L’annonce faite par le président Bush d’une
relance du processus de paix au Proche-Orient par la tenue d’une
conférence internationale à New York est une tentative d’utiliser le
régime fantoche de Mahmoud Abbas pour approuver sans discussion un accord qui laisserait
les masses palestiniennes repartir les mains vides.
Washington estime que les régimes arabes non
seulement souscriront à un accord qui prendrait au piège le peuple palestinien à
l’intérieur de ghettos militarisés et appauvris dans les différentes
zones de la Cisjordanie et de la bande de Gaza mais qu’ils se joindront à
l’Egypte et à la Jordanie pour finalement reconnaître Israël.
Le tribut le plus lourd payé pour un accord le
sera à Gaza où le gouvernement du Hamas, que le Fatah d’Abbas a destitué
par un coup constitutionnel soutenu par l’occident, est destiné à être
détruit.
La conférence proposée est une affirmation de
la politique américaine que Washington a annoncée indépendamment des autres
membres du Quartette pour le Proche-Orient : l’Union européenne, les
Nations unies et la Russie. Elle sera présidée par la secrétaire d’Etat
Condoleezza Rice.
Bush a présenté son annonce comme un
ultimatum, en déclarant que la présence à la réunion sera réservée à ceux qui
soutiennent la création d’un Etat palestinien, qui rejettent la violence
et qui reconnaissent Israël. Présentant la conférence comme « l’heure
du choix », il a mis en garde qu’un soutien pour le Hamas serait une
victoire pour ses « promoteurs étrangers » en Syrie et en Iran qui
« détruiraient la possibilité d’un Etat palestinien ».
Le président américain a décrit la prise de
contrôle de Gaza par le Hamas comme une trahison « violente et illégale »
et a menacé le Hamas en déclarant : « Il faut empêcher que Gaza ne devienne
un sanctuaire d’où sont lancées des attaques contre Israël. Il faut
accepter le gouvernement palestinien légitime, laisser l’aide se rendre à
Gaza, désarmer la milice et reconnaître Israël. »
Il a également insisté pour qu’Abbas
arrête les militants et mette fin à la corruption avant le début des
pourparlers, et il a dit aux nations arabes de mettre un terme « à la fiction
qu’Israël n’existe pas », de réfréner la rhétorique anti-Israël
dans leurs médias et d’envoyer des responsables ministériels dans
l’Etat juif.
En comparaison, Bush a déclaré que les
Israéliens « pouvaient être sûrs que les Etats-Unis n’abandonneraient
jamais leur engagement pour la sécurité d’Israël en tant qu’Etat
juif et terre natale du peuple juif ». Il a poursuivi en lançant un appel
superficiel à Tel Aviv pour « le retrait des avant-postes non autorisés et
la fin de l’expansion des colonies ». Aucun appel ne fut lancé pour
le démantèlement de la plus grande partie des colonies israéliennes.
L’annonce fut suivie par des appels
téléphoniques de Bush à l’Arabie saoudite, la Jordanie et l’Egypte
pour recevoir leur appui à cette initiative.
Bush a offert 190 millions de dollars US pour
soutenir financièrement le régime d’Abbas en Cisjordanie, en plus des 80
millions de dollars pour aider tout spécialement Abbas à réaliser la réforme
des services de sécurité. Les responsables américains ont dit que
l’argent était détourné de Gaza, acculant le peuple à la famine.
Israël a salué la reprise des pourparlers mais
a immédiatement fait savoir que les trois questions clés des frontières, du
droit au retour des réfugiés palestiniens et de Jérusalem ne figuraient pas à
l’ordre du jour.
Abbas a dit qu’il espérait arriver à une
« paix complète avec les Israéliens d’ici un an ou même moins que
cela », donc avant que Bush ne quitte son poste. « Je l’ai
entendu de mes propres oreilles, du président lui-même et de la secrétaire
d’Etat Rice », a-t-il ajouté.
Sami Abu Zuhri, un porte-parole du Hamas, a rejeté
la conférence de Bush, en l’appelant « une nouvelle croisade de Bush
contre le peuple palestinien ».
