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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Canada : nouvelles révélations dans l’affaire Arar

Comment la « sécurité nationale » sert à cacher le recours à la torture

Par Richard Dufour
23 août 2007

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Des fragments censurés du rapport de la Commission Arar ont été rendus publics il y a quelques jours après qu’un juge de la Cour fédérale canadienne eut tranché en faveur de la Commission contre les efforts du gouvernement conservateur pour les garder secrets.

La divulgation de 1000 des 1500 mots rayés du rapport lors de son dépôt en septembre dernier vient s’ajouter à une longue liste de faits démontrant que les services canadiens de sécurité – de concert avec leurs homologues américains – font un usage systématique de la torture dans leur supposée « lutte au terrorisme ».

Maher Arar est un citoyen canadien d’origine syrienne qui faisait l’objet d’une surveillance par les services canadiens de sécurité lorsqu’il fut détenu en septembre 2002 à l’aéroport international de New York où il faisait escale en route vers le Canada après un séjour de vacances en Tunisie.

Muni d’un passeport canadien, Arar aurait dû, selon la loi internationale, être renvoyé au Canada. Les autorités américaines l’ont plutôt « remis » à la Syrie, connue pour ses abus des droits de l’homme. Il y fut enfermé dans une cellule pas plus grande qu’une tombe, maintes fois torturé, et relâché un an plus tard sans que la moindre accusation ne soit portée contre lui.

C’est la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui a fourni aux autorités américaines des « informations » associant Arar à des activités terroristes sur la base de grossiers amalgames. Après la déportation d’Arar, la GRC et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ont collaboré avec ses geôliers syriens, allant jusqu’à leur expédier des questions pour fins d’interrogatoire.

Les agences canadiennes de sécurité ont également entravé les efforts tardifs du gouvernement fédéral pour faire libérer Arar. Après le retour de ce dernier au Canada, elles ont mené une campagne de calomnies contre lui, faisant couler dans la presse une « confession » qu’il avait donnée sous la torture concernant sa supposée participation à un camp d’entraînement terroriste en Afghanistan. En fait, Arar n’a jamais été impliqué, de près ou de loin, dans la moindre activité terroriste.

Tous ces faits ont été dévoilés par une commission d’enquête établie en février 2004 par le gouvernement libéral après qu’Arar ait publiquement clamé son innocence et raconté son histoire d’horreur.

Dans son rapport déposé en septembre 2006, toutefois, le président de la commission, le juge Dennis O’Connor, a présenté l’affaire comme une suite d’erreurs et a explicitement écarté toute mauvaise foi de la part des autorités policières ou gouvernementales. Cette interprétation cadrait mal avec les faits présentés dans le même rapport et résumés plus haut. Elle peut être définitivement rejetée après la publication plus tôt ce mois-ci des passages jusqu’ici censurés du rapport.

On y apprend que l’enquête sur Arar fut déclenchée par les aveux d’un autre Canadien détenu en Syrie, Ahmed el-Maati, aveux qu’il allait ensuite renier pour avoir été faits sous le coup de la torture. La GRC a obtenu en septembre 2002 un mandat d'écoute contre Arar sans indiquer que l'information retenue contre lui avait été probablement soutirée de force. Elle a caché au juge que el-Maati était détenu incommunicado par le renseignement militaire syrien, connu pour pratiquer la torture contre les prisonniers soupçonnés de terrorisme. Et elle a évité de mentionner qu’un rapport des Affaires étrangères selon lequel el-Maati avait été vu en prison et en bonne santé faisait suite à une visite effectuée neuf mois après les sévices qu’il aurait subis.

Contrairement à l’affirmation catégorique du rapport O’Connor qu’il n’y a « aucune preuve que les responsables canadiens aient participé ou acquiescé aux décisions des autorités américaines de détenir M. Arar ou de le renvoyer en Syrie », les passages nouvellement publiés montrent que le Canada savait parfaitement le sort que les autorités américaines réservaient à Arar et n’a rien fait pour empêcher ou dénoncer sa « restitution extraordinaire ».

