Le président George W. Bush est descendu
avec les secrétaires de son administration ce mercredi à la roseraie de la Maison-Blanche
pour appeler à la collaboration bipartisane entre l’administration et le nouveau
Congrès sous contrôle démocrate. Il a appelé les démocrates à se joindre à lui
pour mettre en œuvre son programme qui comprend l’intensification de la guerre
américaine en Irak, l’augmentation de la répression politique et la
continuation des politiques sociales et fiscales visant à transférer la
richesse des larges masses des travailleurs vers l’oligarchie financière
américaine.
Les brèves remarques ont été faites à la
veille de la première séance de 110e Congrès, qui a eu lieu jeudi, et exprimait
la détermination de la Maison-Blanche à continuer ses politiques
réactionnaires, tant à l’étranger qu’à l’intérieur, malgré sa défaite écrasante
lors des élections de mi-mandat de novembre dernier — et la confiance dans sa
capacité à les réaliser.
« Le Congrès a changé ; nos
obligations envers le pays n’ont pas changé », a dit Bush.
Son discours soulève la question qui a
dominé les élections de novembre et qui continue à dominer tous les aspects de
la vie politique américaine — la débâcle confrontant les Etats-Unis en Irak.
Bush n’a parlé qu’un peu plus de cinq
minutes avant de se retourner et de revenir à la Maison-Blanche sans répondre à
aucune question de la presse. Il n’a commenté la guerre en Irak qu’indirectement
lorsqu’il a discuté de son plan pour soumettre une proposition de budget de
cinq ans le mois prochain. Il a déclaré que son document s’adresserait « au
besoin de nous protéger des radicaux et des terroristes, au besoin de gagner la
guerre contre le terrorisme, au besoin de maintenir une défense nationale forte
et au besoin de conserver la croissance de cette économie en rendant les
diminutions d’impôts permanentes ».
En plus de demander que ses diminutions d’impôts
pour les riches deviennent permanentes, Bush a appelé pour de « la retenue
dans les dépenses » et pour la « réforme » de programmes sociaux
comme la sécurité sociale, Medicaid et Medicare, laissant entendre qu’ils
étaient sur le bord « d’amener notre pays à la faillite ».
Ses brèves remarques reprenaient
essentiellement ce qu’il avait écrit dans un billet publié le même mercredi
dans le Wall Street Journal, intitulé « Ce que peut faire le
Congrès pour l’Amérique ».
Comme exemple de la capacité des démocrates
et des républicains à travailler ensemble, ce texte citait l’adoption du répressif
Patriot Act et de la loi mal nommée No Children Left Behind (Pas
d’enfants laissés derrière). Il traitait plus explicitement de la guerre en
Irak — que Bush aurait aussi pu citer comme exemple de collaboration
bipartisane.
Bush a écrit : « Si la démocratie échoue et que les
extrémistes l’emportent en Irak, les ennemis des Etats-Unis seront plus forts,
plus meurtriers, et encouragés par notre défaite. Les chefs des deux partis
comprennent les enjeux de cette lutte. Nous avons maintenant l’occasion de
bâtir un consensus bipartisan pour faire la guerre et la gagner. »
Ce que Bush a en tête devrait être révélé au peuple
américain lors d’un discours prévu pour la semaine prochaine. Toutefois, de
nombreux articles basés sur des entrevues obtenues avec des représentants de
l’administration ne laissent aucun doute que face à l’opposition populaire
massive à la guerre, la Maison-Blanche compte intensifier la violence.
Le New York Times rapportait mardi que Bush
« semble pratiquement sûr de non seulement renverser la stratégie »
consistant à réduire la présence militaire américaine en Irak, mais aussi
d’accélérer le processus de remplacement du plus haut commandant militaire au
pays, le général George Casey, qui a contesté cette stratégie.
Selon des représentants de l’administration interviewés par
le Times, Bush était « inquiet du fait que le général Casey, ainsi
que d’autres, se préoccupaient plus du retrait des troupes que de gagner la
guerre ».
« Peu importe la forme que prendra la nouvelle
stratégie, il semble presque certain que cela impliquera un ‘déferlement’ de
troupes, ce que le général Casey avait soutenu plus tôt cette année ne pas
avoir besoin et qui, selon lui, pourrait même être contreproductif », a
rapporté le Times.
De la même façon, le Wall Street Journal a rapporté
mardi : « Pour l’administration Bush, la décision de déployer des
dizaines de milliers de soldats supplémentaires en Irak pourrait être moins
difficile à prendre que celle concernant le moment de leur retour.
