wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Une voie politique pour aller de l’avant dans la lutte des cheminots allemands

Par Ludwig Niethammer et Ulrich Rippert
20 août 2007

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Le présent conflit entre les conducteurs de train et la direction des chemins de fer allemands (Deutsche Bahn, DB) renferme d’importantes leçons politiques pour tous les travailleurs. Il n’est pas possible de confronter les attaques systématiques qui sont montées contre les salaires et les acquis sociaux de la classe ouvrière sans avoir tiré ces leçons.

Après des années de réduction de salaire continue et de détérioration des conditions de travail, les conducteurs de train revendiquent maintenant une augmentation de salaire pour essayer au moins de compenser une partie des pertes. Ce faisant, ils se heurtent à une vaste opposition se composant de la direction de la DB et des intérêts patronaux, du gouvernement allemand, de la justice et des médias ainsi que des syndicats de cheminots, Transnet, le GDBA (Gewekschaft Deutscher Bundesbahnbeamten, Arbeiter und Anwärter), et la Fédération des syndicats allemands (DGB, Deutscher Gewerkschaftsbund).

Le fait que les syndicats collaborent avec la direction pour porter atteinte aux salaires et aux conditions de travail de leurs propres membres n’a rien de nouveau. Il suffit de se rappeler les conflits de ces dernières années durant lesquels les dirigeants syndicaux ont précisément joué ce rôle chez Opel, Siemens, Deutsche Telekom, les services publics, entre autres. Pourtant, dans le cas du conflit des conducteurs de train de la DB, la trahison des syndicats a atteint une nouvelle qualité.

Transnet et la DGB se sont transformés en syndicats jaunes au sens le plus strict du mot, en s’employant comme briseurs de grève et en organisant une campagne de provocation à l’encontre des conducteurs de train. Le président de la DGB, Michael Sommer, a publiquement condamné la grève. Les conseillers juridiques au service de Transnet ont encadré la direction de la DB tout au long du processus juridique de ce conflit en traînant les conducteurs de train d’un tribunal à l’autre jusqu’à ce qu’elle trouve enfin un juge qui veuille bien déclarer cette grève illégale.

En d’autres termes, dès le départ les conducteurs de train ont été confrontés à la puissance de l’Etat liée à celle du gouvernement de grande coalition allemand unissant démocrates-chrétiens de la CDU/CSU (Union chrétienne démocrate d’Allemagne/Union chrétienne sociale) et sociaux-démocrates du SPD (Parti social-démocrate d’Allemagne) et la DGB en tant que serviteur dévoué du gouvernement.

Et dépit de tout cela, les conducteurs de train ont voté à près de 96 pour cent en faveur de la grève sans se laisser intimider par les menaces massives lancées contre eux.

Dans le même temps, le syndicat des conducteurs de train, le GDL (Gewerkschaft Deutscher Lokomotivführer) a démontré son incapacité à organiser une résistance efficace et à soumettre une voie politique alternative. La direction syndicale menée par Manfred Schell a réagi au vote de ses adhérents pour la grève en reculant et en cherchant désespérément à arriver à un compromis.

Après le succès de la première grève d’avertissement des conducteurs de train, le GDL n’a plus organisé que des actions limitées. Le vote, le décompte des scrutins et l’annonce de la date de déclenchement d’un éventuel mouvement de grève furent traînés en longueur durant des semaines. Schell signala à maintes reprises sa disposition à négocier et finit par proposer une procédure d’arbitrage impliquant l’ancien secrétaire général de la CDU, Heiner Geißler, en dépit du fait qu’il n’existe aucun accord d’arbitrage entre la DB et le GDL. La DB avança alors sa propre proposition d’arbitre externe, en désignant Kurt Biedenkopf, un autre ténor de la CDU qui entretient des liens étroits avec le monde des affaires.

Bien que des juristes et des experts en droit du travail tels Wolfgang Däubler de l’université de Brême aient déclaré que l’argumentation développée par le Tribunal du travail de Nuremberg pour interdire la grève était « tout à fait inappropriée » et que l’ordonnance du tribunal interdisant la grève comme était « juridiquement intenable », le GDL a accepté l’arrangement amiable en renonçant à la grève jusqu’au 27 août.

La procédure d’arbitrage a uniquement pour but d’intensifier la pression de l’opinion publique sur les conducteurs de train. Les deux politiciens de la CDU, Geißler et Biedenkopf, arbitreront immanquablement en faveur de la direction de la DB et il est d’ores et déjà clair que l’appel à l’arbitrage est le premier pas vers un compromis pourri et la trahison de la grève.

