeuvres avec l'impérialisme à l'extérieur. L'atmosphère d'urgence nationale sera assurément exploitée pour réduire davantage ce qu'il reste encore de droits démocratiques en Iran, pour mener une répression contre les dissidents, dont les différentes minorités.

Au fur et à mesure que la confrontation avec l'impérialisme américain et ses alliés s'aggrave, le régime de Téhéran pourrait bien décider de n'avoir d'autre alternative que de s'embarquer dans la voie du développement, de la conduite de tests et du stockage d'armes nucléaires. On ne peut douter des vrais dangers que représente le gouvernement Bush qui a énoncé et suivi de façon agressive sa politique de guerre préventive avec une indifférence téméraire quant aux conséquences et au mépris des lois internationales. Tout en insistant pour que Téhéran restreigne ses activités nucléaires, les Etats-Unis se moquent publiquement du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (NPT) en développant une nouvelle génération d'« armes nucléaires à têtes pénétrantes » (autrement appelées bunker-buster) qui visent précisément les installations souterraines protégées du type existant en Iran.

Cependant, la classe ouvrière ne peut en aucun cas accorder son soutien à la construction d'une arme nucléaire iranienne qui inévitablement serait justifiée par une frénétique campagne nationaliste pour la défense de l'Etat iranien et la soi-disant révolution islamique. La menace de guerre nucléaire n'est pas une réponse à l'agression impérialiste mais la recette pour un holocauste nucléaire au Moyen Orient et au-delà. La seule alternative réaliste à la politique prédatrice de l'impérialisme et au danger de guerre nucléaire est le programme de la lutte de classe révolutionnaire.

Ce qui est nécessaire, c'est la construction d'un vaste mouvement politiquement indépendant de la classe ouvrière internationale qui s'attaque aux racines de la guerre et de l'inégalité sociale : le capitalisme et le système d'Etat-nation dépassé. En opposition à toute forme de nationalisme, de racisme et de chauvinisme, les travailleurs doivent unir leurs luttes pour reconstruire le système économique selon des principes socialistes afin de satisfaire les besoins sociaux de l'humanité dans son ensemble plutôt que le profit d'une poignée minuscule d'individus. Voilà le programme avancé par le World Socialist Web Site et le Comité International de la Quatrième Internationale et pour lequel luttent ses sections de par le monde.

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