Le 19 décembre, le syndicat des conducteurs de train GDL
(Gewerkschaft Deutscher Lokomotivführer) a rompu ses négociations avec la
direction des chemins de fer (Deutsche Bahn, DB) et deux autres syndicats de
cheminots, Transnet et le GDBA (Gewerkschaft Deutscher Bundesbahnbeamten,
Arbeiter und Anwärter) pour annoncer son intention d’organiser de
nouvelles grèves illimitées à partir du 7 janvier. Cette annonce représente un
durcissement sensible du conflit sur les salaires qui dure déjà depuis neuf
mois.
Au cours de ces trois dernières semaines, le GDL avait mené
des négociations avec la direction de la DB et avait renoncé à entreprendre
toute action de grève. Durant les pourparlers, il était apparu clairement que
la direction de la DB n’était nullement disposée à faire des compromis.
Au lieu de cela, elle a cherché à profiter de la période de négociation pour
isoler les conducteurs de train et briser leur syndicat.
Lors de la conférence de presse à Francfort sur le Main, le
président du GDL, Manfred Schell, a dit que le syndicat avait décidé de rompre
les pourparlers parce que la direction de la DB avait au cours des discussions laissé
tomber sa promesse d’accorder au syndicat sa propre « convention
collective indépendante. »
La direction avait exigé que le GDL accepte de signer un
soi-disant « accord de coopération » avec les deux autres syndicats,
Transnet et le GDBA, avant même d’engager toute négociation sur le
contenu de l’accord prévu pour le GDL. L’acceptation d’une
telle proposition aurait signifié abandonner les revendications clé formulées
par le GDL pour négocier indépendamment les salaires et les heures de travail.
« Nous n’accepterons pas une telle démarche, » a dit Schell.
L’adjoint de Schell, Claus Weselsky, a dit à Spiegel Online :
« Il a été demandé au GDL de voter en faveur de la convention qu’il
avait eue autrefois avec Transnet et le GDBA et qu’il avait déjà rejetée alors
et… au cas où les syndicats auraient des difficultés à s’accorder
sur leurs revendications, la question serait soumise à l’arbitrage et ce
même avant que la moindre revendication n’ait été présentée à la
direction. Pouvez-vous imaginer ça ! Et ceci devait s’appliquer au
présent conflit. »
Weselsky a accusé la direction de la DB de vouloir
« ridiculiser » le GDL. Il a dit, « Pour dire les choses comme
elles sont, nous n’aurions même pas été autorisés à négocier les salaires
des conducteurs de train. » Au lieu de cela, l’accord ne renfermerait
que des détails mineurs, « à savoir si le taux de l’épargne salariale
doit être augmenté ou rester inchangé. Ce dont on parle ici,
c’est 13 euros par mois. »
En ce qui concerne la revendication salariale du GDL, la
revendication avancée initialement par le syndicat avait été de quelque 30 pour
cent, la direction de la DB n’était disposée qu’à offrir 4,5 pour
cent, donc la même offre que celle déjà négociée par Transnet et le GDBA. Une
nouvelle classification des emplois dans la grille des salaires aurait entraîné
une autre augmentation de deux pour cent. « C’était trop peu pour
nous, a dit Weselsky. Nous voulons des augmentations de salaire prévoyant
deux chiffres avant la virgule. »
A ceci s’ajoute le fait que la direction de la DB
refuse de reconnaître les conducteurs de manœuvre comme des conducteurs de
train, privant ainsi le GDL du droit de négocier au nom de ce groupe de
travailleurs.
Le GDL a annoncé la relance des grèves à partir du 7 janvier
dans le transport du fret et de passagers. Schell a déclaré à la conférence de
presse que, contrairement à l’ancienne position adoptée par le syndicat,
cette fois-ci il s’agirait d’une grève illimitée. L’action de
grève se poursuivrait jusqu’à ce que la direction de la DB avance une « offre acceptable » et elle continuerait même durant les
négociations avec la direction. Les grèves ne se termineraient que si
« nous sommes absolument convaincus que nous nous dirigeons dans la bonne
direction, » a précisé le président du GDL.