De nombreux conducteurs de train rejettent ce compromis et cherchent un moyen de poursuivre la grève. Mais, l’enseignement le plus important à tirer des événements de ces semaines passées est que le combat pour des conditions de travail et des salaires meilleurs ne peut être gagné s’il est mené avec les méthodes et les moyens de la lutte syndicale traditionnelle.

Les conducteurs de train et la classe ouvrière dans son ensemble sont confrontés à des tâches politiques. Comme aujourd’hui les conducteurs de train, demain d’autres sections de travailleurs seront obligées de s’opposer à la destruction permanente des acquis sociaux et auront à faire face au même bloc formé par le gouvernement, la justice et le DGB.

La mondialisation de l’économie a coupé l’herbe sous les pieds de toute politique fondée sur la réconciliation sociale. Des cartels financiers opérant de par le monde entier et qui contrôlent la vie économique moderne sont déterminés à extraire la dernière once de profit de la classe ouvrière afin de satisfaire leur soif insatiable d’accumulation de dividendes et de richesse.

Les syndicats et le SPD ont réagi à la faillite du réformisme social en s’alignant inconditionnellement derrière le patronat dans le but de défendre les « intérêts allemands », à savoir, les intérêts des banques allemandes et des grands groupes sur une scène mondiale extrêmement compétitive. Les conséquences qui en résultent sont des attaques brutales contre les salaires et les droits des travailleurs et l’intensification du militarisme et le réarmement.

Les conducteurs de train ne peuvent donc faire confiance à de prétendus arbitres indépendants, à l’Etat, à la justice, à d’autres institutions nationales ou à des représentants politiques bien-pensants qui témoignent de la sympathie pour leurs revendications. Leur demande de mobilisation de soutien doit s’adresser à d’autres cheminots et à d’autres sections de la classe ouvrière. L’esprit combatif des conducteurs de train qui s’est attiré la sympathie de vastes couches de la population allemande, doit devenir le point de départ pour des tâches et des défis politiques nouveaux.

Ceci requiert une stratégie politique fondamentalement nouvelle qui place les besoins de la population laborieuse au-dessus des intérêts de profit des grands groupes et des banques. La production en général et des services aussi importants que les chemins de fer doivent être libérés de l’emprise d’une élite financière et mis au service de la société en général.

Ceci ne pourra se faire que si les travailleurs rompent avec leurs vieilles organisations nationales et s’unissent au niveau mondial et européen pour poursuivre la lutte pour une réorganisation socialiste de la société. C’est dans la construction d’un tel parti socialiste international que se sont engagés le World Socialiste Web Site et le Parti de l’Egalité sociale (Partei für soziale Gleichheit, PSG) en Allemagne.

Le rôle du SPD et de « La Gauche »

Les salaires et les conditions de travail misérables contre lesquels les conducteurs de train se battent ne sont pas survenus du jour au lendemain. Ils sont le résultat d’une stratégie politique appliquée depuis longtemps par tous les partis officiels allemands pour réduire les niveaux de vie de la classe ouvrière dans le but d’enrichir les patrons et les gros actionnaires.

La coalition gouvernementale SPD-Verts qui a pris le pouvoir il y a neuf ans, avait fortement accéléré le processus de redistribution des richesses en Allemagne. La coalition avait introduit une série de réductions d’impôts au bénéfice des entreprises et des banques tout en adoptant à la fois des lois, telles Hartz IV, réduisant les allocations chômages et les prestations sociales dans le but de créer une réserve de main-d’œuvre bon marché et de baisser les salaires.

Quand cette politique fut confrontée à une résistance croissante de la population qui résulta pour le SPD en onze défaites consécutives lors d’élections régionales, le chancelier Gerhard Schröder (SPD) céda le pouvoir à Angela Merkel (CDU). Depuis lors, le SPD n’a cessé de poursuivre sa politique anti-sociale en tant qu’associé en second dans la grande coalition allemande. Cette politique réactionnaire a bénéficié du soutien total du DGB et des syndicats affiliés.

Il est également nécessaire de soumettre le parti « La Gauche » (Die Linke) à une évaluation critique. La création de ce parti par la fusion du parti post-stalinien PDS (Parti du socialisme démocratique) et de l’Alternative électorale-travail et justice sociale (WASG) est la réaction au déclin rapide du SPD. Ses dirigeants sont Oskar Lafontaine, qui a occupé de nombreux postes de responsabilité durant ses 40 ans passés au sein du SPD, Gregor Gysi et Lothar Bisky, qui tous deux sont issus du parti stalinien de l’ancienne Allemagne de l’est, le Parti socialiste unifié d’Allemagne (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands, SED). Ces dirigeants redoutent une radicalisation de vastes couches de la population et ils sont hostiles au moindre mouvement de la population qui menace ou met seulement en doute le système capitaliste de profit.

