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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: La police attaque des personnes venues défendre des écoliers sans-papiers

Par Kumaran Rahul et Antoine Lerougetel
7 avril 2007

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Le 20 mars, la police a attaqué un groupe de personnes qui cherchaient à empêcher l’arrestation d’un sans-papiers chinois venu chercher ses petits-enfants à l’école maternelle Rampal dans le quartier Belleville de Paris. L’attaque de la police a provoqué une vague d’indignation parmi les enseignants, les parents, la population ouvrière du quartier et dans toute la France.

La veille dans l’après-midi, la police avait interpellé une femme chinoise sans-papiers qui était venue à l’école chercher sa nièce. Après une demi-heure de discussions, la directrice de l’école, Valérie Boukobza avait réussi à obtenir sa libération, après toutefois que la femme ait été fouillée. Habitants du quartier et manifestants avaient ainsi été alertés de la présence de la police dans le quartier.

Le jour suivant, des policiers faisaient des contrôles d’identité dans le voisinage de l’école Rampal lorsqu’ils ont interpellé le grand-père, un sans-papiers dont le nom n’a pas été révélé. Ils ont encerclé le café où le grand-père attendait ses petits-enfants. Des membres du Réseau éducation sans frontière (RESF) et des habitants du quartier ont essayé de s’interposer entre le grand-père et la police et se sont placés devant la voiture de police qui allait emmener le vieil homme. La police a riposté en menaçant de lâcher les chiens sur les manifestants et a ensuite répandu des gaz lacrymogènes, à proximité de la maternelle. Des vidéos de l’incident circulent sur Internet.

Trois jours plus tard, Boukobza était convoquée par la police. Elle pensait l’être en tant que témoin des événements. Mais elle a été placée en garde à vue pendant sept heures pour « outrage et dégradation de biens matériels », parce qu’elle s’était opposée à l’arrestation du grand-père chinois. Une foule d’une centaine de personnes s’est rassemblée devant le commissariat et est restée là jusqu’à ce qu’elle soit remise en liberté.

Boukobza a catégoriquement réfuté ces accusations. Elle affirmé dans une déclaration, « Ce que nous avons fait mardi dernier rue Rampal, beaucoup d’autres l’auraient fait de la même manière. Il ne s’agit là que du devoir de protection des enfants et de leur famille et celui de la résistance pacifique à une forme d’oppression. »

Le lundi suivant, 26 mars, 2 000 personnes ont participé à une manifestation devant le rectorat de Paris à la Sorbonne. Le rassemblement était à l’appel des syndicats d’enseignants, des organisations de parents d’élèves et le RESF pour protester contre la détention en garde à vue de la directrice et exiger qu’il n’y ait pas de poursuites contre elle.

Le rectorat dont c’est la fonction statutaire d’apporter son soutien aux enseignants sur les questions juridiques, n’a pas voulu soutenir Boukobza. Une délégation s’est entendue dire que « l’affaire s’étant déroulée hors de l’école et du temps scolaire... si la directrice a commis un délit, le rectorat n’a ni à la soutenir, ni à la protéger. »

Les syndicats enseignants ont appelé à une grève de protestation les écoles primaires de la région parisienne le 30 mars. Plus de 80 écoles sont restées fermées ce jour-là et des centaines d’autres ont été touchées par ce mouvement et de nombreux manifestants sont descendus dans la rue. Ils exigeaient qu’aucune sanction disciplinaire ne soit prise par le rectorat à l’encontre de Boukobza.  

Depuis, l’affaire a été classée sans suite.

Il faut remarquer que les syndicats enseignants ont appelé à la grève les enseignants du primaire et non ceux du secondaire, bien que se produisent des arrestations et des déportations de lycéens et d’étudiants. RESF rapporte que « Dix-sept lycéens majeurs et sans-papiers scolarisés en Seine-Saint-Denis ont récemment reçu une obligation de quitter le territoire français. Le préfet répercute le durcissement de la loi. Il n'a pas renouvelé cette année sa promesse de laisser tranquilles les élèves sans-papiers le temps de l'année scolaire. »

Le jour suivant, 10 000 personnes, dont un contingent d’écoliers de Rampal, un grand nombre de familles entières et de nombreux enseignants, ont pris part à une manifestation à Paris. Ils ont défilé pour protester contre « toutes formes de discrimination » et pour défendre les droits des familles de sans-papiers ayant des enfants. Cette manifestation s’est déroulée à l’appel de plusieurs organisations, dont RESF, la FCPE (principale association de parents d’élèves), le DAL (Droit au logement) et Droit Devant.

Les manifestants scandaient, « C’est pas les sans-papiers, c’est Sarkozy qu’il faut virer », « Videz Le Pen et Sarkozy, c’est eux qui doivent partir et nous, on reste ici », « Ni arrestation, ni expulsion ! Pour tous les enfants, un même droit à l’éducation ! », « Ne touchez pas à nos élèves ! Arrêt, arrêt des expulsions !»

L’élection présidentielle se tiendra le 22 avril. D’après les habitants du quartier, la police procède de plus en plus souvent dans le quartier de Belleville à des contrôles d’identité au faciès. Il est impossible de dire s’il s’agit là d’une provocation délibérée, orchestrée par le camp de Nicolas Sarkozy, le candidat présidentiel de l’UMP (Union pour un mouvement populaire) au pouvoir et jusque, il y a encore quelques jours, ministre de l’Intérieur.