L’envoyé de paix choisi par Bush,
l’ancien premier ministre britannique Tony Blair, a été envoyé en mission
cette semaine pour avoir des entretiens durant deux jours avec Abbas et le
gouvernement israélien d’Ehud Olmert. Le président israélien, Shimon
Peres n’a pas tari d’éloges envers Blair. « Je ne peux pas
trouver un meilleur homme », a-t-il dit en ajoutant : « Nous avons
de la musique au Proche-Orient, nous disposons d’un orchestre au
Proche-Orient, ce qu’il nous faut c’est un bon chef
d’orchestre et je pense que Tony peut devenir ce chef
d’orchestre ».
Les lettres de recommandation de Blair comme
envoyé de paix ont été rédigées sur la base de son empressement à suivre à la
lettre les instructions de Bush. James Wolfensohn, l’ex-directeur de la
Banque mondiale et envoyé spécial du Quartette qui a démissionné en 2006, a
déclaré récemment au quotidien israélien Ha’aretz : « Les
Etats-Unis n’ont jamais renoncé à garder la haute main sur les
négociations et je serais fort étonné si pour le département d’Etat…
je n’étais pas une gêne.
« Le problème central, c’est que je
ne disposais pas de l’autorité nécessaire. Cette autorité revenait au Quartette
et au sein du Quartette elle revenait aux Américains. »
La Jordanie, l’Egypte et l’Arabie
saoudite ont salué les propositions de Bush, et ce, en dépit du fait que
l’Arabie saoudite ait poliment décliné d’y participer.
Le ministre des Affaires étrangères jordanien,
Abdelelah Khatib et son homologue égyptien, Ahmed Aboul Gheït, se sont rendus le
25 juillet en Israël pour une visite inédite en tant qu’émissaires de la
Ligue arabe. Ils ont remis à Olmert, au ministre des Affaires étrangères Tzipi
Livni et à d’autres ministres et membres de la Knesset le texte de
l’initiative de paix saoudienne, d’un retrait des territoires en
échange de la paix, en offrant, a déclaré Gheït, « la sécurité, la
reconnaissance et l’acceptation pour cette région, ce qu’Israël avait
attendu depuis si longtemps ».
Israël n’acceptera pas l’appel de
la Ligue arabe d’un retrait total de la Cisjordanie où elle dispose
d’importantes colonies mais elle sait aussi qu’il s’agit là
d’un point négociable de toute manière pour ce qui est des Etats arabes.
Youval Steinitz du parti d’opposition de droite, Likoud, a déclaré :
« Je suis heureux de dire qu’après avoir entendu nos critiques ils
ont dit [le plan] n’était pas un ultimatum, que ce n’était pas
’à prendre ou à laisser’ ».
Bush a reçu cette semaine le roi Abdallah de
Jordanie à la Maison blanche pour pousser en avant son projet.
Les Etats-Unis et Israël considèrent la
division entre les factions rivales palestiniennes, le Fatah et le Hamas, la
division politique de fait entre la Cisjordanie et la bande de Gaza, et la
formation d’un gouvernement d’urgence par Abbas comme une occasion
de poursuivre leurs intérêts géo politiques dans la région.
A cette fin, ils offrent quelques miettes à
leurs agents politiques, Abbas et son nouveau premier ministre, Salam Fayyad,
un ancien fonctionnaire de la Banque mondiale et du Fonds monétaire
international, tout en isolant et en assiégeant la bande de Gaza qui se trouve
sous le contrôle du Hamas.
Mais, la soi-disant stratégie « West Bank
First » (La Cisjordanie d’abord) de Bush vise également à
s’assurer le soutien des Etats sunnites arabes, l’Egypte, la
Jordanie et l’Arabie saoudite, à l’encontre de l’Iran chiite
dont l’influence croissante dans la région est tout autant une
abomination pour ces derniers qu’elle l’est pour la Maison blanche.
Bush a accusé l’Iran de soutenir les insurgés chiites en Irak, le
Hezbollah au Liban et le Hamas en Palestine, en décrivant le tout comme un arc
de l’extrémisme chiite.