Lafontaine, Gysi et Bisky sont déterminés à empêcher la formation d’un tel mouvement et cherchent désespérément à faire renaître les illusions dans la politique du réformisme social. Tout en louant la politique du dirigeant d’après-guerre du SPD, Willy Brandt, qui avait appliqué des réformes sociales limités durant les années 1970, les dirigeants de La Gauche utilisent leurs positions au Sénat de Berlin et dans des municipalités, telles Brême pour organiser et imposer des coupes sociales.

Un élément de base de la politique de La Gauche est son soutien à l’égard du DGB. La Gauche essaie d’insuffler une seconde vie aux syndicats qui ont été discrédités en raison de leurs liens avec le SPD. Lafontaine et Gysi ont, de manière étonnante, fait profil bas tout au long du conflit des conducteurs de train. Seul le vice-président du groupe parlementaire du parti, Klaus Ernst, a exprimé son soutien pour leurs revendications tout en réclamant un « contrat collectif unitaire pour toute la branche », qui est d’ailleurs aussi la principale revendication de Transnet et du GDBA. Ce n’est pas par hasard que le patron de Transnet, Norbert Hansen, avait été invité officiellement au congrès de fondation de La Gauche.

Un nouveau stade de la lutte des classes

La féroce campagne menée par l’entreprise, le gouvernement, la justice et le DGB contre les conducteurs de train marque un nouveau stade dans la lutte de classe. Le fait que l’entreprise soit en mesure d’aller d’un tribunal à l’autre jusqu’à ce qu’elle en trouve un qui veuille bien interdire la grève tourne en dérision l’indépendance de la justice.

Les conclusions formulées dans le jugement du Tribunal de travail de Nuremberg, à savoir que des grèves « peuvent durant la période de vacances causer des préjudices économiques considérables » est une attaque directe à l’encontre du droit constitutionnel à la liberté d’association d’où découle le droit de grève. La même argumentation pourra être reprise demain contre toutes les grèves qui dépasseront le cadre des manifestations de protestation anodines organisées à grand renfort de sifflets par le DGB et qui incluent des grèves symboliques durant la pause de midi. Il faudrait se reporter à la justice de classe flagrante pratiquée durant l’empire allemand, la République de Weimar ou le régime nazi pour trouver un parallèle correspondant aux pratiques juridiques abusives dont furent l’objet les travailleurs dans le présent conflit.

Les véritables relations de classe deviennent de plus en plus apparentes dans la société : la politique nationale est guidée par les intérêts des riches ; la politique étrangère est une fois de plus dominée par la concurrence entre les grandes puissances pour les parts de marché et les ressources ; et la justice est utilisée par la classe dirigeante comme instrument de répression pour sauvegarder ses intérêts.

Il est remarquable que le président de la fédération des employeurs allemands, Dieter Hundt, ait exigé une interdiction plus générale de la grève à peine quelques jours après la décision du tribunal de Nuremberg. Il réclama des modifications de la loi pour éviter « des conflits du travail initiés par de petits groupes professionnels. » Hundt a exigé qu’« une grève d’une section syndicale représentant des travailleurs minoritaires doit être déclarée juridiquement intenable et donc comme non autorisée dans la mesure où une convention collective recouvrant l’ensemble des travailleurs existe, » autrement l’ensemble de l’autonomie tarifaire est « menacée de façon aiguë. »

Jusque-là on entendait par autonomie tarifaire la non ingérence de l’Etat dans les conflits tarifaires. A présent, les employeurs reconnaissent le droit de négociation collective aux seuls syndicats du DGB qui sont prêts à imposer à leurs membres les accords les plus régressifs. Toute tentative de se libérer de cette camisole de force doit être interdite et criminalisée.

A cet égard, le rôle méprisable de briseurs de grève joué par Transnet et le GDBA au cours de ces dernières semaines est plutôt la règle et non l’exception. Partout dans le monde, les syndicats fournissent leurs services pour le maintien de l’ordre en réprimant tout mouvement indépendant de la classe ouvrière. C’est la conséquence directe et logique de leur programme réformiste qui a pour objectif le maintien des relations capitalistes.

Une voie pour aller de l’avant présuppose la sortie de l’impasse d’une telle politique et la construction d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière basé sur un programme internationaliste et socialiste. Tel est le programme du Parti de l’Egalité sociale.

(Article original paru le 15 août 2007)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés