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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La chancelière allemande assure Bush de son « large soutien »

Par Ulrich Rippert
27 janvier 2007

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Le dimanche 21 janvier, le magazine d’actualité Der Spiegel publiait une entrevue avec la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice. Après avoir visité plusieurs pays au Moyen-Orient, Rice a continué sa tournée avec une visite de l’Europe dont le premier arrêt était Berlin. Elle y a rencontré le ministre allemand des Affaires étrangères et la chancelière, Angela Merkel (CDU, Union démocrate chrétienne).

Lorsqu’on lui demanda si elle avait perçu du scepticisme ou de la critique dans ses discussions à Berlin, Rice a répondu : « Je trouve le gouvernement allemand favorable à ce que nous essayons de faire. » Rice a continué en affirmant qu’elle était « impressionnée et contente » que Berlin accueille « le renouvellement de l’engagement des Etats-Unis en Irak ». Elle a continué, « J’ai trouvé un large soutien pour ce que le président se prépare à entreprendre. »

Le gouvernement allemand n’a émis aucune déclaration officielle suite à l’annonce par le président américain il y a deux semaines de plans pour augmenter le nombre des soldats américains en Irak et pour élargir la guerre. L’entrevue avec Condoleezza Rice rend clair que le gouvernement allemand soutien les agressions militaires de l’administration Bush.

En adoptant cette position, il renforce George W. Bush alors que ce dernier est de plus en plus isolé internationalement et dans son propre pays. Lors des élections de mi-mandat de novembre dernier, le Parti républicain de Bush a perdu le contrôle des deux chambres du Congrès qui sont passées aux mains des démocrates et depuis ce temps, tous les sondages ont montré que la grande majorité de la population américaine rejette la guerre en Irak.

Les démocrates ne désirent certainement pas désarmer Bush et mettre fin à une guerre qu’ils appuient depuis le début. Mais ils ont pris une position plus critique envers Rice que ce qu’elle a entendu à Berlin. Lorsqu’elle a dû témoigner devant un comité du Congrès américain, la secrétaire d’Etat a été interrogée durement sur la guerre en Irak.

La chancelière Merkel a elle aussi eu l’occasion de critiquer la décision de Bush sur l’intensification de la guerre en Irak. Le jour avant sa rencontre avec Rice, l’ancien ambassadeur américain en Allemagne, Richard Holbrooke, dans le Berliner Zeitug, avait appelé la chancelière à présenter à la secrétaire d’Etat la critique européenne de la politique américaine en Irak. La chancelière a plutôt fait le contraire et donné son soutien à Bush.

Le gouvernement allemand s’est ainsi fait le complice d’une guerre qui dès son origine était une violation du droit international et qui, depuis, est devenue un des plus grands crimes de guerre de l’histoire.

En cherchant à attiser les conflits ethniques et religieux, l’occupation américaine de l’Irak a transformé ce pays en un enfer. Plus de cent personnes sont tuées tous les jours. Selon une étude de la renommée Université John Hopkins, 655 000 Irakiens ont été tués depuis le début de la guerre. A ce nombre, il faut ajouter les 3000 soldats américains tués et les dizaines de milliers de blessés ou profondément marqués psychologiquement par la guerre. Le fait que le gouvernement Merkel est maintenant prêt à s’aligner derrière les fauteurs de guerre à Washington, alors que le désastre militaire et la souffrance inconcevable de la population irakienne sont si clairs, en dit long sur le caractère de ce gouvernement.

L’appui de Merkel pour Bush ne date pas d’hier. Au début de la guerre, alors que des milliers de personnes manifestaient et que le chancelier allemand de l’époque, Gerhard Schröder (du Parti social-démocrate, SPD), a exprimé son opposition, Merkel a démontré son appui pour la guerre. Dans un article du Washington Post intitulé « Schröder ne parle pas pour tous les Allemands », elle a attaqué le gouvernement du SPD et des verts pour avoir refusé d’envoyer des troupes allemandes à la guerre en Irak.

Pourquoi, malgré tout, continue-t-elle d’appuyer cette guerre, même si ses conséquences militaires et politiques désastreuses sont maintenant si évidentes, et alors qu’un grand nombre d’anciens supporters critiquent maintenant la guerre ? Plusieurs raisons peuvent l’expliquer et certaines sont liées à la propre biographie politique de Merkel.

Bush a parlé de « démocratie et liberté » en Irak, tout en mettant au pouvoir un régime fantoche qui a terrorisé la population et qui a fait respecter impitoyablement les intérêts de la puissance occupante au nom d’une minorité privilégiée. Voilà une forme de politique avec laquelle Merkel est très familière.

Elle a commencé à jouer un rôle en politique à une époque où l’on parlait énormément de « démocratie et liberté » dans l’ancienne Allemagne de l’Est (GDR). Cependant, les événements entourant la réunification de l’Allemagne en 1989-90 ont démontré que de telles paroles n’avaient rien à voir avec la réalité. Au lieu d’une véritable démocratie et liberté, un ordre social qui faisait respecter les intérêts de profits d’une petite minorité a été instauré par la force dans l’ancienne GDR. L’ampleur de la dévastation sociale créée durant les quinze années suivantes est sans égal en temps de paix.