Dans un rapport présenté le 11 octobre 2002, un agent du SCRS posté à Washington soulignait que le FBI et la CIA avaient trouvé un moyen détourné de faire parler les personnes suspectées de terrorisme. « Lorsqu'ils ne peuvent détenir un sujet terroriste légalement, ou lorsqu'ils veulent qu'une personne-cible soit interrogée de façon musclée, ils le restituent à un pays acceptant de le faire », indique un passage soustrait à la censure. Dans une autre note de service en date du 10 octobre 2002, le sous-directeur des opérations du SCRS, Jack Hooper, mentionne que « les Etats-Unis aimeraient envoyer Arar en Jordanie, où ils pourraient en faire ce qu'ils veulent ». Ces documents ont été produits deux jours seulement après l'expulsion de Arar vers la Syrie.

Les nouvelles informations dévoilées comprennent également un constat émis par une délégation du SCRS suite à une visite effectuée en Syrie en novembre 2002, selon lequel  « les Syriens ne semblaient pas considérer ce cas [Arar] comme une affaire importante, le percevant plutôt comme une nuisance que comme quoi que ce soit d’autre ». Autrement dit, les autorités canadiennes savaient que la Syrie n’avait pas l’ombre d’une preuve contre Arar mais n’ont rien fait pour le sortir de son cachot syrien au plus vite et l’ont laissé pourrir en prison là-bas près d’un an.

La presse patronale a réagi à ces nouvelles révélations en cherchant à étouffer tout débat sur le recours des autorités canadiennes à la torture et la menace mortelle que cela constitue pour les droits démocratiques.

Le Globe and Mail, le principal quotidien du monde canadien des affaires, a publié un éditorial mettant toute l’affaire Arar sur le seul compte du gouvernement américain qui « n’a jamais admis son erreur ni cherché à la réparer auprès de M. Arar et des Canadiens en général ».

La rédaction du Globe évite soigneusement d’examiner, voire de mentionner, le rôle d’Ottawa dans cette affaire. Elle garde également le silence sur le refus du gouvernement Harper de condamner Washington, que ce soit pour sa déportation illégale d’un citoyen canadien vers un pays tiers, ou sa décision de garder Arar sur sa liste de présumés terroristes même après qu’il ait été innocenté par une commission publique d’enquête au Canada.

Le premier ministre Harper a, quant à lui, cherché à balayer les nouvelles révélations sous le tapis en déclarant qu’elles concernaient des événements « qui se sont déroulés sous le gouvernement [libéral] précédent » – bien que c’est son gouvernement conservateur qui a cherché à empêcher leur publication. Mais sans le vouloir, Harper a laissé percer un aspect critique de l’affaire Arar, à savoir qu’elle a impliqué tous les milieux dirigeants canadiens – libéraux et conservateurs, services de sécurité et juges, sans oublier les médias de la grande entreprise.

Harper a des raisons particulières de vouloir à tout prix éloigner l’attention publique de l’affaire Arar. Son gouvernement est présentement engagé dans une opération de camouflage sur une échelle encore plus large que sa censure du rapport O’Connor. Elle concerne trois autres citoyens canadiens ayant également été arrêtés et torturés à l’étranger avec la complicité probable des services canadiens de sécurité, à savoir: Abdullah Almalki, Muayyed Nureddin et Ahmed el Maati (mentionné plus haut). Le gouvernement conservateur a mis sur pied une commission d’enquête, mais les séances se tiennent à huis clos et aucune information qui nuirait à la « sécurité nationale » ne pourra être divulguée.

La « sécurité nationale » est justement l’argument invoqué par les conservateurs pour censurer des portions du rapport de la commission Arar et cacher à la population les brutales méthodes anti-démocratiques employées par les services de sécurité.

La classe dirigeante canadienne, qui a longtemps utilisé les commissions d’enquête pour atténuer les tensions sociales en laissant échapper un peu de vapeur sans que cela n’affecte le moindrement sa politique réelle, trouve aujourd’hui que même cet espace très réduit d’expression populaire est devenu insupportable. Comme l’a écrit John Ibbitson, chroniqueur en vue du Globe and Mail, pour justifier la censure appliquée par le gouvernement Harper au rapport O’Connor : « Il y a de bonnes raisons d’accepter un tel secret comme le prix nécessaire de la vigilance. »

Aucune section de l’establishment politique ou médiatique n’est sérieusement attachée à la défense des droits démocratiques. Ils ne peuvent être protégés et étendus aujourd’hui que par la lutte politique indépendante des travailleurs.


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