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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : intensification aiguë de la répression policière

Par Antoine Lerougetel
22 décembre 2007

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Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République en mai dernier, on assiste à une augmentation tangible de l’activité répressive et de la brutalité policière. C’est de cette façon que son gouvernement gaulliste droitier entend venir à bout de la résistance à son programme de destruction des droits démocratiques et sociaux des travailleurs, des jeunes et des immigrés. Sarkozy espère ainsi créer les conditions pour une augmentation de la profitabilité et de la compétitivité du patronat français dans l’économie mondialisée.

Cette répression s’est particulièrement intensifiée après la trahison de la grève des cheminots le 21 novembre qui a laissé les travailleurs et les jeunes politiquement isolés et a renforcé la confiance du gouvernement dans sa capacité à intensifier ses mesures policières brutales.

La révolte des jeunes à Villiers-le-Bel, en banlieue nord de Paris, avait été provoquée par la mort le 25 novembre de deux adolescents, Larami, 16 ans et Moushin, 15 ans, dans une collision avec une voiture de police. Suite à cela, la rébellion avait été réprimée par une occupation de la ville par 1000 policiers lourdement armés.

Sarkozy avait alors déclaré, « Ce qui s’est passé n’a rien à voir avec une crise sociale » et il avait accusé ces jeunes très remontés, de n’être que des voyous et des trafiquants. Ses paroles faisaient écho à la fameuse phrase de Margaret Thatcher, « la société, cela n’existe pas. »

Le juge Jean de Maillard, vice-président du tribunal de grande instance d’Orléans et enseignant à Sciences Po de Paris est allé jusqu’au bout de l’argument. Dans une déclaration sur l’utilisation d’armes à feu contre la police, le juge a décrit les jeunes comme des tueurs potentiels : « Je suis persuadé que nous avons encore eu de la chance jusqu’à présent, que les voyous et futurs tueurs des banlieues n’aient pas encore osé faire usage de leur puissance de feu. »

Les rapports sur le nombre de policiers blessés par armes à feu ont beaucoup varié, entre l’interview télévisée du président Sarkozy le 29 novembre où il mentionnait 3 blessés et le compte-rendu de l’hebdomadaire Marianne qui, lui, faisait état de 55. Ce qui ressemble à une manipulation des chiffres a occasionné une certaine tendance à utiliser des expressions fortement exagérées telles « guérilla urbaine » pour décrire les heurts entre les jeunes et la police. Cela fournit aussi une justification pour intensifier encore plus les mesures répressives de l’Etat qui sont déjà très importantes.

Le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale de Sarkozy, Brice Hortefeux, a fixé à 25 000 l’objectif à atteindre en matière de déportations d’immigrés sans-papiers en 2007. Ceci, combiné à la politique d’« immigration choisie » contenue dans la toute dernière loi sur l’immigration a conduit à une détérioration aiguë des relations entre les organisations de soutien aux immigrés et la police. Les descentes de police chez des immigrés terrifiés à l’idée d’être déportés ont provoqué des tentatives de suicide, des blessures graves et la mort alors que les victimes cherchaient à s’échapper.

Lors d’une réunion de militants des droits de l’Homme du groupe de soutien aux sans-papiers d’Amiens jeudi dernier, il a été rapporté comment les autorités refusent de tenir compte des appels d’organisations telles RESF (Réseau éducation sans frontière) pour réduire l’impact des descentes de la police dans les quartiers immigrés, police qui doit organiser l’expulsion de plus de 500 sans-papiers par semaine pour atteindre son objectif annuel.

La police continue à faire usage de la violence pour disperser les manifestations de soutien aux 600 000 personnes mal-logées en France et aux 86 000 SDF (sans domicile fixe.) Cela avait fait les gros titres de l’actualité samedi dernier quand l’association Les enfants de Don Quichotte avaient essayé de monter 250 tentes sur les quais de la Seine, tout près du parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ils protestaient contre les promesses non tenues de trouver des logements pour les SDF que le gouvernement avait faites l’année dernière pour mettre fin à une protestation similaire le long du canal Saint Martin.

Cela a été un choc pour les Français de voir à la télévision des images de sans-papiers et de personnes qui les soutiennent, brutalement bousculés lors d’une intervention massive de police à peine avaient-ils commencé à monter les tentes. L’un d’entre eux était même tombé dans les eaux glacées de la Seine. Parmi les manifestants il y avait des militants d’organisations telles le Secours catholique, et des associations laïques comme le Secours populaire et le DAL (Droit au logement.)

Le député UMP du Rhône s’était dit « choqué » et que « Les cris de désespoir, il faut les traiter autrement que par la force.» François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste a dit de Sarkozy : « Plutôt que de respecter sa promesse, il envoie les forces de police punir, chasser, expulser, comme si on pouvait mettre la misère au bord de la Cité. »

Denis Baupin, conseiller municipal Vert de la ville de Paris, et adjoint de Bertrand Delanoë, maire socialiste de Paris, avait déclaré, « Je dénonce la violence incroyable qui a été déployée par les forces de police pour déloger ce début de campement. [ ...] La réponse à apporter au scandale du mal logement n'est ni la matraque, ni jeter des individus dans la Seine, mais d'apporter des réponses immédiates, concrètes, à tous ces gens en situation d'urgence. »

L’hypocrisie de ces déclarations, notamment dans la bouche de représentants de la « gauche » à Paris, n’est pas passée inaperçue auprès de nombreux SDF. Les municipalités ont légalement le droit de réquisitionner les appartements vacants, qui existent par milliers à Paris et qui sont pour beaucoup la propriété de spéculateurs dans une période où les prix de l’immobilier flambent dans la capitale. Mais ces hommes politiques craignent la réaction de la bourgeoisie si elle voyait son droit à la propriété empiété. Tous ces partis ont présidé, quand ils étaient aux commandes que ce soit au niveau local ou national, à des décennies de détérioration de la situation du logement et d’augmentation du chiffre des SDF dans la région parisienne et dans toute la France.

