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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : La mobilisation étudiante dans une impasse

Par Pierre Mabut
4 décembre 2007

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Nous invitons nos supporteurs à imprimer la version pdf de cet article et à le distribuer dans les manifestations et les institutions scolaires.

Les manifestations d’étudiants qui se sont déroulées dans toute la France le 27 novembre contre la nouvelle loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) reflétaient le déclin de la lutte entamée il y a plusieurs semaines pour l’abrogation de la loi votée à l’Assemblée nationale en août dernier.

Bien que 43 universités sur 86 aient été encore touchées par les blocages et les grèves la semaine dernière, seuls 4000 étudiants et lycéens ont défilé à Paris. Quelques milliers à Toulouse, Lyon, Lille, Nantes, Marseille et Tours, ont aussi manifesté leur détermination à ce que cette loi soit abrogée. Les cours dans quelque 200 lycées sont toujours perturbés et certains lycées bloqués, dont 20 à Paris.

L’affaiblissement de la lutte des étudiants pour défendre l’enseignement supérieur public découle directement de la trahison, par les syndicats et les partis de gauche, de la lutte des cheminots pour défendre leur retraite. Les cheminots se sont retrouvés sans véritable choix que celui de reprendre le travail après que tous les syndicats aient entamé des négociations avec les employeurs pour obtenir des « concessions » en échange de l’allongement de 37,5 à 40 années de cotisation pour avoir droit à une retraite à taux plein.

Les syndicats étudiants, l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) en tête, ont joué le même rôle dès le début en minant l’unité des étudiants et leur détermination à faire abroger la loi LRU. L’UNEF avait déjà abandonné l’opposition à la loi en juillet lorsqu’elle avait reçu des « garanties » du président Nicolas Sarkozy qu’il n’était pas envisagé de mettre en place un processus de sélection pour les étudiants en master.

Depuis le début de l’année universitaire, l’UNEF essaie de garder le contrôle sur les étudiants qui se mobilisent indépendamment en assemblées générales (AG) sur les campus. Tandis que l’UNEF continuait ses pourparlers avec le gouvernement pour obtenir davantage de moyens pour l’enseignement supérieur, les AG d’étudiants élisaient des délégués pour la Coordination nationale étudiante et refusaient toute négociation avec le gouvernement pour amender la loi.

Après des discussions avec la ministre de l’Enseignement supérieur Valérie Pécresse, le président de l’UNEF Bruno Julliard, associé au Parti socialiste, a annoncé le 27 novembre « d’importantes avancées » et a appelé les AG à « en tenir compte. » Il a dit qu’il y avait de « des garanties nouvelles et des garde-fous aux craintes des étudiants mobilisés ». Julliard a l’intention de faire accepter ceci dans les AG cette semaine dans tout le pays. Deux jours plus tard, Julliard appelait à « la levée des blocages et à la suspension de la grève… en raison des avancées obtenues par les étudiants ».

Ce déclin du mouvement est lié aux promesses faites par Sarkozy d’investir dans les universités un milliard d’euros supplémentaire par an pendant cinq ans et de vendre 3 pour cent des avoirs de l’Etat à EDF pour améliorer le logement des étudiants.

La Coordination nationale étudiante se présente comme l’opposant le plus combatif de la loi et a refusé aux représentants de l’UNEF l’entrée dans ses réunions hebdomadaires parce que celle-ci refusait d’appeler à l’abrogation de la loi.

Mais cette tactique, combinée au blocage des universités, a servi à diviser les étudiants et à donner l’initiative à l’UNEF qui se présente comme le défenseur de la démocratie. Les décisions des AG de bloquer les universités à tout prix reflètent dans bien des cas l’opinion d’une minorité d’étudiants. Une majorité a donc été forcée de choisir entre « blocage » ou « non blocage » comme moyen de combattre la loi LRU. Les présidents d’université soutenus par l’UNEF ont saisi cette occasion pour organiser des votes à bulletins « secrets » sur la question. De tels votes à bulletins « secrets » sont néanmoins une imposture, car les votes électroniques révèlent des informations personnelles, d’après la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil.)

Les questions politiques essentielles concernant la manière de mettre en échec le gouvernement et de convaincre et mobiliser contre la LRU les étudiants indécis, n’ont pas été posées. Ce manque de perspective a conduit le dirigeant de la FIDL (Fédération indépendante et démocratique lycéenne) Tristan Rouquier à dénoncer « l’attitude de certains groupuscules d’extrême gauche, qui après avoir saboté le mouvement étudiant, tentaient de se rabattre sur une mobilisation lycéenne indépendante. »

Le refus de la Coordination nationale étudiante à engager une lutte politique contre la capitulation de l’UNEF devant le gouvernement a atteint un point critique le 25 novembre.

La quatrième réunion de la Coordination à Lille qui a rassemblé 300 délégués a interdit l’entrée à quelques représentants de l’UNEF n’ayant pas d’accréditation valable. Quelque 50 membres de l’UNEF ont alors quitté la réunion « en colère et frustrés. » Une porte-parole a déclaré : « Le point de clivage est sur la reconnaissance des syndicats étudiants représentatifs et sur le fait que ces syndicats vont négocier avec le gouvernement pour obtenir de meilleures conditions de vie étudiantes…

UNEF refuse de cautionner cette ambiance très tendue et très violente à la fois vis-à-vis des délégations des étudiants et de la presse. » (Le Monde, 26 novembre)

La résolution de la Coordination qui a été votée à Lille révèle le manque de perspective politique pour faire avancer la lutte contre la loi LRU. Les protestations combatives sans contenu politique de la Coordination sont en grande partie influencées par SUD Etudiant, la LCR (Ligue communiste révolutionnaire) et des groupes d’anarchistes.

