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WSWS : Nouvelles et analyses : États-Unis

Derrière le scandale Foley : une lutte acerbe au sein de l’élite dirigeante américaine

Par Patrick Martin
16 octobre 2006

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Toute la fureur qu’a soulevée l’affaire du congressiste républicain Mark Foley est une autre manifestation d’une tradition bien établie de la politique américaine : l’utilisation de scandales médiatiques en tant que moyen de lutter pour un changement de politique et en tant que moyen de régler ses comptes au sein de l’élite dirigeante, ceci en manipulant l’opinion publique et en cachant au peuple les véritables questions en jeu.

Il y a maintenant une histoire de près de 35 années de tels scandales, qui vont des peccadilles de congressistes comme Wilbur Mills et Wayne Hays jusqu’à l’enquête Abscam et le « Koreagate » en passant par la myriade des enquêtes sur l’administration Clinton — Whitewater, Travelgate et une demi-douzaine d’autres — et le point culminant que fut l’affaire Lewinsky et la destitution de Clinton.

Il y a assurément une profonde ironie dans le spectacle que nous offre actuellement le Congrès. Les dirigeants républicains au Congrès, qui affirmaient que Clinton devait être destitué parce qu’il avait tenté de cacher une affaire sexuelle sont maintenant accusés de dissimulation systématique qui visait à protéger un prédateur sexuel. Ceux qui ont renforcé leur base politique par des appels à la bigoterie anti-homosexuelle et à la condamnation morale de la promiscuité sexuelle se retrouvent au beau milieu du champ de mines qu’ils ont eux-mêmes semées.

Peut-être que la plus grande hypocrisie vient des dirigeants du Congrès qui se plaignent que le moment choisi pour exposer Foley prouve que c’est une tentative des médias et du Parti démocrate de manipuler les élections de novembre prochain. Et cela, d’un parti qui a parfait l’art d’utiliser la provocation politique pour influencer les résultats électoraux !

Beaucoup de l’aigreur des propos des adjoints de Bush et des dirigeants républicains au Congrès vient du sentiment qu’ils ont été battus sur le terrain qu’ils considèrent comme leur champ de spécialité. Dans la campagne actuelle, l’administration Bush espérait utiliser une campagne de peur au terrorisme bidon — lancée en août par des allégations d’un nouveau et vaste complot terroriste contre les avions de ligne américains, qui furent suivies par les discours de Bush en commémoration du 11-Septembre — pour semer la panique parmi l’électorat.

Ceci étant dit, il ne fait aucun doute que l’affaire Foley a été saisie par des sections de l’establishment politique — républicain autant que démocrate — pour faire pression sur l’administration Bush et la forcer à effectuer certains changements à sa politique, particulièrement en ce qui a trait à l’Irak et au grand Moyen-Orient.

L’immense attention qu’accordent les médias au cas Foley a suivi plusieurs semaines d’attaques sur la façon dont l’administration Bush a mené la guerre en Irak, premièrement en coulant dans la presse un document de la CIA, le National Intelligence Estimate, qui concluait que la guerre avait augmenté et non pas diminué la menace terroriste aux Etats-Unis.

Ensuite, il y a eu la publication de State of Denial (Etat de déni), un livre du journaliste Bob Woodward, une exposition de l’incompétence et du désarroi interne de l’administration Bush, d’autant plus dommageable que Woodward avait écrit deux livres sur les politiques de guerre du Bush, en 2002 et en 2004, qui étaient plutôt flatteurs pour la Maison-Blanche.

L’effet combiné de ces attaques pourrait bien résulter en une majorité pour les démocrates dans une chambre du Congrès, peut-être bien même les deux, un résultat qui semble de plus en plus probable. On s’attend généralement à ce que les démocrates obtiennent au moins cinq sièges du Sénat présentement aux républicains, ce qui résulterait en une chambre haute divisée 50 à 50 et où le vice-président Dick Cheney détient le vote brisant une égalité. Tout gain supplémentaire des démocrates leur donnerait le contrôle du Sénat.

Quant à la Chambre des représentants, un congressiste républicain de premier plan, Thomas S. Davis, le président du comité de la Chambre pour la réforme gouvernementale, a dit au Washington Post cette semaine que les républicains pourraient perdre entre 7 et 30 sièges. S’ils en perdaient 15, le contrôle de la Chambre passerait aux mains des démocrates. L’estimation de Davis pourrait bien être une sous-estimation délibérée, les experts des médias prédisant que près de 70 sièges républicains sont en danger alors qu’aussi peu que 20 sièges démocrates sont dans la même situation.

La principale question en contestation au sein de l’élite dirigeante américaine est la guerre en Irak, et plus largement, l’orientation de la politique américaine au Moyen-Orient et en Asie centrale. Il existe un large consensus que les résultats des invasions de Bush en Afghanistan et en Irak ont été désastreux pour la position mondiale de l’impérialisme américain.