« Des représentants de la Maison-Blanche affirment
qu’un "déferlement" de troupes constituera certainement la pièce
maîtresse de la nouvelle stratégie de M. Bush qui devrait être dévoilée au
milieu du mois. Mais bien que les représentants de l’administration aient
insisté énormément sur le fait que les troupes supplémentaires ne demeureraient
en Irak que temporairement, aucune durée précise n’a été spécifiée. »
L’article du Journal indique que les plans d’une
intensification impliqueraient de laisser en Irak les troupes nouvellement
déployées de 12 à 18 mois, ou même indéfiniment. « M. Bush a joué sa
présidence sur l’Irak et plusieurs conseillers de la Maison-Blanche disent
qu’ils croient qu’il serait tenté de laisser les troupes supplémentaires là
jusqu’à ce qu’il y ait une amélioration évidente », rapporte le journal.
« Par opposition, de hauts commandants ont exprimé l’inquiétude que
laisser les nouvelles troupes trop longtemps en Irak pourrait être dommageable de
façon irréversible pour les forces armées américaines. »
BBC News a rapporté que le « thème central » du
prochain discours de Bush sur la guerre serait le « sacrifice ». Le
réseau d’information britannique a ainsi ajouté : « On a affirmé à la
BBC qu’il serait question dans le discours d’une augmentation du nombre de
soldats. »
Moins de deux mois après une élection lors de laquelle le
peuple américain est allé voté pour exprimer son opposition à la guerre en Irak
et sa demande de retrait des troupes américaines, les plans sont déjà bien
avancés pour une intensification majeure du massacre qui a déjà coûté la vie à
des centaines de milliers d’Irakiens et à plus de 3000 soldats américains.
La farce des démocrates va prendre la forme d’une mascarade législative de
« 100 heures » visant à gagner des points dans une bataille de
propagande en prévision de l’adresse présidentielle sur l’état de l’Union. Le
menu législatif inclut quelques réformes bidon, dont peu vont passer l’étape du
Sénat telles quelles ou sans altération significative, ou encore survivre au
veto présidentiel.
Parmi celles-ci, une proposition d’élever le salaire minimum à 7.25 $
en deux ans – une mesure qui ne compense même pas l’érosion des salaires réels
causée par l’inflation depuis dix ans, date de l’augmentation précédente, et
qui devrait être accompagnée d’une autre diminution d’impôt pour les
entreprises. Il est également envisagé de réduire le taux d’intérêt sur les
prêts étudiants, d’augmenter le financement pour la recherche sur les cellules
souches, de réduire légèrement les subventions accordées aux grandes compagnies
pétrolières et de procéder à autre ronde de réformes cosmétiques sur les règles
éthiques au Congrès.
L’agenda démocrate inclut l’adoption de toutes les mesures de
« sécurité nationale » proposées par la Commission sur le
11-Septembre, incluant une série de mesures qui auront pour effet de menacer
encore plus les libertés civiles et augmenteront les pouvoirs de la police et
de l’Etat. La pièce maîtresse de sa politique économique consiste en un
retour à la formule « payer et emporter » qui prévalait sous
l’administration Clinton – une formule pour l’austérité fiscale et plus de coupes
dans les dépenses sociales. Au même moment, les démocrates ont juré de ne pas
faire le moindre effort pour annuler les diminutions d’impôts massives
accordées aux riches sous Bush.
Les « 100 heures » de la nouvelle représentante de la Chambre
Nancy Pelosi font allusion au fameux « 100
jours » qui ont inauguré le premier mandat de Franklin
D. Roosevelt. Mais toute comparaison entre les deux ne fait que souligner
le virage continu vers la droite du Parti démocrate au
cours des sept dernières décennies et la faillite de ses prétentions
réformistes actuelles.
Entre-temps, la direction démocrate se prépare à voter le mois prochain pour
accorder un autre 100 milliards $ de fond « d’urgence » pour
poursuivre la guerre en Irak, même si Bush entreprend la mise en œuvre de son
plan d’escalade du bain de sang. Aucune initiative législative n’est
prévue pour les 100 premières heures ou pour les 100 premières semaines, pour
ramener les troupes ou pour annuler les lois réactionnaires que les démocrates
ont aidées à faire adopter telles que le Patriot Act
ou la loi sur les commissions militaires.
Bush a clairement laissé entendre qu’il ne se sentait pas du tout oblige de
modifier sa politique en Irak ou sa politique nationale malgré le rejet massif
de ces politiques aux urnes. Et les démocrates n’ont pas l’intention de mener
une lutte sur la base du mandat populaire anti-guerre qui leur a été donné et
qui leur a donné le contrôle du Capitole.
Ce qui est certain, c’est que la boucherie en Irak va s’intensifier dans les
semaines et les mois à venir. Le corollaire inévitable à une telle
escalade est une intensification de la répression politique nationale contre l’opposition
de masse que cela va provoquer.
L’ouverture du 110e Congrès et l’ascension des démocrates à la Chambre et au
Sénat ne font que souligner la réalité fondamentale qu’il est impossible de
mener avec succès une lutte contre la guerre et en défense des droits
démocratiques dans le cadre des institutions politiques existantes et du
monopole exercé par les grandes entreprises corporatives et les intérêts
financiers par l’entremise du système des deux partis.
(Article original anglais publié le 4
janvier 2007)