La lutte des étudiants, qui a commencé il y a sept semaines et se poursuit toujours, contre la loi d’autonomie des universités, LRU, qui ouvre l’enseignement supérieur aux entreprises privées et à la réduction massive de l’accès à l’université, n’a cessé de faire l’objet d’interventions brutales de la police pour briser les piquets, les sit-in et les manifestations. Des dirigeants d’université ont innové en recourant à des vigiles privés, qui font penser à des milices de droite, pour intimider à la fois les étudiants et les professeurs d’université.

Un compte-rendu d’Alice Verstraeten, professeur d’anthropologie à l’université Lyon 2, sur la situation dans son université circule largement sur des sites Internet d’étudiants et de syndicats. Cela donne une idée des évolutions qui se produisent dans les universités dans toute la France. Elle a affiché ses remarques suite au manque de couverture médiatique par les grands médias de ces méthodes dignes d’un Etat policier

Elle décrit la scène : « Depuis quelques jours, le président de l'Université a fait appel aux "forces de l'ordre": des vigiles privés, très jeunes, non assermentés, arrogants et dépassés par les événements, patrouillent dans la fac avec au bras un brassard orange marqué "sécurité". Ils apostrophent tout le monde, tutoient tout le monde,  et nous demandent de justifier de notre présence dans l'Université  en montrant notre carte "cumul"…

Elle poursuit : « Il semble bon de rappeler qu'une Université est, selon la loi, un "établissement public à vocation scientifique et culturelle"... Les étudiants qui manifestaient scandaient à l'encontre des vigiles,  hier matin: "Voyous, racailles". Car certains d'entre eux s'amusent à retenir les étudiantes pour les draguer,  d'autres en sont venus aux mains avec des étudiants de leur âge… »

Neuf cars de CRS soutenus par des unités de la gendarmerie mobile étaient postés chaque matin à 7h30 dans deux des campus.

 « J'étais là, hier matin », écrit Madame Vertraete. « Deux de mes étudiantes m'avaient dit avoir été "molestées" par les CRS la veille et voulaient que j'en sois témoin. Eh bien oui,  ils les plaquent au sol, les jettent plus loin, les matraquent dans le ventre et sur la tête. »

Elle décrit un autre incident : « Sur les quais, hier, deux leaders syndicaux étudiants (un de Lyon 2, l'autre de Lyon 3) ont été désignés du doigt par des policiers en civil avant d'être poursuivis dans une rue adjacente par les CRS. Ce qui signifie, nous sommes d'accord,  qu'un
travail préalable "d'information" a été effectué et que ces arrestations sont ciblées pour détruire les mouvements syndicaux. »

Les deux hommes ont été placés en garde à vue et déférés à la justice le jour suivant. Dans un communiqué mensonger, le bureau du président de l’université a prétendu qu’ils étaient "extérieurs à l'Université" et que ces arrestations sont survenues après des troubles. » L’enseignante a affirmé, « Il n'y a pas eu de troubles autres que la manifestation pacifique,  nous sommes plusieurs enseignants à en être témoins. »

Alice Verstraeten interroge: « S'ils ont effectivement été convoqués par le président de l'Université dans le seul but de permettre aux étudiants qui veulent suivre les cours d'entrer dans la fac,  pourquoi filment-ils? »

Elle dit que face à cette situation, « plusieurs enseignants, dont je suis, ont refusé de faire cours. Je refuse d'entrer dans une fac investie de forces de police, de gendarmerie et de vigiles privés non assermentés. Je refuse de montrer des papiers d'identité pour me rendre sur mon lieu de travail. Je refuse de me faire bousculer par des CRS. Je refuse de me faire tutoyer avec mépris par des individus que je ne connais pas. Je refuse d'entendre un vigile insulter un de mes collègues… »

Elle fait remarquer que ceux qui continuent à enseigner et à assister aux cours le font en prenant des risques considérables au cas où se déclarerait un incendie dans les locaux vétustes, puisque toutes les issues de secours ont été scellées par les forces de sécurité.

Elle exprime la colère ressentie à travers le pays par les étudiants et les enseignants : « Nous ne sommes pas, que je sache, dans un État policier. Ou alors, il faut nous le dire clairement, parce que cela signifie que les règles du jeu ont changé. Je croyais que l'on avait le droit de grève dans notre pays. Je crois que ce qui m'inquiète le plus, c'est de recevoir des communiqués de la Présidence affirmant que la situation est désormais "normale". Si cette situation est normale, je démissionne. »

(Article original anglais paru le 20 décembre 2007)


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