Les autorités militaires américaines ont
révélé que des milliers de soldats additionnels de la Garde nationale ont été
appelés à servir en Irak pour y être déployés au courant des trois prochaines
années. L’annonce a coïncidé avec des reportages signalant que douze autres
soldats américains et britanniques avaient été tués en trois jours dans ce pays
ravagé par la guerre.
Tant le grand nombre de victimes que
l’annonce que des unités de la Garde nationale devront se rendre en Irak pour
une seconde fois soulèvent l’état de plus en plus précaire de l’occupation
militaire de l’Irak par les Etats-Unis. Même le plus servile allié américain,
le gouvernement du premier ministre Tony Blair, n’augmente pas, mais réduit le
nombre de ses soldats en Irak.
Huit soldats américains et quatre soldats britanniques ont
été tués dans des incidents qui ont eu lieu mardi, mercredi et jeudi. Sept des
soldats américains ont été tués à Bagdad ou dans ses environs. Les autres décès
ont eu lieu dans la province de Diyala, une région au nord de la capitale où
l'on trouve une population mixte sunnite, chiite et kurde. Au cours des seuls
six premiers jours d'avril, il y a eu 18 morts dans les forces américaines.
Le nombre total d'Américains morts en Irak frise les
3 300, mais des unités particulières ont été touchées plus durement que ce
nombre pourrait laisser supposer. Un long reportage publié dans le New York
Times du 2 avril sur les conditions que l'on trouve dans la province de Dilya
décrivait le bataillon interarmes 1-12, une unité de combat américaine de près
de mille personnes dont 21 sont décédées et 93 blessées depuis son arrivée dans
la ville de Baquba en novembre dernier. Ces chiffres signifient que plus d’une
personne sur dix a été soit tuée, soit blessée, sur une période qui ne fait pas
la moitié d'un temps prévu du déploiement du bataillon.
Cette semaine, un hélicoptère s'est écrasé près de la ville
de Latifiya, à vingt-cinq kilomètres au sud du Bagdad, dans un des bastions des
guérilleros de la résistance sunnite à l'occupation. Quatre soldats américains
ont été blessés, mais aucun ne fut tué. Les responsables américains ont nié que
l'hélicoptère a été abattu, déclarant que l'incident avait été causé par une
défaillance mécanique, mais des déclarations semblables se sont révélées
fausses par le passé.
C'était le neuvième hélicoptère américain abattu ou qui
s'écrasait depuis le 20 janvier, une augmentation importante par rapport aux
années précédentes et une indication que les insurgés sont mieux armés ou plus efficaces.
A ce taux, les forces d’occupation pourraient perdre de 40 à 50 hélicoptères
cette année.
Trois postes de sécurité basés dans des quartiers de Bagdad
et où se trouvent des unités irakiennes et américaines ont été attaqués jeudi
dans ce qui pourrait avoir été des actions coordonnées. Une voiture piégée a
explosé au poste de Khadra alors que les postes de Sadr City et de Mansour
étaient pilonnés au mortier.
Les postes de sécurité sont la clé de voûte de la stratégie
« d’intensification » mise en œuvre par le nouveau commandant
américain, le général David Petraeus, dans laquelle les troupes américaines
doivent quitter leurs vastes bases fortifiées et se déployer dans des postes
plus vulnérables dans des quartiers densément peuplés de la capitale.
Un poste de l’armée irakienne situé près d’une prison dans
le village de Zinzala, à 30 kilomètres à l’ouest de Mossoul, a été perdu aux
mains des insurgés et les dix soldats que comptait la garnison auraient été
tués selon les officiels irakiens.
Les quatre soldats britanniques, dont deux étaient des
femmes, ont été tués lors d’un même incident, lorsqu’une bombe a fait exploser
un véhicule blindé britannique. Un interprète a aussi été tué au même moment.
L’explosion est survenue au cours d’un combat entre les troupes britanniques et
une milice chiite dans le district de Hayaniyah, à l’ouest de la ville
irakienne de Basra.
Les deux femmes soldats faisaient partie d’unités médicale
et de renseignement. Il semblerait que la patrouille britannique menait une
opération des services de renseignement à la recherche d’une cache d’armes.