La direction de la DB a aussitôt réagi. L’entreprise a
annoncé dans un communiqué qu’elle retirait toutes les « offres et
concessions » faites précédemment au GDL. La direction exige à présent du
GDL une « procédure d’arbitrage règlementée. »
Les organes politiques et de presse se sont instantanément
rassemblés derrière la direction de la DB pour démarrer une campagne de
propagande brutale contre les conducteurs de train, les attaques les plus dures
venant de représentants du Parti social-démocrate SPD et de la Fédération des syndicats allemands (DGB).
Le porte-parole économique du groupe parlementaire du SPD,
Rainer Wend, a déclaré au quotidien Saarbrücker Zeitung que si le GDL une
fois de plus annonçait des grèves, « Nous affirmerons clairement notre
opposition. Il ne sera pas question de solidarité. » Wend a reproché au
GDL de « vouloir imposer son intérêt particulier aux dépens de
l’intérêt public. »
Dans le même journal, le président du syndicat allemand de
la police, Konrad Freiberg, a expressément mis en garde le GDL contre l’appel
à de nouvelles grèves. Autrement, il perdrait « toute la sympathie
restante ». D’autres fonctionnaires syndicaux ont qualifié les
nouvelles grèves de « politique tarifaire débile ».
Le président de Transnet, Norbert Hansen. et son collègue du
GDBA, Klaus-Dieter Hommel, ont publié un communiqué commun dans lequel ils
déclarent : « Le tout devient absurde. » Les deux hommes ont dit
qu’ils mettraient tout en œuvre pour s’opposer à la relance
des grèves des conducteurs de train.
Ils ont annoncé leur intention de conclure leur propre
accord avec la direction des chemins de fer pour les conducteurs de train
regroupés dans leurs syndicats. Quelque 5.000 conducteurs de train sont membres
de Transnet et du GDBA, et le but d’une telle initiative est visiblement
d’isoler le GDL et de diviser les conducteurs de train.
Le dernier développement en date souligne l’urgence d’organiser
un mouvement de solidarité et de soutien pour les conducteurs de train. Le fait
est qu’ils servent d’exemple édifiant parce qu’ils ont osé
défier la politique tarifaire de la Fédération des syndicats allemands DGB et de ses syndicats affiliés. Après des années de baisses de salaire, les conducteurs de train
ont choisi de lutter pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de
travail.
Une telle lutte requiert toutefois une rupture avec la
bureaucratie syndicale et le SPD, qui travaillent ouvertement comme briseurs de
grève. Avec sa perspective syndicale totalement limitée, le GDL est incapable
de mener une telle lutte. Sa volonté répétée de conclure des compromis
n’a fait qu’encourager le président de la DB, Hartmut Mehdorn, et
la direction des chemins de fer à générer des attaques et des provocations de
plus en plus dures.
Les conducteurs de train doivent eux-mêmes prendre leur lutte
en mains. Il est nécessaire d’étendre la lutte au-delà du cadre délimité par
la direction du GDL et de commencer une vaste offensive. Des comités
d’action doivent être établis pour développer la coopération avec tous
les autres travailleurs du rail ainsi que ceux d’autres secteurs
industriels. De tels comités d’action doivent développer la solidarité
qui existe déjà au sein de vastes couches de la population en la concrétisant.
Une nouvelle perspective politique est avant tout requise
qui est basée sur la nécessité de transformer sciemment la lutte des
conducteurs de train en une offensive politique directe de l’ensemble de la
classe ouvrière contre le gouvernement de grande coalition et l’élite
financière dont il représente les intérêts. De plus, cette lutte politique doit
être conduite à l’échelle européenne et ne doit pas être limitée à
l’Allemagne. Comme l’a montré la récente grève des cheminots
français, les attaques à l’encontre des travailleurs du rail ont lieu sur
le plan européen, faisant partie de l’offensive du capital européen
coordonnée par l’Union européenne contre les emplois et les niveaux de
vie des travailleurs de par le continent.