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Escalade dans la bataille du Contrat de première embauche en France

Par Peter Schwarz
Le 21 mars 2006

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Le conflit à propos du CPE (Contrat de première embauche), la nouvelle loi régissant les droits des jeunes salariés, gagne en intensité à la suite des manifestations de masse ayant eu lieu samedi dans toute la France.

Le premier ministre, Dominique de Villepin, a réaffirmé sa détermination à maintenir cette modification du droit du Travail permettant aux entreprises de licencier les salariés de moins de 26 ans sans aucune justification durant les deux premières années de leur emploi. François Copé, le porte-parole du gouvernement gaulliste, dit qu'il était hors de question que la nouvelle législation soit retirée. On pouvait tout au plus « l'améliorer » dit-il.

Les syndicats français, le Parti socialiste (PS), le Parti communiste français, (PCF) et les partis de l'extrême- gauche petite-bourgeoise cherchent à prendre le contrôle d'un mouvement auquel participent de larges couches de la population. Toutes ces organisations évitent soigneusement toute espèce d'appel à la démission du gouvernement, bien qu'il soit évident qu'il ne veut ni ne peut retirer cette loi. Ils cherchent bien plutôt un moyen de résoudre le conflit dans les plus brefs délais et de redonner au gouvernement une certain stabilité.

Selon certains articles de presse, Villepin passa toute la journée de dimanche en discussions avec certains de ses ministres et eut plusieurs conversations téléphoniques avec le président Jacques Chirac. Il eut aussi des discussions avec des économistes et des personnalités de la « société civile » dont l'identité n'a pas été révélée. Lundi, il rencontra aussi une vingtaine de grands patrons qui soutinrent tous publiquement la position qu'il avait prise. Mais Villepin, à leur grande déception, ne parla pas avec les syndicats.

Entre temps, la résistance de la population à la nouvelle loi s'amplifie. Selon un sondage, plus de trois quarts des citoyens français y sont opposés. Trente-huit pour cent des gens interrogés déclarèrent que la loi devait être modifiée, tandis que trente-cinq pour cent étaient en faveur de son retrait pur et simple. L'opposition à la loi est la plus forte (près de quatre-vingt pour cent) chez les 15 à 24 ans.

Deux tiers environ des universités françaises sont actuellement bloquées par les étudiants protestant contre le CPE. Quatre cent cinquante délégués étudiants se sont réunis dimanche à Dijon et après dix-sept heures de discussions ils adoptèrent une motion appelant à une grève générale devant durer jusqu'au retrait du CPE par le gouvernement. En outre, les délégués appelèrent à d'autres journées d'action, mercredi et jeudi cette semaine. Une manifestation centrale doit se tenir jeudi à Paris, soutenue également par la FIDL, syndicat lycéen.

Les syndicats brandirent aussi, suite aux manifestations de samedi, la menace de grèves au cas où le gouvernement ne reculerait pas. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, parla même de grève générale. Jean-Claude Mailly, secrétaire général du syndicat Force Ouvrière, déclara que la mobilisation devait, « c'est évident », se poursuivre. La réussite d'une telle grève signifiait selon lui, que plusieurs syndicats appellent à faire « une journée de grève interprofessionnelle ». Le syndicat CFDT annonça qu'il avait décidé de donner au gouvernement « le week-end pour réagir»

A la suite de quoi plusieurs journaux parlèrent d'« ultimatum » des anti-CPE au gouvernement français, écrivant que faute d'une réaction du gouvernement dans les quarante-huit heures, les syndicats appelleraient à la grève. En réalité, les directions syndicales cherchent par tous les moyens à éviter une confrontation ouverte avec le gouvernement et sont bien loin d'envisager des mesures qui viseraient à sa chute.

Le dirigeant du syndicat d'enseignants FSU, Gérard Aschieri, exprima ouvertement les motivations qui animent les dirigeants syndicaux. : « On ne peut plus se permettre d'attendre car le mouvement étudiant va continuer, il peut y avoir des risques. Il doit donc y avoir une grève la semaine prochaine, un mot d'ordre sera déposé », dit il au journal Le Figaro. En d'autres termes, Aschieri a peur que les syndicats ne perdent le contrôle du mouvement s'ils ne restent pas eux-mêmes actifs.

Et lundi, la montagne accoucha d'une souris. Douze fédérations syndicales se réunirent pour discuter de la suite à donner et décidèrent d'une autre journée d'action (la quatrième) pour le mardi 28 mars.

Cela signifie que lycéens et étudiants doivent rester pendus à un fil pendant dix jours et que le gouvernement aura tout le temps qu'il lui faut pour organiser ses manoeuvres et ses provocations. Les vacances de Pâques commencent au début du mois d'avril et les dirigeants syndicaux espèrent que les protestations finiront par cesser.

Le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, avait déjà baissé considérablement le ton dans une interview donnée à France Inter dimanche. Pour ce qui était de l'ultimatum de quarante-huit heures en question, son organisation « n'avait jamais fait d'ultimatum », avait-il répondu. Son syndicat voulait seulement que « tout le monde puisse avoir deux jours de réflexion ». Et pour ce qui était d'une grève, il déclara qu'il n'était pas habilité à faire une telle démarche avant qu'il ait consulté « les organisations de la CFDT (régions et fédérations) ». « La grève générale n'est pas une habitude chez nous » ajouta-t-il.

