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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

Les tambours de guerre se font plus insistants après que l’Iran ait refusé de se plier à la date butoir fixée par l’ONU

Par Peter Symonds
28 février 2007

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L’administration Bush augmente la pression sur l’Iran après que ce dernier ait refusé de respecter la date butoir fixée par l’ONU de suspendre son programme d’enrichissement de l’uranium et d’autres programmes nucléaires. Tout en oeuvrant publiquement pour une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui comprendrait des sanctions économiques et diplomatiques plus strictes à l’encontre de Téhéran, les Etats-Unis poursuivent résolument leurs préparatifs pour attaquer militairement l’Iran.

Après des mois d’intimidations de la part des Etats-Unis, le Conseil de sécurité de l’ONU a finalement voté une première résolution en décembre dernier qui imposait des sanctions et donnait deux mois à l’Iran pour mettre fin à ses activités nucléaires. Téhéran, toutefois, insiste sur son droit, en vertu du Traité de non-prolifération nucléaire, de mettre en œuvre tous les aspects du cycle nucléaire, y compris la production d’uranium enrichi pour ses centrales nucléaires. Il rejette les allégations américaines selon lesquelles il entreprendrait un programme nucléaire secret.

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a publié un rapport officiel jeudi dernier — un jour après la date butoir — confirmant que l’Iran continuait à agrandir son usine d’enrichissement de l’uranium à Natanz et qu’il construisant un réacteur à eau lourde expérimental à Arak. Le rapport n’a pas encore été rendu public, mais les médias américains et internationaux ont souligné les projets iraniens visant à achever d’ici le mois de mai l’installation de 3000 centrifugeuses dans son usine de Natanz. Au même moment, l’AIEA n’a encore trouvé aucune preuve que l’Iran cherche à construire une bombe nucléaire.

Washington a saisi l’occasion que lui offrait le rapport de l’AIEA pour entreprendre une nouvelle offensive diplomatique contre l’Iran. Le sous-secrétaire d’Etat américain, Nicolas Burns, doit rencontrer ce lundi à Londres des hauts fonctionnaires des autres pays membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (la Grande-Bretagne, la France, la Chine et la Russie) ainsi que l’Allemagne pour rédiger une nouvelle résolution de l’ONU. La semaine dernière Burns avait accusé l’Iran de « narguer » la communauté internationale.

La soi-disant communauté internationale est loin d’être unie toutefois. C’est à reculons que la Russie et la Chine avaient accepté la résolution de décembre dernier. L’ambassadeur russe aux Nations unies, Vitaly Churkin, avait appelé à une solution diplomatique à cette crise, déclarant que le but des discussions n’était pas une nouvelle résolution et de nouvelles sanctions, mais « un résultat politique ». Toutefois, en refusant de défier ouvertement la position belliciste américaine, la Russie, la Chine et les puissances européennes ont fourni aux actions américaines un mince vernis de légitimité onusienne.

L’administration Bush n’a pas le moindre intérêt à un accord politique. Les responsables américains ont clairement fait comprendre que les Etats-Unis avaient l’intention de durcir les sanctions contre l’Iran, avec ou sans l’accord de l’ONU. Selon le Scotsman, Burns va faire pression pour élargir les sanctions commerciales et économiques pour qu’elles s’appliquent à davantage d’entreprises iraniennes et pour augmenter le nombre des responsables iraniens interdits de voyage. Les Etats-Unis veulent aussi interdire la pratique des gouvernements européens consistant à accorder des prêts à l’Iran lui permettant ainsi de financer ses transactions.

Un article du Wall Street Journal de la semaine dernière a révélé que la Maison-Blanche voulait plus particulièrement viser les Gardiens de la révolution qui, selon les Etats-Unis, seraient non seulement impliqués dans les programmes d’armement nucléaire, mais fourniraient aussi des armes aux insurgés antiaméricains en Irak. Washington n’a fourni aucune preuve substantielle pour étayer ses dires. Mais les Etats-Unis ont choisi les Gardiens de la révolution, organisation avec laquelle le président iranien Mahmoud Ahmadinejad est étroitement lié, comme moyen de fomenter des divisions politiques internes à Téhéran. Le représentant du Trésor américain, Matthew Levitt a carrément dit au Wall Street Journal qu’en prenant les Gardiens de la révolution pour cible, on «nourrissait dans le pays les critiques envers le système de copinage du régime ».