Aucunes armes ne furent trouvées et l’unité fut par la suite embusquée par des
insurgés qui l’ont attaquée avec des armes de poing et des grenades propulsées
par fusées. Alors que les soldats tentaient de retraiter vers Basra, ils sont
tombés sur l’engin explosif improvisé, qui a laissé un large cratère dans la
route, détruisant un véhicule blindé et causant des dommages à un deuxième.
Des images de l’incident montrent des Irakiens célébrant la
destruction du véhicule blindé britannique, alors qu’un homme brandit un casque
de camouflage de l’armée britannique, d’autres sourient et envoient la main, et
un enfant tient dans ses mains une pièce de métal carbonisée provenant des
débris.
Deux autres soldats britanniques ont été tués le 1 et le 2
avril, portant le total des victimes à six pour la semaine, un nombre
particulièrement élevé pour une force qui a perdu 140 soldats en quatre ans de
guerre et d’occupation.
Un officiel du Pentagone dont l’identité n’a pas été
dévoilée par les médias a annoncé vendredi que quatre brigades de la Garde
nationale, chacune constituée environ de 3 550 soldats, allaient être
déployées en Irak de janvier 2008 à 2010.
Les déploiements violeront une politique de longue date
selon laquelle les troupes de la Garde nationale, une composante clé de réserve
de l’armée, doivent demeurer cinq ans au pays pour chaque année de
mobilisation. Cette politique a empêché l’envoi de troupes de la Garde
nationale pour un second déploiement en Irak, alors que beaucoup d’unités de
l’armée régulière en sont à leur troisième et même quatrième déploiement.
Le secrétaire à la Défense, Robert Gates n’a pas encore
officiellement signé l’ordre qui établira précisément quelles unités de la
Garde nationale vont être intégrées dans la rotation régulière de remplacement
des unités de l’armée revenant d’Irak.
Les troupes de la Garde nationale ne feront pas partie du
nouveau déploiement étendu des forces américaines sur Bagdad, l’offensive
« continue » annoncée par Bush en janvier. Ils ne seront probablement
pas déployés avant décembre de cette année. Près des trois quarts de la Garde
nationale — 270 000 sur 350 000 — ont déjà été déployés en
Afghanistan ou en Irak depuis le commencement de ces guerres.
Jeudi, Gates a dit que le Pentagone adhérait toujours à la
politique d’un an de service suivi de cinq ans au pays pour les unités de la
Garde nationale, mais il a ajouté qu’il y aurait une période de transition
durant laquelle ces directives seraient violées en raison des besoins en
troupes en Afghanistan et en Irak.
Plus tôt cette semaine, le Pentagone a annoncé qu’il
coupait court aux assignations de deux unités militaires par des états
américains et qu’il les renvoyait en Irak après moins d’un an au pays. Les
troupes affectées étaient des unités du quartier général de la 4e division
d’infanterie basée à Fort Hood, au Texas et de la 1ère brigade d’équipe de
combat de la 10e division de montagne (10th Mountain Division) de Fort Drum,
New York.
Alors que cette action viole la politique établie de donner
aux unités régulières deux ans au pays pour chaque année passée en Irak, un
officiel du Pentagone reprenait les remarques de Gates concernant la Garde
nationale, disant, « Lorsqu’un pays est en guerre, il n’est pas toujours
possible de suivre les objectifs que nous nous sommes fixés. »
Deux autres unités ont vu leur séjour en Irak prolongé. La
2e brigade d’équipe de combats de la 82e division aéroportée, déployée à Bagdad
dans le cadre de l’intensification, restera en Irak une année complète, au lieu
des 9 mois initialement annoncés. Le quartier général de la 25e division
d’infanterie, dont le retour à Hawaii était prévu en juillet, restera en Irak
jusqu’en septembre.
Vendredi, Gates a fait des commentaires sur l’incertitude
grandissante quant au succès de l’offensive de Bagdad, disant que les commandants
ne pourront pas en évaluer le résultat avant au moins le milieu de l’été. Il ne
soutient plus que les troupes déployées dans le cadre de l’offensive pourraient
revenir d’Irak avant Noël et n’a pas contredit l’affirmation du Lt. Gen. Raymond
T. Odierno, le principal adjoint de Petraeus, selon laquelle les forces armées
américaines allaient devoir maintenir un niveau de troupes plus élevé au moins
jusqu’au début de 2008.