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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Allemagne: les conducteurs de train votent à une très grande majorité pour la grève

Par Ludwig Niethammer
14 août 2007

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Les conducteurs de train allemands se sont prononcés par une majorité écrasante en faveur d’une grève illimitée pour poursuivre leur campagne pour une augmentation de salaire. Quelque 96 pour cent des conducteurs et agents de train qui ont participé au scrutin ont voté en faveur de la grève. Le vote écrasant en faveur de la grève est d’autant plus remarquable qu’il a eu lieu en plein milieu d’une campagne concertée à l’encontre des conducteurs et menée par le patronat et les milieux politiques ainsi que certaines sections des médias.

Ponctuel à la minute près avec la publication des résultats du vote de lundi, le patron de la Deutsche Bundesbahn (Compagnie de Chemin de Fer allemand, DB), Hartmut Mehdorn, donnait une interview au magazine Der Spiegel dans laquelle il soulignait ses menaces et ses insultes à l’encontre des conducteurs de train et de leur syndicat, le GDL (Gewerkschaft Deutscher Lokomotivführer).

Bien qu’il soit largement reconnu que les conducteurs de train représentent une section de travailleurs sous-payés, Mehdorn a déclaré que leur revendication salariale tout à fait justifiée était « ridicule » et que le syndicat aurait «entraîné » ses adhérents dans une campagne visant à « diviser le personnel ferroviaire » d’une manière tout à fait inacceptable.

Mehdorn, qui est parfaitement conscient que la vague d’actions juridiques lancées par la DB contre les conducteurs de train n’a pas réussi à déclarer illégaux les résultats du vote et la grève qui s’en est suivie, n’a pas cessé de parler tout au long de son interview au Spiegel de grèves « illégales » et d’activités « illégales » du syndicat des conducteurs de train. Dans le même temps, Mehdorn a menacé le syndicat de sanctions financières pour toutes les actions qu’il entreprendrait. « Nous exigerons des paiements en compensation de toute grève illégale. Au cas où les chemins de fer perdraient des millions en raison d’actions illégales, nous demanderons à ce que ces sommes soient repayées. » De plus, il a menacé de traiter individuellement le cas de chaque conducteur de train qui agirait « illégalement » et de le suspendre de son poste.

Dans leurs attaques et calomnies brutales à l’encontre des conducteurs de train, Mehdorn et la direction de la DB peuvent compter sur le soutien sans réserve des deux autres principaux syndicats de cheminots, Tansnet et le GDBA (Gewekschaft Deutscher Bundesbahnbeamten, Arbeiter und Anwärter).

Ces deux syndicats ont soutenu ouvertement la direction, en condamnant tous deux la grève des conducteurs de train et en agissant en briseurs de grève contre le GDL. Les syndicats ferroviaires bénéficient du soutien de la Fédération des syndicats allemands (DGB). Dès le début, ces organisations syndicales se sont opposées à la revendication salariale des conducteurs de train, alors qu’elles sont parfaitement conscientes du bas salaire qu’ils perçoivent et des conditions de travail dans lesquelles travaillent les cheminots allemands.

Lorsque Mehdorn déclare de façon provocante au Spiegel, «Nous ne céderons pas au chantage, » il jette le gant aux conducteurs de train et au reste des cheminots qui devraient rejeter ce chantage avec mépris. En fait, se sont les syndicats Transnet et le GDBA qui ont divisé les cheminots.

Suite à la décision de la DB d’une augmentation de salaire de 4,5 pour cent et le paiement d’une prime unique de 600 euros aux membres de Transnet et du GDBA dans le but d’isoler les conducteurs de train, les deux syndicats se sont mis d’accord pour que le contrat prévoie une clause empêchant la DB de faire la moindre concession aux conducteurs de train du GDL. Au cas où la direction de la DB conclurait un accord séparé avec le GDL, le contrat déjà signé avec Transnet et la GDBA serait automatiquement invalidé.

Puis, la semaine passée, des détails supplémentaires sont apparues au sujet de la collaboration entre la DB et Transnet pour saboter la préparation de la grève. Transnet avait commencé une campagne de collecte de signatures pour une pétition ayant pour slogan, « Pas comme ça, GDL ! », destinée à monter les cheminots contre les résultats du vote du GDL et le soi-disant « cours intensif du GDL. »

Le patron du comité d’entreprise général de la DB, Günther Kirchheim (Transnet), est même allé plus loin. Il a écrit une lettre au chef du personnel de la DB, Margret Suckale, en prétendant que des membres du GDL avaient fait usage de la force à l’encontre d’autres cheminots, sans en avancer la moindre preuve concrète.

Comme le remarquait la Süddeutsche Zeitung (SZ) dans son édition du week-end, «  Ne serait-ce qu’un coup monté entre l’auteur de la lettre et son destinataire, pour accuser le syndicat des conducteurs de train, le GDL, de manquer de sérieux et d’être combatifs ? »

Le GDL avait adressé un tract à ses membres pour imposer une grève pacifique. Le tract disait : « N’essayez pas de recourir à des mesures inappropriées pour bloquer l’entrée de l’usine aux salariés qui veulent travailler. » Le SZ fait remarquer que des versions différentes de ce tract circulent à présent « dans lesquelles la négation a disparu, » en concluant : « Il n’est pas difficile de voir qui a intérêt à tirer parti d’une telle diffamation.»