Merkel n’a jamais été intéressée par la démocratie au sens d’un système politique répondant aux souhaits et aux désirs de la majorité de la population. Tant que la dictature stalinienne demeurait essentiellement intacte dans la GDR, elle était prête à s’adapter et restait politiquement inactive. C’est seulement lors de la réunification, dans une période marquée par la destruction des acquis sociaux et culturels en faveur de l’enrichissement sans limites d’une petite minorité, que ses intérêts politiques se sont éveillés et qu’elle a amorcé sa rapide ascension dans le CDU.

Cela explique pourquoi elle est maintenant prête à accueillir avec un grand respect et beaucoup de reconnaissance un politicien comme Bush, qui a impitoyablement forcé l’implémentation de ses politiques malgré l’opposition d’une très grande majorité de l’électorat. Quelqu’un qui est prêt à prouver sa détermination et son inflexibilité face à sa propre population impressionne Merkel. Derrière la fausse attitude amicale, ouverte et parfois naïve de Merkel se cache une politicienne en puissance sans scrupules.

Son appui pour Bush doit être vu comme un avertissement : la manière brutale avec laquelle l’administration Bush ignore et contourne la volonté de l’électorat américain et terrorise l’Irak servira de modèle à l’attitude future du gouvernement à Berlin.

Les intérêts impérialistes de l’Allemagne

L’adaptation de l’Allemagne à la politique guerrière des États-Unis est aussi liée aux craintes de l’élite dirigeante allemande qu’une défaite militaire américaine en Irak ait des conséquences désastreuses pour toute la région. Si la plus forte puissance impérialiste connaît d’importantes difficultés, les autres grandes puissances se sentent aussi menacées. À cet égard, Merkel parle au nom de la majorité des États de l’Union européenne et tente, en tant que présidente de l’UE et chef du prochain sommet du G8, de raffermir la position du gouvernement des États-Unis.

Cependant, Merkel n'est pas simplement le valet des intérêts américains. Elle n'est pas « le petit toutou d'oncle Sam » qui prendrait la place du premier ministre britannique dont la carrière politique patauge. Merkel parle pour les intérêts qu’elle représente, c’est-à-dire, les intérêts impérialistes allemands, et son soutien aux États-Unis est conditionnel à ce que certaines conditions bien précises soient remplies.

Premièrement, elle demande que les compagnies allemandes aient accès au marché irakien, pour être plus précis, que les entreprises allemandes puissent avoir leur part du butin en Irak. Et, deuxièmement, elle tente de dissuader le gouvernement américain d'entreprendre des frappes militaires contre l'Iran — craignant les répercussions sur le ravitaillement en énergie pour l'Allemagne et les intérêts économiques considérables que l'Allemagne partage avec Téhéran.

Le ministre allemand de l'Économie a préparé une « conférence d'affaires germano-irakienne » pour le mois de juin, et l'un des principaux points qui y sera discuté est l'industrie pétrolière iranienne. Sous le titre « L'Irak a besoin de nous maintenant », le député du CDU et porte-parole pour la politique étrangère, Eckhart von Klaeden, a écrit dernièrement dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), « L'Irak possède la troisième plus importante réserve de pétrole au monde et pour cette raison, est d'une importance centrale en matière de sécurité énergétique globale, particulièrement pour l'Allemagne et l'Europe. »

Von Klaeden demande également une rapide extension des liens commerciaux avec l'Irak dans d'autres domaines : « Nous devrions rapidement développer une chambre de commerce Allemagne-Irak… Il pourrait initialement avoir son siège provisoire à Amman jusqu'à ce qu'un transfert à Bagdad soit possible. Au début, cette chambre de commerce Allemagne-Irak devrait avoir un bureau régional à Arbil dans la région économique en effervescence du Kurdistan irakien » (FAZ, 12 janvier 2007).

En ce qui concerne les plans américains pour l'Iran, Condoleezza Rice a déclaré au Der Spiegel, « Nous ne voulons pas d'escalade. Notre plan est de réagir aux activités iraniennes qui entravent les nôtres. »

En fait, « ces activités iraniennes » ont systématiquement été provoquées pour pouvoir plus facilement développer un prétexte pour lancer une guerre. À pas moins de trois occasions au cours des quatre dernières semaines, des soldats américains ont arrêté des Iraniens et des personnes proches de l'Iran en Irak, incluant des diplomates et des dirigeants religieux influents tels que le membre du clergé chiite Abdul Aziz al-Hakim.

Les préparations militaires pour une frappe contre l'Iran sont déjà bien avancées. Après une pause de plusieurs mois, depuis décembre une flotte de navires américains, dirigée par le porte-avion Dwight D. Eisenhower, patrouille dans le golfe Persique. À la fin de janvier, le porte-avion John C. Stennis va se joindre à la flotte pour du renfort. Sous le titre « Avertissement de tempête dans le golfe », Der Spiegel rapporte que les navires et les avions américains ont effectué des manœuvres en novembre, simulant « un appui à un nouveau gouvernement élu contre une rébellion en cours ».

Peu importe les détails du marchandage diplomatique, le soutien que la chancelière Merkel a donné à la politique de guerre des Etats-Unis a une conséquence inévitable : il renforce et encourage l'administration Bush à entreprendre des aventures militaires encore plus criminelles ayant des conséquences totalement imprévisibles.

(Article original allemand paru le 24 janvier 2007)

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