Le gros des troupes au sol que l’armée américaine peut déployer l’est dans ces deux pays. L’armée américaine subit des pertes, tant humaines que matérielles, qui dégradent sérieusement l’efficacité à long terme de l’armée et des Marines et réduisent la crédibilité des menaces américaines de faire usage de force contre des cibles potentielles comme la Corée du Nord, l’Iran, la Syrie et le Venezuela.

Tout aussi important est le tort politique subit tant à l’intérieur qu’à l’étranger. Il n’y a pratiquement aucune possibilité de trouver un appui populaire au sein du peuple américain pour les nouvelles aventures militaires requises pour élargir et étendre le contrôle américain sur le Moyen-Orient et la région de la mer Caspienne, tous deux riches en pétrole. Et partout à travers le monde, l’hostilité populaire envers les Etats-Unis et les intérêts stratégiques et économiques de l’impérialisme américain est à un sommet historique.

Un consensus commence à se faire au sein de l’oligarchie financière qui constitue le véritable pouvoir dirigeant aux Etats-Unis. Il ne s’agit pas de se retirer de l’Irak, une mesure qui est opposée par toutes les sections de la classe dirigeante. Il faut plutôt un changement de cap où il faut passer d’une occupation américaine directe à une relation plus éloignée où les troupes américaines seraient déployées dans des régions qui vont des voisins immédiats de l’Irak, la Syrie et l’Iran jusqu’à l’Extrême-Orient ou même les Caraïbes.

Ce consensus trouve expression dans le travail de la commission Baker-Hamilton, un comité des stratèges de premier plan de l’élite dirigeante dirigé par l’ancien secrétaire d’Etat James Baker, un consigliere de longue date de la famille Bush. Le coprésident du comité, l’ancien président démocrate du comité des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, Lee Hamilton, a eu une fonction semblable dans la Commission sur le 11-Septembre.

Les autres membres du comité comprennent les démocrates William J. Perry, ancien secrétaire à la Défense de Clinton, l’ancien sénateur Charles Robb et Vernon Jordan, un copain de Clinton et ancien dirigeant de la Urban League. Les républicains y ont l’ancien maire de New York Rudolph Giuliani et le juge de la Cour suprême à la retraite, Sandra Day O’Connor.

Des mois après la formation du comité, il semblait mort-né. Mais après que l’invasion du Liban par Israël — soutenu sans réserves par l’administration Bush —  se soit terminée par une débâcle politique et militaire, la commission est devenue le véhicule pour les demandes de l’establishment politique pour une réévaluation de la politique américaine au Moyen-Orient.

La commission Baker-Hamilton ne fera de recommandations officielles qu’après l’élection, mais le 8 octobre, Baker était présent à l’émission « This Week » sur le réseau ABC pour en donner un avant-goût, disant que la commission « croit qu’il existe des alternatives entre les alternatives déclarées, celles qui sont présentement dans le débat politique, soit “poursuivre la mission” ou “sortir de là” ».

Baker a ouvertement critiqué l’administration Bush pour son refus de négocier avec la Syrie, l’Iran, la Corée du Nord et d’autres pays aux gouvernements hostiles. « Je crois aux pourparlers avec les ennemis », a-t-il déclaré, se rappelant ses 15 voyages en Syrie alors qu’il était secrétaire d’État dans l’administration du père de Bush.

Après être revenu d’une visite d’une semaine en Irak lors de laquelle ils n’ont jamais quitté la Zone verte, Baker et Hamilton ont tenu une conférence de presse pour déclarer que le gouvernement du premier ministre Nouri al-Maliki ne disposait plus que de quelques mois pour établir son autorité et améliorer les conditions de sécurité, soit d’ici la fin de l’année.

Dans son entrevue au réseau ABC, Baker a exprimé son accord avec le sénateur John Warner de la Virginie, le président républicain de la commission sur la Défense qui est revenu la semaine dernière d’une visite en Irak et qui a affirmé que le pays était en train de « déraper », tout en appelant à un « changement de stratégie » si le gouvernement de Maliki n’était pas en mesure de stabiliser Bagdad et d’autres villes importantes d’ici deux à trois mois.

Mercredi lors de sa conférence de presse, qui avait été organisée rapidement par la Maison-Blanche pour contenir l’avalanche médiatique du scandale Foley et utiliser l’essai nucléaire nord-coréen pour attirer de nouveau l’attention sur sa « guerre au terrorisme », Bush a semblé pour la première fois exprimer une volonté de modifier ses tactiques en Irak. « Ce que je pense : ne fais pas ce que tu fais si ça ne fonctionne pas; fais autre chose », a-t-il déclaré. En ajoutant toutefois : « Poursuivre la mission veut aussi dire de ne pas quitter tant que la tâche n’est pas finie. Nous allons finir la tâche en Irak ».

Un changement dans la stratégie utilisée par l’administration Bush en Irak à la veille des élections américaines, que le contrôle du Congrès revienne aux républicains ou aux démocrates, semble maintenant inévitable. Cela ne représenterait pas une concession à l’opinion anti-guerre aux États-Unis et à travers le monde. Au contraire, cela représenterait une tentative de l’élite dirigeante américaine pour poursuivre une guerre impopulaire sous une nouvelle forme potentiellement encore plus sanglante.