Tâches politiques

Suite à l’échec de la direction de la DB, avec l’aide de Transnet, d’empêcher que le vote sur la grève ait lieu, les conducteurs de train sont à présent confrontés à une vaste rangée d’ennemis, du patronat, de l’establishment politique et de la bureaucratie syndicale.

Mehdorn, quant à lui, a repris son offensive dès la publication des résultats du vote en réagissant promptement aux 96 pour cent du scrutin. Bien que la direction du GDL ait fait de son mieux pour éviter un conflit en offrant même de participer à d’autres négociations avec la direction de la DB jusqu’à la date butoir de mardi, Mehdorn a décliné l’offre et laissé s’écouler le délai.

Le président du GDL, Manfred Schell, avait espéré, même après le vote, qu’il serait possible d’arriver à un accord avec la direction de la DB. La direction du GDL est incapable de comprendre et de préparer ses adhérents comme il convient face aux implications politiques de ce conflit.

La situation est tout autre dans le cas de Mehdorn, de ses collègues à la direction, du gouvernement allemand et de Transnet. Ils se sont tous fixés pour objectif de mettre en échec les conducteurs de train. Pour ces forces, une telle défaite correspondrait à une importante étape-clé dans les préparatifs qui sont actuellement en cours pour la privatisation impopulaire des chemins de fer prévue pour cet automne.

Mehdorn ne l’a nullement caché. Les journalistes de Der Spiegel avaient fait remarquer l’étroite collaboration antérieure entre la direction et les syndicats et l’importance de cette collaboration pour l’avenir des chemins de fer, en ajoutant, « C’est même important pour l’introduction en bourse de l’entreprise. Est-ce que ce conflit ne dissuadera pas d’éventuels investisseurs ? »

Mehdorn répliqua : « Personne n’est prêt à investir dans une entreprise qui permet à un petit groupe de fonctionnaires d’agir comme bon leur semble. En France, la SNCF a une dizaine de syndicats différents, elle est donc difficile à contrôler. J’attache beaucoup d’importance au fait que nous avons restructuré l’entreprise au cours de ces dernières années au moyen d’une grande compatibilité sociale, en ayant un dialogue raisonnable avec tous les syndicats. Tout cela est à présent menacé inutilement. »

Mais des considérations politiques plus fondamentales se cachent derrière cette campagne concertée pour briser les conducteurs de train. L’objectif est de statuer un exemple et par là d’intimider d’autres sections de travailleurs pour qu’ils n’entreprennent pas d’actions combatives pour la défense de leur emploi et de leurs conditions de vie.

L’élite politique, dont fait partie la bureaucratie syndicale, est déterminée à empêcher que n’augmente la protestation sociale et politique. Ce n’est qu’à grand peine que les syndicats sont parvenus à démobiliser les récentes grèves des médecins et des salariés de Deutsche Telekom allemands.

De larges couches de la population rejettent la politique antisociale du gouvernement de grande coalition unissant démocrates-chrétiens de la CDU-CSU (Union chrétienne-démocrate d’Allemagne-Union chrétienne-sociale) et sociaux-démocrates du SPD (Parti social-démocrate d’Allemagne) et sont opposées aux assauts incessants perpétrés contre les salaires et les emplois et qui sont infailliblement soutenus par les syndicats. Par leur colère et leur détermination à résister à de telles attaques, les conducteurs de train sont les porte-parole de bien des travailleurs. Pour faire avancer la lutte, les travailleurs doivent rompre avec l’emprise paralysante qu’exercent sur eux les syndicats.

Pour ce qui est de la bureaucratie du GDL, elle n’est absolument pas préparée pour un tel développement. Le secrétaire général du GDL, Schell qui prendra sa retraite l’année prochaine, est décidé à mener ce conflit du travail comme un « conflit [tout à fait] normal sur des questions salariales ». L’époque où les syndicats étaient en mesure d’imposer leurs revendications sous la menace de luttes militantes et de « grèves ponctuelles » est révolue depuis longtemps. La longue grève des médecins et des travailleurs de Telekom a confirmé une fois de plus qu’il est impossible de lutter contre l’actuelle série d’attaques contre les acquis politiques et sociaux sur la base d’une politique syndicale

Les conducteurs de train combatifs ont été désarmés dans leur lutte par le manquement total de la direction du GDL de soulever la question de la privatisation et d’identifier le rôle de briseur de grève joué par Transnet et le DGB.

Pour être capable de mener victorieusement la grève, il est absolument vital de placer au cœur du conflit les  tactiques répugnantes employées par le DGB. Les conducteurs de train devraient s’adresser aux autres cheminots et se mobiliser ensemble contre les manœuvres de briseurs de grève du patron de Transnet, Hansen et de ses amis. Ils doivent mener leur grève au nom de tous les cheminots dans un combat commun contre les projets de privatisation de la direction de la DB qui est soutenue par le ministre fédéral des Transports, Wolfgang Tiefensee (SPD).

Cette grève doit devenir le point de départ d’une rupture avec la politique opportuniste de partenariat social, à savoir de l’étroite collaboration entre la direction et les syndicats. Les grévistes et les travailleurs des différents sites industriels en Allemagne, en Europe et de par le monde doivent adopter une perspective socialiste qui place les besoins de la population au-dessus des intérêts économiques des patrons.

(Article original paru le 8 août 2007)


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