Les syndicats ont critiqué le CPE depuis le début non pas tant à cause de son contenu que parce que Villepin voulait le faire entériner à toute allure par l'Assemblée nationale sans les consulter. Ils ont soutenu des mesures semblables dans le passé sans s'y opposer et ils ont tout fait pour empêcher qu'on y résiste. Il n'y a pas si longtemps, l'été dernier, le gouvernement introduisit une réglementation très semblable, le CNE ou Contrat de nouvel emploi concernant les entreprises de moins de vingt employés, une démarche à laquelle les syndicats ne se sont en rien opposés.

Comme dans tous les autres pays européens, la démolition sociale ininterrompue qu'on organise en France n'aurait pas été possible sans la complicité des syndicats. Mais à présent ils ont peur de ne plus pouvoir jouer leur rôle d'intermédiaires et qu'on se passe d'eux.

Le conflit à propos du CPE a également entraîné une frénésie d'activité de la part des partis politiques français.

Le Parti socialiste est partagé entre l'espoir que les protestations augmentent ses chances aux prochaines élections contre le gouvernement et la peur que le conflit devienne incontrôlable. Des dirigeants de ce parti, y compris son secrétaire général, Francois Hollande, ont participé aux manifestations de samedi. Hollande a promi d'abolir le CPE si le Parti socialiste gagnait les élections de l'année prochaine et conseilla de suspendre les protestations jusqu'à cette date : « « Si le gouvernement ne veut pas céder sur sa formule, à ce moment-là, suspendons jusqu'en 2007 et en 2007, les Français auront à voter. »

Les « socialistes » font tout ce qu'ils peuvent pour apaiser le conflit. Le journal conservateur Le Figaro décrit ainsi la position de la direction du PS. « Mais il y a de l'hésitation chez les principaux responsables du parti : souffler sur les braises ou pas ? ». Et selon ce journal tous essayent de trouver la sortie de cette crise. Hollande veut convoquer tout le monde, jeunes, étudiants, syndicats et même le camp adverse afin d'arriver à la « bonne formule ». Laurent Fabius suggère lui aussi que tout le monde se mette « autour de la table » et Dominique Strauß-Kahn demande au président qu'il « trouve une solution ».

Le porte parole du PS, Julien Dray accusa le gouvernment de créer par son obstination, les conditions du trouble. «Quand les jeunes sont dans la rue, on ne sait pas ce qui peut se passer. il y a la possibilité de dérapages.»

Ce n'est pas un hasard si les socialistes sont soucieux de préserver l'ordre. Le dernier gouvernement dirigé par le Parti socialiste sous Lionel Jospin mit en oeuvre des mesures très semblables à celles introduites à présent par de Villepin. En 2002, lorsque le mécontentement vis-à-vis de Jospin entraîna qu'il fut battu à l'élection présidentielle par le candidat du Front National, le Parti socialiste réagit en faisant campagne pour Chirac, qu'il présenta comme la personnification des « valeurs républicaines ». Le PS a mille fois plus de choses en commun avec Villepin, Chirac et leurs protecteurs du grand patronat qu'avec les jeunes et les travailleurs qui se sentent traités par le CPE comme des articles jetables, la « génération Kleenex ».

Le PCF se comporte d'une manière semblable. Il appelle au retrait du CPE et à la « responsabilité politique » du gouvernment. La secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet appela le gouvernement à arrêter « de se comporter comme un mur ».

Il est clair que ces deux partis ont l'intention de désamorcer le conflit sur le CPE aussi rapidement que possible afin d'empêcher toute nouvelle érosion de l'autorité de l'Etat. Ce qu'ils veulent, c'est éviter à tout prix que le gouvernement ne soit fragilisé par la pression de la rue. C'est pourquoi ils évitent consciencieusement d'appeler à sa démission et affirment à tout moment qu'ils sont prêts à dialoguer.

Ils sont soutenus en cela par la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), organisation prétendument de gauche. La LCR appelle d'une part à l'extention de la mobilisation jusqu'à « une grève générale interprofessionnelle et intergénérationnelle », tandis que de l'autre elle aspire à amener le mouvement vers le PS, le PC et les syndicats, en interdisant en même temps toute critique de ces organisations.

Le porte parole de la LCR, Olivier Besancenot, appela toutes les forces de gauche et leurs dirigeants « de Lutte ouvrière au Parti socialiste » à participer à une initiative commune. Que « la gauche tout entière, au-delà de ses divergences, prenne ses responsabilités en épaulant les mobilisations programmées par la coordination étudiante et les organisations de jeunesse ».

Quiconque exprime des réserves sur la politique du Parti socialiste et du Parti communiste se fait faire la leçon par Rouge, l'organe de presse de la LCR qui déclare : « Quels que soient les projets et calculs politiques du Parti socialiste, quelles que soient les craintes des directions syndicales d'un affrontement avec le gouvernement et l'État, tous sont obligés d'accompagner et d'aider le mouvement. Mais, sa force et son dynamisme sont les jeunes qui s'engagent dans la lutte, militent pour gagner et étendre le mouvement ; les salariés qui saisissent chaque occasion pour exprimer leur solidarité et veulent, eux aussi, s'engager dans la lutte. »

Autrement dit, il n'y a pas de souci à se faire à propos du rôle traître joué par ces organisations parce que le dynamisme des jeunes les forcera à « accompagner et à aider le mouvement ».

En réalité, le mouvement de masse contre le CPE est condamné à la défaite s'il ne se libère pas de l'influence paralysante de ces organisations et ne développe pas une stratégie indépendante. Le gouvernement a déjà nettement fait savoir qu'il n'avait pas l'intention de reculer. Pour leur part, le PS, le PC et les syndicats feront tout leur possible pour que le mouvement se dirige vers une impasse.

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