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WSWS : Nouvelles et analyses : Amérique centrale

Mexique : ultimatum du gouvernement contre les enseignants en grève

Par Rafael Azul et Julio Ponce
18 octobre 2006

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Le gouvernement mexicain a menacé les enseignants en grève de la ville d’Oaxaca de répression policière et militaire cette semaine s’ils n’acceptaient pas l’accord négocié entre le gouvernement de Vicente Fox, le syndicat des enseignants et l’APPO, Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca. Le 12 octobre, les enseignants en grève avaient décidé par un vote de rejeter cet accord.

Dans les faits, la répression a déjà commencé. Ce qui avait pendant des mois pris la forme d’un conflit d’intensité moyenne entre grévistes et groupes de défense du gouvernement s’est considérablement intensifié. Samedi dernier, un escadron composé de soldats en civil a tué un gréviste et blessé plusieurs autres.

Un peu plus tôt la même semaine, un groupe d’APPO qui essayait de convaincre les policiers de quitter leur commissariat a essuyé des coups de feu qui auraient été tirés par la police elle-même. La semaine dernière aussi une milice a occupé avec violence une station radio de la communauté régionale gérée par les Indiens Nahuatl et Mazateca. Lorsque des femmes Mazateca ont essayé de manifester dans Oaxaca en signe de protestation, une « chaîne humaine » organisée par le Parti révolutionnaire institutionnel, qui contrôle le gouvernement de l’Etat, a bloqué la seule voie de sortie de la ville de Mazatlan-Villa Flores.

Dans son numéro du 15 octobre, le magazine politique mexicain, Proceso, a décrit le contenu d’un document en sa possession – Plan Hierro (Plan d’acier). Ce plan détaille les tactiques que les forces de sécurité sont censées suivre pour prendre le contrôle d’Oaxaca, ville de 250 000 habitants.

Processo s’est entretenu avec un prêtre qui a demandé que l’on ne révèle pas son identité. Il a dit : « Maintenant, nous vivons dans la peur ; jamais nous n’imaginions que nous assisterions à des scènes comme celles que l’on a pu voir en Amérique Centrale dans les années 60, 70 et 80. La police en civil qui a recours à des actes de répression illogiques et incontrôlés tels des détentions arbitraires et des coups de feu lors de manifestations. » Le président Fox n’a jusqu’à présent pas mis en œuvre ce plan. Trois mille policiers de la police fédérale et plusieurs contingents de l’armée de terre et de la marine ont été mobilisés et pourraient rapidement entrer dans la ville. Les enseignants en grève font savoir que le gouvernement de l’Etat a embauché un groupe de mercenaires – le Groupe Zeta – pour commettre des assassinats et autres actes de terrorisme d’Etat.

La lutte des enseignants a commencé le 22 mai, quand 5 000 adhérents du syndicat des travailleurs de l’Education nationale (SNTE) de la branche d’Oaxaca se sont mis en grève sur la question des salaires, des conditions de travail et du budget de l’Education.

Le 14 juin, la police de l’Etat d’Oaxaca avait attaqué le campement des enseignants sur la place centrale d’Oaxaca. Avant de les faire battre en retraite les forces de sécurité avaient tué deux grévistes, en avaient blessé quelques vingtaines d’autres et brûlé leur campement. Des enseignants absolument indignés avaient exigé la démission d’Ulises Ruiz, gouverneur d’Etat.

La lutte des enseignants a obtenu le soutien de la classe ouvrière, des paysans et des chômeurs de tout l’Etat. Cette lutte a été l’étincelle qui a poussé la région au bord de l’insurrection. Derrière la demande de démission de Ruiz, on trouve une frustration sociale profonde quant à l’effondrement du niveau de vie qui s’ajoute à l’indifférence du gouvernement face aux dégâts causés par le passage de l’ouragan destructeur Stan. La colère populaire a été encore plus attisée par les révélations de corruption répandue, telle les fonds gouvernementaux détournés au profit de candidats du PRI lors des élections nationales du 2 juillet.

Suite à la répression du 14 juin, une coalition de communautés ethniques, d’organisations paysannes et le SNTE ont formé l’APPO, Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca. L’APPO a ensuite investi les stations de radio, télévision et autres médias et les bâtiments publics d’Oaxaca. Ces deux derniers mois, le gouvernement d’Etat d’Oaxaca a effectivement cessé de fonctionner. Le gouverneur assiégé ne peut plus se déplacer que par hélicoptère ou escorter de gardes armés.

La grève des enseignants d’Oaxaca est la culmination de 26 années de revendications par les éducateurs pour des améliorations dans les établissements scolaires, dont des salaires et des conditions de travail décents, un programme de petit déjeuner pour les élèves et un budget suffisant pour réparer les bâtiments des établissements publics qui tombent en ruines et pour  équiper tous les établissements scolaires de manuels et de fournitures modernes.  

Les enseignants d’Oaxaca travaillent souvent dans des communautés indiennes rurales isolées et appauvries (l’Etat compte plus de 17 groupes ethniques distincts) à des centaines de kilomètres de la capitale.Nombreux sont les enseignants qui achètent des livres et des crayons pour leurs élèves à leurs frais. Malgré le coût élevé de la vie dans la région, les salaires des enseignants d’Oaxaca sont nettement en dessous de la moyenne nationale.