Du point de vue des Etats-Unis, les programmes nucléaires iraniens ne sont qu’un prétexte commode pour continuer leur politique de « changement de régime » à Téhéran. Tout comme ils l’avaient fait avant l’invasion illégale de l’Irak en 2003, l’administration Bush est en train de fabriquer des preuves que l’Iran possèderait des armes de destruction massive. Des sources du bureau central de l’AIEA à Vienne ont déclaré au Guardian, journal londonien, la semaine dernière que « la plupart des pistes de la CIA et d’autres agences du renseignement américain sur de soi-disant sites secrets d’armements ont mené à des impasses, après enquête par les inspecteurs de l’AIEA. »

Un diplomate ayant une bonne connaissance des inspections de l’AIEA a expliqué : « La plupart des pistes se sont révélées être fausses. Ils nous ont donné une liste de sites. [Les inspecteurs] ont fait le suivi, ils se sont rendus à certains sites militaires, mais il n’y avait aucun signe d’activités [nucléaires interdites]. Aujourd’hui, [les inspecteurs] n’y vont plus à l’aveuglette, mais seulement si l’information réussit un test de crédibilité. »

L’article du Guardian soulève aussi la possibilité que certaines « preuves » aient été fabriquées. Les services de renseignement américains ont donné à l’AIEA des copies de documents qui auraient été trouvés par la CIA sur un ordinateur portable volé, fourni par un informateur en Iran. Téhéran a aussitôt déclaré que ce matériel, qui contenait les plans d’une tête nucléaire, était faux. Certains membres de l’AIEA partageaient aussi ces doutes.

Un officiel a déclaré au Guardian : « Tout d’abord, s’il existe un programme clandestin, on ne le met pas sur un portable qui peut facilement être déplacé. Les données sont toutes en anglais, ce qui peut être compréhensible pour certaines questions techniques, mais à un moment ou un autre on s’attendrait à ce qu’il y ait au moins quelques notes en farsi. Il y a donc des doutes sur la provenance de l’ordinateur. »

Un nouveau prétexte pour une attaque militaire

L’absence de preuves concluantes n’a pas empêché les Etats-Unis de porter des accusations. De hauts représentants américains maintiennent toujours qu’il est indubitable que l’Iran possède des plans pour construire une bombe. Les Etats-Unis rejettent les démentis iraniens en insinuant que les travaux se poursuivent en d’autres lieux secrets. Tout comme les allégations de possession d’armes de destruction massive contre le régime irakien de Saddam Hussein, Téhéran ne pourra jamais prouver ce qui est essentiellement improuvable : qu’il ne possède pas de laboratoires secrets dans le pays.

Plus que jamais, on trouve dans les médias américains et internationaux des déclarations exagérées sur le délai requis par l’usine de Natanz pour produire suffisamment d’uranium hautement enrichi pour la fabrication d’un engin nucléaire. Toutes ces allégations ignorent comme par hasard le fait que l’Iran est toujours signataire du Traité de non-prolifération nucléaire et que ses installations nucléaires demeurent sous inspection de l’AIEA. Cette dernière surveille spécialement l’usine de Natanz afin de s’assurer qu’elle ne produise que de l’uranium faiblement enrichi pour le carburant nucléaire et non de l’uranium hautement enrichi pour la fabrication de bombes.

Étant donné la faiblesse des arguments cherchant à accuser l’Iran de posséder des armes nucléaires, l’administration Bush tente maintenant de changer d’argumentation. Par un tour de passe-passe rhétorique, les officiels américains parlent de plus en plus maintenant de la nécessité d’empêcher l’Iran non pas d’avoir des bombes nucléaires mais « d’avoir la capacité » de construire des bombes nucléaires. Vendredi, un haut représentant américain a déclaré au New York Times : « Personne n’a défini la limite que les Iraniens ne peuvent franchir. » Mais, a-t-il affirmé, le président Bush est déterminé à « ne pas leur permettre d’être à un tour de vis d’obtenir la bombe nucléaire. »

Le nouveau critère très large pourrait aller d’une capacité d’enrichissement industriel de 3000 centrifugeuses à, comme l’a mentionné le vice-président américain Dick Cheney à Sydney la semaine dernière, la « maîtrise de la technologie », ce que l’Iran a réussi l’an dernier de façon très rudimentaire. Comme l’a expliqué le directeur de l’AIEA, Mohamad ElBaradei, au Financial Times la semaine dernière : « La différence entre acquérir les connaissances pour fabriquer une bombe et posséder une bombe est d’au moins cinq à dix ans. Et c’est pour cela que j’ai dit que les service de renseignement, britannique et américain, affirment que l’Iran est encore à des années, entre cinq et dix ans, d’être en mesure de fabriquer des armes nucléaires.»

La secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice a répliqué à une déclaration du président Ahmadinejad selon laquelle le programme d’enrichissement iranien était comme un train « sans marche arrière », en déclarant le week-end dernier : « Ils n’ont pas besoin d’une marche arrière, ils n’ont qu’à s’arrêter et nous pourrons ainsi aller à la table de négociation pour discuter de la méthode à adopter pour aller de l’avant. » Mais l’offre de pourparlers de Rice est complètement vide de sens. Il ne suffit plus que l’Iran ne possède pas de programmes d’armes nucléaires, à présent il faut que l’Iran ne maîtrise pas cette technologie. Et s’il venait à passer le nouveau test, il existe une longue liste d’autres allégations américaines — un Etat hébergeant le terrorisme, un fournisseur d’armes aux insurgés anti-américains en Irak, etc. — qui pourrait être utilisées comme prétexte à un affrontement militaire.