SUD-Etudiant fait partie de la même fédération syndicale que SUD-Rail qui a participé à la capitulation face à l’intransigeance gouvernementale sur la question de la « réforme des régimes des retraites », de la principale fédération syndicale, notamment de la Confédération générale du Travail (CGT) et qui est dominée par le Parti communiste.

La résolution de la Coordination nationale étudiante ne fait aucune référence ni aucune analyse de la trahison de la lutte des cheminots.

Mettant la réalité à l’envers, la résolution dit : « Il est possible de gagner, de faire reculer le gouvernement sur nos revendications…Sarkozy a beau à dire qu’il ne reculera pas face à nous, lui et son gouvernement ont été affaiblis par les grèves….Les cheminots en particulier ont montré que lutter contre Sarkozy et sa politique était possible» Une perspective similaire avait été avancée par Olivier Besancenot de la LCR qui lui aussi prend ses rêves pour la réalité. Selon l’AFP, « Je pense que le gouvernement fait de la gonflette et il est "tout à fait envisageable" que le gouvernement fasse machine arrière»

Toutefois, la reculade a été décidée par les dirigeants syndicaux, dont ceux de SUD-Rail, isolant et affaiblissant de ce fait les étudiants.

Avec le soutien de la LCR et des anarchistes, SUD-Etudiant est en train de conduire la Coordination nationale étudiante dans la même direction. La résolution poursuit : « Sans blocages votés dans des AG massives les étudiants ne disposent pas véritablement du droit de se réunir. Face aux tentatives de reprendre les cours par l’intermédiaire des référendums, nous réaffirmons la seule légitimité des AG pour décider des suites du mouvement. » La résolution lance un appel à « un réengagement massif de l’Etat dans le financements de l’enseignement supérieur », ce même Etat qui est en train de détruire tous les acquis sociaux.

Des protestations déterminées, qui ne sont pas liées à une perspective politique socialiste, ont conduit la lutte étudiante dans une impasse. Les grandes questions de perspective et d’histoire doivent être étudiées en profondeur. La Coordination nationale étudiante n’a pas voulu ou n’a pas été capable de lancer une lutte politique déclarée contre le Parti socialiste et le Parti communiste et de démasquer leurs alliés dans les syndicats étudiants, tel l’UNEF. Tel est le rôle du centrisme qui salue la rhétorique radicale, mais qui à chaque tournant critique s’adapte aux bureaucraties. La France a une longue histoire dans ce domaine.

L’argument selon lequel la politique et les tendances politiques devraient être écartées du mouvement étudiant est un argument avancé par la droite qui souhaite que les étudiants restent sous l’emprise de la politique officielle, c'est-à-dire de la politique bourgeoise. Face à la confusion et aux querelles des différentes tendances de gauche, il est possible que des étudiants tout à fait sincères penchent aussi dans ce sens.

En fait, ceci serait un grand pas en arrière. Bien au contraire, la politique et l’histoire des différentes tendances de gauche qui sont à l’oeuvre dans le mouvement étudiant doivent être examinées, étudiées et sérieusement débattues dans la quête d’une perspective et d’un programme qui unissent les jeunes et toutes les sections de la classe ouvrière dans le but de mettre en échec l’ensemble du programme de Sarkozy qui est soutenu par la bourgeoisie française et européenne pour faire de la France un paradis de spéculateurs.

Certains dirigeants qui ne veulent pas que leur propre histoire et perspectives soient examinées de trop près, affirment qu’une telle entreprise porte atteinte à l’unité. Toutefois, une unité fondée sur le manque de principe et le manque de compréhension n’est nullement une unité. Elle conduit, en fin de compte, au fractionnement, à l’isolement et à l’affaiblissement.

Le même argument concernant « l’unité » à tout prix avait été avancé durant la lutte contre le CPE (Contrat Première Embauche) en avait eu pour résultat que le parti gouvernemental conservateur UMP s’était maintenu au pouvoir, ouvrant la voie à Sarkozy. Si le régime gaulliste du président Sarkozy se maintient au pouvoir aujourd’hui, c’est entièrement le fait du soutien des dirigeants syndicaux et de leurs alliés de « gauche » ou de « l’extrême gauche ».

Il y a une vérité fondamentale et que la Coordination nationale étudiante, SUD Etudiant et la LCR ne veulent pas admettre, c’est que l’abrogation de la LRU signifie faire campagne pour le renversement du gouvernement et la défaite de ses appuis dans les syndicats et la gauche officielle. Défier et mettre en échec idéologiquement la bureaucratie de l’UNEF (proche du Parti socialiste) signifie rompre politiquement avec elle pour créer une alternative basée sur une perspective socialiste révolutionnaire.

Le militantisme syndical et la rhétorique ainsi que les actions les plus extrêmes ne peuvent pas remplacer la lutte pour la conscience socialiste au sein de la classe ouvrière. Le rôle des étudiants ne peut pas se restreindre à défendre les droits des étudiants : sans une lutte pour la mobilisation de l’ensemble de la classe ouvrière, ce ne sera qu’une protestation stérile.

La lutte pour un avenir meilleur sans guerre et sans régression sociale signifie engager la lutte pour l’internationalisme socialiste. Nous encourageons fortement les étudiants à adhérer à l’Internationale étudiante pour l’Egalité sociale, l’aile jeunesse du mouvement trotskyste mondial, le Comité international de la Quatrième Internationale, et à participer à la construction de l’alternative socialiste en France et en Europe.

(Article original paru le 3 décembre 2007)


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