Ceci est à la fois une justification pour une
action hostile à l’encontre de l’Iran et un appel à la formation
d’un autre arc des Etats sunnites en recourant au sectarisme afin de
diviser les travailleurs et les paysans pauvres et de détourner les luttes
sociales au sein de leurs propres pays.
La Syrie a été continuellement associée à
l’Iran depuis qu’elle s’était jointe à l’Iran pendant
la guerre Iran-Irak de 1980. Les deux pays sont unis par des liens économiques
très forts, le commerce annuel atteignant 200 millions de dollars et les
entreprises iraniennes ont investi plus d’un milliard de dollars en
Syrie, dans le marché de l’énergie, dans l’industrie automobile, le
ciment et l’agriculture.
Damas cherche désespérément à améliorer ses
relations avec les Etats-Unis et Israël et est plus que disposée à traiter avec
Israël, pour avoir à maintes reprises cherché à engager des pourparlers de paix
avec Jérusalem. Elle n’était cependant pas disposée à participer aux
pourparlers de paix en l’absence d’un parti tiers et de l’engagement
d’Israël de rendre le plateau du Golan, illégalement occupé et colonisé
par Israël depuis la guerre de 1967. Le premier ministre Olmert a refusé ceci
de but en blanc et a appelé la Syrie à rompre toute relation avec l’Iran
et les partis anti-israéliens. Ainsi, sans aucune indication de compromis, la
Syrie a refusé de participer à la conférence proposée par Bush.
La semaine dernière, le président syrien
Bashar al Assad avait reçu le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, pour
discuter de l’Irak, de la Palestine et du Liban. Ahmadinejad a également
rencontré le dirigeant du Hezbollah, cheikh Hassan Nasrallah qui était venu du
Liban pour le voir.
Les préparatifs de la conférence proposée par
Bush ont lieu dans le contexte à la fois d’une intensification de
l’offensive menée par Israël contre Gaza et contre Nablus, le bastion du
Hamas en Cisjordanie, et des « exécutions ciblées » de son personnel
par des avions israéliens.
Israël a à présent complètement bouclé ses
frontières avec la bande de Gaza, ne permettant que l’acheminement de
l’aide humanitaire, entraînant ainsi la perte d’au moins 68.000
emplois. Des milliers de petites usines, d’entreprises et de fermes sont
fermées vu que les importations et les exportations ont été réduites à néant et
qu’environ 85 pour cent des salariés du secteur privé de Gaza se
retrouvent à présent au chômage.
Les fonctionnaires des Nations unies ont lancé
l’avertissement que la fermeture contribue à créer une catastrophe
humanitaire. « Si la fermeture actuelle continue, nous craignons de
devenir à Gaza une société pratiquement totalement dépendante de l’aide,
une société à qui on a volé toute possibilité d’autosuffisance et de
dignité par le travail », a dit John Ging, le directeur des Nations unies
pour les opérations dans la bande de Gaza.
Le gouvernement de la Cisjordanie a également resserré
l’étau sur le Hamas et Gaza. Il a étendu le pouvoir des tribunaux
militaires et accordé au ministère de l’Intérieur le droit de fermer des
organisations non gouvernementales. Il a dit au 17. 000 policiers de Gaza dont
il verse les salaires de ne pas retourner au travail. Abbas a aussi annoncé la
tenue de nouvelles élections sans l’accord des 120 membres du parlement
dont le quorum requis n’est pas atteint : la moitié de ses 75
membres Hamas sont détenus dans des prisons israéliennes sans procès et le
restant refuse d’y participer.
Le ministre adjoint de l’Information du
Hamas, Hassan Abu Hasheish, a déclaré cette semaine : « Il y a eu 750
cas d’agression commis contre des gens du Hamas en Cisjordanie au cours
de ces six dernières semaines. Je ne pense pas que les gens puissent tolérer et
pardonner cela. Si les choses continuent ainsi ça va exploser. Voici ce que
Fatah a fait à Gaza. »
(Article original anglais paru le 27 juillet
2007)