Le débrayage du 22 mai a été provoqué par le détournement éhonté, de la part de l’administration du gouverneur Ruiz, de l’argent alloué à l’éducation, pour la campagne du candidat du PRI à la présidentielle, Roberto Madrazo. Des millions de dollars ont disparu, dont 60 millions de dollars prévus pour le petit déjeuner des enfants et une somme indéterminée de dons privés d’aide collectés après la catastrophe de l’ouragan Stan.

Avec Zacatecas et Chiapas, Oaxaca est un des Etats les plus pauvres du Mexique. A Oaxaca, le revenu par habitant de moins de 3 dollars par jour représente la moitié de la moyenne nationale, et moins d’un quart de la moyenne de Mexico City. La pauvreté de la région a été aggravée suite au passage de l’ouragan Stan et de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) avec les Etats-Unis et le Canada.

Un an après que l’ouragan Stan ait dévasté la région en octobre dernier, de nombreux habitants d’Oaxaca souffrent toujours des effets de la destruction des ponts, des routes et du système d’acheminement de l’eau et des canalisations. Des dizaines et des dizaines de communautés paysannes n’ont toujours rien reçu des fonds de reconstruction promis par le gouvernement. 

L’importation de maïs et de haricots américains à bas prix — conséquence de l’ALENA — a eu un effet dévastateur sur une grande partie de l’agriculture de l’Etat. De nombreuses fermes ont été abandonnées, leurs propriétaires ayant été forcés d’émigrer à Mexico City ou aux Etats Unis. Des milliers dépendent de l’argent que leur envoient des membres de leur famille installés aux Etats-Unis.

Des mesures prises par l’Etat en rapport avec ALENA ont conduit au pillage complet des ressources en eau des communautés paysannes. De l’eau qui avant était disponible pour l’irrigation est à présent commercialisée et dirigée vers la succursale d’embouteillage de Coca-Cola à Oaxaca et vers les chaînes hôtelières dans le corridor touristique de Bahias de Hauatulco. Exaspérés par l’indifférence de l’Etat et des autorités fédérales, des milliers ont rallié la lutte des enseignants.

Le président nouvellement élu, Felipe Calderon du Parti d’action nationale insiste pour que la crise d’Oaxaca soit résolue avant qu’il ne prenne officiellement ses fonctions le 1er décembre. Le gouvernement en fin de mandat de Vicente Fox hésite entre la répression ouverte par une force de police fédérale et des soldats de l’armée de terre et de la marine et une solution négociée avec l’APPO.                   

Les enseignants ont voté lundi contre une solution négociée entre APPO, les dirigeants du SNTE et le gouvernement fédéral au motif que cela laisserait Ruiz à son poste. L’accord aurait mis fin à l’occupation et remis les enseignants au travail en contrepartie d’argent et d’une amnistie pour les actions potentiellement illégales commises par les enseignants au cours de leur mouvement. La révocation du gouverneur a été laissée entre les mains du Sénat et une commission sénatoriale a été nommée pour examiner la situation.

Dès le début, APPO, établie comme coalition de 360 organisations paysannes et communautaires, dont le SNTE, « avec pour seul objectif celui de faire tomber le tyran [Ruiz] » a, d’après la dirigeante d’APPO, Dolores Villalobos Cumatz, rejeté une orientation politique électorale. Cumatz décrit APPO comme un canal pour les revendications des gens en matière de justice et de bonne gouvernance. Dans la pratique, APPO limite ces revendications à la révocation de Ruiz et au soutien des revendications de la grève des enseignants. Si Ruiz démissionnait et si les enseignants voyaient toutes leurs revendications satisfaites, les causes qui sous-tendent la crise – pauvreté et exploitation de classe et ethnique – persisteraient.

Il existe un parallèle entre les protestations à Oaxaca et les mobilisations organisées par le Parti de la révolution démocratique à Mexico City en juillet, août et septembre. Ces mobilisations ont réuni des centaines de milliers de personnes soutenant la revendication du candidat présidentiel du PRD Andres Manuel Lopez Obrador pour un recomptage complet de toutes les voix lors de l’élection présidentielle du 2 juillet.

Tout comme Lopez Obrador, l’APPO confine la lutte à des manifestations de protestation. Lopez Obrador utilise la rhétorique populaire pour dissimuler la subordination de la classe ouvrière mexicaine aux exigences des investisseurs internationaux. Les dirigeants de l’APPO limitent les objectifs du mouvement en canalisant la colère populaire vers des manifestations, des occupations et autres actions de protestation.

L’APPO s’est placée à la tête d’une insurrection populaire mais n’a présenté aucune alternative réelle sinon la révocation du gouverneur Ruiz, sans soulever la question de sa succession. Sans une telle alternative, l’unique réel bénéficiaire de la révocation de Ruiz est le PRD qui est largement pressenti pour diriger le prochain gouvernement d’Oaxaca.

(Article original anglais paru le 16 octobre 2006)


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