Quoi qu’il en soit, Sarkozy saisit toutes les occasions possibles, dont la récente émeute provoquée par la police en Gare du nord, pour attiser les préjugés anti-immigrés et détourner l’attention de la crise sociale et du bilan du gouvernement de droite, ainsi que de son programme répressif, anti-social et libéral à tout crin. Il avait, il y a quelque temps, donné l’ordre que la police évite les interpellations provocatrices à l’intérieur et devant les établissements scolaires. Devant la réaction de masse, il a à nouveau requis de la police qu’elle se retienne.

Lundi dernier, Sarkozy a publié un nouveau livre, Ensemble, dans lequel il dépeint une « France exaspérée par la contestation de l’identité nationale, par une immigration non maîtrisée», et il tient pour responsable des troubles sociaux et des émeutes des banlieues de l’automne 2005, l’immigration, et non la discrimination et le malaise social qui augmente. Il promet, s’il est élu, de rendre encore plus difficile pour les immigrés le permis de séjour en France en rendant obligatoires des tests de connaissance de la langue et de culture générale.

Le large soutien de parents et d’enseignants pour l’hébergement et la défense des familles sans-papiers, soutien passible de 5 ans d’emprisonnement et d’amendes considérables, reflète un profond désir au sein de la population de lutter contre le régime d’Etat policier qui est en train de se mettre en place.

Selon la presse, enseignants et parents de Belleville ont décidé de porter des sifflets. Lorsqu’ils aperçoivent des policiers en groupes, ils sifflent pour alerter les immigrés de la présence des policiers. Cette hostilité envers la politique officielle, qui parfois se rattache de façon consciente aux traditions de la résistance à l’occupation nazie et à la persécution des juifs, ne trouve guère d’expression dans la vie politique de la « gauche » officielle française.

Le Parti socialiste (PS) avait participé en 2006 à des manifestations de soutien aux jeunes sans-papiers menacés d’expulsion. Des personnalités du PS, comme Bertrand Delanoë, le maire de Paris, avaient mis en scène des cérémonies d’adoption d’enfants sous les objectifs des photographes invités pour la circonstance. Les alliés de gauche du PS et les participants de « l’extrême-gauche » à ce mouvement ont gardé un silence discret sur la vraie politique du PS dans ce domaine et qui est clairement définie dans son programme électoral : « Nous mènerons une politique de fermeté à l’égard de l’immigration illégale..... Il nous faut par conséquent dissuader l’immigration illégale... »

Désireuse de présenter un visage humain contrairement à l’intransigeance de Sarkozy, la candidate présidentielle du Parti socialiste, Ségolène Royal a déclaré au plus fort du tollé contre la violence policière devant l’école Rampal et les arrestations, que les enfants de sans-papiers actuellement scolarisés devraient “pouvoir y accomplir leur scolarité » et leurs parents « rester dans le pays,» concluant que « la régularisation doit suivre la scolarisation. »

Cet écart de l’orthodoxie programmatique du PS a aussitôt été attaqué par la droite. En l’espace de quelques heures, François Hollande, secrétaire national du PS et concubin de Royal, a cédé à la pression et s’est précipité pour les rassurer que le PS était pour « une régularisation basée sur des critères » et qu’il « n’envisageait pas de régularisation automatique. » Jean-Louis Blanco, le directeur de campagne de Royal, a affirmé que « la régularisation des parents doit suivre la scolarisation de leurs enfants suivant une enquête au cas par cas » et Royal elle-même a dû lamentablement revenir sur sa déclaration.

Tout virage brutal à droite par Sarkozy est scrupuleusement repris par le Parti socialiste. Royal a relevé le défi de l’identité nationale et insiste pour reprendre à chaque fois la Marseillaise, l’hymne national français, à la fin de ses meetings. Elle a proposé que chaque foyer ait son drapeau tricolore et le mette aux fenêtres le jour de la fête nationale, le 14 juillet.

Le camp Sarkozy ne cache pas sa position. En réponse aux événements et protestations de l’école Rampal, François Baroin qui remplace Sarkozy au ministère de l’Intérieur, a déclaré, « la scolarisation ne donne pas droit au séjour, c’est évident, » et qu’« il pourrait y avoir des expulsions » avant la fin de l’année scolaire en juillet.

L’année dernière, devant le mouvement étendu contre la déportation d’enfants de sans-papiers et de leur famille, Sarkozy avait été obligé d’accepter un moratoire sur les expulsions de ces immigrés. Il avait promis que pendant les vacances d’été six à sept mille familles remplissant certains critères seraient régularisées, donnant ainsi espoir à quelque 30 000 candidats à la régularisation qui pensaient remplir les critères et qui de ce fait avaient révélé leur adresse aux autorités. La plupart de ces candidatures avaient été rejetées de la façon la plus arbitraire et injustifiée qui soit. Ce qui primait pour Sarkozy c’était l’objectif de 26 000 déportations d’immigrés en situation irrégulière pour 2007.

L’émergence du nationalisme et du chauvinisme à droite comme à « gauche » dans les élections présidentielles souligne l’importance du rassemblement à Paris le 15 avril à la mémoire de Raveenthiranathan Senthil Ravee (Senthil), trotskyste tamoul, et de sa lutte pour l’internationalisme socialiste. Un élément essentiel de ce programme est la défense du droit des travailleurs à vivre, travailler et étudier où ils le souhaitent partout dans le monde et de jouir de droits démocratiques entiers et de soutien dans le pays de leur choix. Les personnes qui souhaitent participer à ce rassemblement peuvent cliquer ici pour obtenir des détails.

Lire aussi :

Grand intérêt populaire et profondes tensions politiques dominent la campagne présidentielle en France [3 avril 2007]

A l’approche des élections présidentielles françaises
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[2 avril 2007]


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