Le fait est que sous le système biparti américain, dans lequel les deux partis sont contrôlés par l’élite financière et défendent la richesse et la puissance de la grande entreprise, la vaste majorité du peuple américain est en réalité privée de ses droits de représentation.

Le 7 novembre, des millions de travailleurs voteront pour des candidats démocrates et pourraient bien élire une majorité démocrate à la Chambre des représentants et au Sénat. Mais bien que leurs votes puissent exprimer leur mécontentement et leur haine de l’administration Bush, le résultat sera l’élection d’un parti dont les chefs sont essentiellement voués aux mêmes politiques de droite que l’administration Bush, et avant tout à la nécessité pour l’impérialisme américain de maintenir son emprise sur le Moyen-Orient riche en pétrole.

Les démocrates continuent d’exprimer leur désir de « succès » et de « victoire » en Irak, pas de voir cette guerre d’agression se terminer. Le premier geste de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, ou de Harry Reid, chef de la majorité au Sénat, sera d’en appeler à une approche bipartisane pour remplir les objectifs de l’impérialisme américain en Irak. Pelosi a déjà fait échouer toutes discussions de destitution de Bush : une mesure qui serait amplement justifiée étant donné son rôle d’architecte d’une guerre d’agression – un crime de guerre d’après le droit international – un défenseur de la torture, et un violateur des lois américaines et des libertés civiles garanties par la Constitution des États-Unis.

Les élections ont deux objectifs interreliés pour l’élite dirigeante américaine. Elles canalisent le sentiment anti-guerre des masses dans une voie sécuritaire.  Quelque 66 pour cent des gens croient que la guerre n’en vaut pas la peine et que Bush ment lorsqu’il parle de la guerre. Mais ces sentiments vont, pour la plupart, se traduire dans la boîte de scrutin par un vote pour un parti qui appuie la guerre et est conjointement responsable des mensonges.

Au même moment, les élections offrent l’occasion de faire descendre Bush de sa tour et de le forcer à apporter certains changements de politique, particulièrement en ce qui concerne le redéploiement des ressources militaires vers d’autres endroits, tout aussi critiques, du monde. 

Il y certainement une conscience croissance parmi la masse des Américains que le Parti démocrate n'offre aucune alternative sérieuse aux républicains. Les sondages indiquent une chute dans les intentions de vote pour Bush sans aucune croissance correspondante dans les appuis pour « l’opposition ». Mais l’insatisfaction envers les deux partis, ce n’est pas suffisant. 

Ce qui est requis c’est le développement d’un mouvement politique consciemment anticapitaliste parmi les travailleurs, dirigé non seulement contre les démocrates et les républicains, mais contre toute la structure d’entreprise qu’ils défendent.

Le Parti de l’égalité socialiste présente des candidats aux élections de 2006 afin de mettre de l’avant la lutte pour la construction d’un tel mouvement de la classe ouvrière. Nos candidats — dans l’Etat de New York, le Maine, le Michigan, l’Illinois, l’Oregon et la Californie — soulèvent les vraies questions dans ces élections, les questions que les deux partis de la grande entreprise refusent de discuter.

Nous demandons la fin de la guerre criminelle et illégale en Irak, le retrait de toutes les troupes américaines et étrangères de l’Irak, de l’Afghanistan et ailleurs au Moyen Orient et de l’Asie Central.  Nous demandons le paiement de compensation massive pour les personnes des pays envahis et dévastés par les armes américaines ainsi que la mise en accusation de Bush, Cheney et de tous leurs confrères comme criminel de guerre.

Nous demandons la fin des attaques menées contre les droits démocratiques sous la bannière de la « guerre contre la terreur ».  Nous demandons l’abrogation du Patriot Act, qui légalise l’espionnage de l’Etat policier, et de la Loi sur les commissions militaires qui sanctionne la torture et militarise les tribunaux. Nous demandons une enquête sérieuse sur les attentats du 11 septembre 2001, afin de découvrir le rôle que les agences gouvernementales des Etats-Unis ont joué pour permettre et même faciliter les attaques terroristes. 

Nous mettons de l’avant un programme socialiste pour défendre les intérêts de la classe ouvrière : des emplois, un niveau de vie décent,  la restauration et l’expansion des services publics comme l’éducation, l’établissement d’un droit à des services de santé pour tous, basé sur un système de santé financé par l’État. La société doit être libérée de sa subordination de la recherche de profit d’une poignée — le 1 pour cent de millionnaire et de multimillionnaires — et la vie économique doit être réorganisée sur la base de la propriété publique contrôlée démocratiquement. 

Nous appelons tous ceux opposés à la guerre en Irak et au programme de droite de l’administration Bush, à se joindre à la lutte du Parti de l’égalité socialiste pour la construction d’un nouveau parti politique de la classe ouvrière.

(Article original anglais paru le 14 octobre 2006)

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