Toute cette situation ressemble fortement à la période qui a précédé l’invasion américaine de l’Irak. La « diplomatie » de l’administration Bush sert à menacer ses rivaux européens et asiatiques afin qu’ils se rangent derrière elle dans sa fabrication d’un prétexte et sa poursuite des préparatifs militaires pour la guerre. Le but de la stratégie militaire américaine contre l’Iran n’est pas de mettre un terme à une menace nucléaire inexistante ou au soutien iranien de la milice chiite irakienne, mais de concrétiser les plans de l’administration Bush qui visent à assurer la domination des Etats-Unis sur les régions stratégiques riches en pétrole du Moyen-Orient et de l’Asie centrale.

Un nombre grandissant d’articles de journaux indique l’état avancé des préparatifs de guerre américains contre l’Iran.

Dans un article de la revue le New Yorker, le journaliste américain chevronné, Seymour Hersh écrit: « Le Pentagone continue la planification intensive d’une possible attaque contre l’Iran, un processus qui a débuté l’an dernier, suivant les directives du président. Ces derniers mois, m’a confié un ancien officier supérieur des services de renseignement, un groupe spécial de planification a été créé dans les bureaux du chef du personnel, chargé de mettre sur pied un plan de bombardement d’urgence concernant l’Iran pouvant être exécuté, sur les ordres du président, dans les 24 heures.

« Ces derniers mois, m’ont dit un conseiller en objectifs des forces armées de l’air et le consultant du Pentagone sur les questions de terrorisme, le groupe de planification pour l’Iran a eu pour nouvelle mission d’identifier des cibles en Iran qui seraient peut être impliquées dans la fourniture ou le soutien de militants en Irak.  Précédemment, l’accent avait été mis sur la destruction des usines nucléaires et d’un possible changement de régime. » Le changement des missions a beaucoup à voir avec le changement des prétextes pour la guerre. Indifférent à l’excuse utilisée, un article de la BBC révélait la semaine dernière que l’armée américaine est en train de planifier une guerre éclair contre les forces militaires et l’infrastructure de l’Iran.

Le New Yorker indique également un possible calendrier. L’administration Bush a déjà ancré deux groupes de porte-avions dans le golfe Persique pour la première fois depuis l’invasion de l’Irak en 2003.  « Il est prévu qu’ils seront relevés au début du printemps, mais certains  militaires craignent de recevoir l’ordre de rester dans la région après l’arrivée de nouveaux porte-avions, selon plusieurs sources » explique l’article. « L’ancien haut représentant du renseignement a dit que le plan d’urgence actuel permet une attaque pour ce printemps.  Il a cependant ajouté que les officiers supérieurs de l’Etat major comptaient sur la Maison-Blanche pour ne pas être ‘assez stupide pour faire cela eu égard les problèmes en Irak, et les problèmes que cela causerait aux républicains en 2008.’ »

Un autre article du Sunday Telegraph du week-end dernier révélait qu’Israël négocie avec les États-Unis la permission de survoler l’Irak en vue de la préparation de son plan de frappes aériennes contre les installations nucléaires iraniennes. « Nous nous préparons à toutes les éventualités, et la résolution de telles questions est d’une importance cruciale » a dit un officier supérieur de la Défense israélienne au journal britannique. « L’unique moyen est de survoler la zone aérienne sous contrôle américain. Si nous ne clarifions pas immédiatement ces questions, nous pourrions nous retrouver dans une situation où les avions américains et israéliens se tirent dessus. »

Le journal israélien Haaretz prétend que les forces aériennes israéliennes avaient déjà obtenu la permission de trois Etats du golfe — le Qatar, Oman et les Émirats arabes unis — de survoler leur espace aérien dans l’éventualité d’une attaque contre l’Iran. L’article cité dans le journal Koweitien Al-Siyasa du week-end, indiquait que les dirigeants de l’OTAN avaient approché la Turquie sur la même question. Selon un diplomate britannique, la Turquie ne ferait pas la même « erreur » qu’en 2003, quand elle avait refusé d’ouvrir son espace aérien aux avions américains en route pour bombarder l’Irak.

Les Etats-Unis et Israël ont bien sûr démenti tous ces rapports, mais leurs démentis deviennent de plus en plus malhonnêtes. Au cours des trois dernières années, Bush et ses hauts représentants n’ont cessé de déclarer que « toutes les options étaient sur la table » — y compris l’option des frappes militaires – face au programme nucléaire iranien. Cependant, quand le vice-président Cheney a réitéré cette menace, le week-end dernier lors de sa visite en Australie, cette menace ne semblait plus être une lointaine possibilité.

(Article original paru le 26 février 2007)


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