Des milliers de gens se rendront à Washington, D.C. ce
samedi pour exprimer leur opposition à la guerre en Irak et leur indignation suite
à la décision de l’administration Bush d’intensifier la guerre au
mépris du mandat populaire des élections de novembre 2006 demandant le retrait
des soldats américains.
La question politique brûlante posée par la répudiation de
la volonté du peuple sur une question aussi fondamentale est celle de la
perspective politique nécessaire pour que réussisse la lutte pour mettre fin à
cette guerre et pour empêcher d’autres interventions mêmes plus
sanglantes — contre l’Iran, la Syrie et d’autres pays qui ne
sont pas encore nommés — préparées par l’administration.
La réponse que les organisateurs de la manifestation du 27
janvier donnent à cette question est claire. Leur perspective est que la guerre
en Irak peut être stoppée en faisant pression sur le Parti démocrate afin qu’il
utilise la majorité nouvellement acquise au Congrès pour ralentir le
financement de la guerre et pour forcer l’administration à ramener les
troupes américaines aux Etats-Unis.
Ce point de vue est clairement exprimé par la direction de
la principale coalition organisant la manifestation, la coalition Unis pour la
paix et la justice (UFPJ, United for Peace and Justice), qui a invité plusieurs
membres démocrates du Congrès à faire des discours à la tribuneet a
pressé les manifestants de rester à Washington pour participer à des « visites
pour faire pression sur le Congrès américain ».
Dans son appel à la manifestation, l’UFPJ pressait
les opposants à la guerre : « Demandezau nouveau
Congrès : agissez MAINTENANT pour ramener les troupes au
pays ! »
La déclaration continuait « Nous appelons les
personnes de tous les districts du Congrès au pays à se réunir à Washington,
D.C. pour exprimer leur appui aux membres du Congrès qui sont prêts à
entreprendre des actions immédiates contre la guerre ; à faire pression
sur ceux qui sont hésitants à passer à l’action ; et à
s’opposer à ceux qui défendent encore une politique en échec ».
C’est un point de vue semblable qui a été exprimé
dans la revue Nation, la publication phare du milieu contestataire de
gauche orienté vers le Parti démocrate. Dans son éditorial du 29 janvier
intitulé « Non à l’intensification », Nation s’illusionne
sur la possibilité des démocrates au Congrès à mener une lutte contre le
déploiement par Bush de 21 500 soldats supplémentaires en Irak.
« Même si le Congrès est en fin de compte incapable
d’empêcher le nombre des soldats d’augmenter, une série
d’audiences, de votes et de résolutions peut contrer le président sur la
stratégie qu’il a adoptéE et peut jeter les bases pour une
bataille plus large pour mettre fin à la guerre », déclare le Nation. L’éditorial
appelle à la participation à la manifestation du 27 janvier sur la base que
« l’augmentation de la pression sur le Congrès est une affaire
urgente ».
Il y a maintenant près de quatre années depuis que les
manifestations de masse contre la guerre qui se préparait alors contre
l’Irak avaient regroupé des dizaines de millions de personnes dans les
rues partout à travers le monde. Il est grand temps d’en tirer les leçons
politiques, dures, mais essentielles.
Ces manifestations, malgré leurs ampleurs, ont échoué à
arrêter la guerre d’agression des Etats-Unis contre l’Irak. Les
nombreuses manifestations depuis ce temps n’ont pas réussi à tempérer ce crime.
Au contraire, le bilan des morts a atteint un niveau
effrayant alors qu’environ 650 000 Irakiens et plus de 3000 soldats
américains ont perdu la vie, et le monde a été témoin d’atrocités comme
Abou Ghraib, Fallujah et Haditha.
Seules, les manifestations ne changeront pas la politique de
ceux qui ont déclenché cette guerre. L’indifférence à l’opinion
publique de ceux qui contrôlent la Maison-Blanche est maintenant indéniablement
claire, avec Bush qui veut intensifier la guerre aux élections législatives.
Le Parti démocrate s’est fait le complice de
l’administration dans le déclenchement et la poursuite de cette guerre.
En octobre 2002, le Sénat à majorité démocrate avait autorisé une résolution
permettant l’usage de la force militaire, offrant ainsi à Bush un chèque
en blanc pour mener une guerre non provoquée contre l’Irak. Cela
n’était pas une erreur ou une aberration. C’était le point
culminant d’une politique délibérée de la direction démocrate visant à
ignorer les sentiments anti-guerre largement répandus parmi les électeurs
démocrates et à garder la question de la politique guerrière de
l’administration en dehors de la campagne électorale de 2002. Ainsi, les
démocrates ont permis aux conspirateurs de guerre de l’administration
Bush d’aller de l’avant.
Durant les primaires de 2004, l’énorme sentiment
anti-guerre a été canalisé vers les candidats démocrates à l’investiture
présidentielle, en particulier vers Howard Dean. La direction du parti a
sabordé la candidature de Dean pour se ranger derrière le sénateur John Kerry,
qui avait voté pour la guerre et s’était engagé à la poursuivre,
critiquant Bush de ne pas avoir envoyé assez de soldats.
Depuis 2003, les démocrates ont voté presque à
l’unanimité chaque année pour accorder à l’administration un énorme
financement pour la guerre qui s’élève maintenant à près de 8,5 milliards
$ par mois.
Et qu’en est-il de la toute nouvelle ferveur
anti-guerre du Parti démocrate qui se reflèterait apparemment dans la
résolution sénatoriale, qui ne l’engage en rien, s’opposant à
l’intensification de la guerre ? Comme le démontre le contenu de
cette résolution, la première préoccupation des démocrates au Sénat, ainsi que
quelques alliés républicains, n’est pas de mettre un terme à la guerre,
mais plutôt l’opposition de masse provoquée par la proposition de Bush,
rendant plus difficile la répression de la résistance irakienne
Le tout premier passage de la résolution prévient que
« La stratégie des États-Unis et leur présence en Irak ne peuvent être
maintenues que grâce à l’appui du peuple américain et l’appui
bipartisan du Congrès. »
Ceux qui appuient cette résolution expriment
l’inquiétude que la stratégie de l’administration affaiblit la
« guerre contre le terrorisme ». Ils s’inquiètent du trop peu
de troupes américaines disponibles pour de nouvelles guerres — contre
l’Iran, la Syrie, la Corée du Nord ou le Venezuela. Ces mêmes démocrates
sont les plus ardents défenseurs d’une expansion de l’armée et ils
ont demandé que soient doublées les Forces spéciales, les tueurs d’élite
de l’armée.
Les différends entre les congressistes démocrates et
l’administration républicaine se situent au niveau de la tactique, pas
des objectifs stratégiques. Lorsque le leadership démocrate appelle au
« redéploiement » des troupes américaines en Irak, cela signifie
laisser sur place, dans des bases hautement fortifiées, des dizaines de
milliers de soldats et de marines et employer la puissance aérienne américaine
pour réprimer la résistance irakienne.
Les démocrates ne sont pas opposés à la guerre
d’agression ou à l’occupation coloniale. Ils ont
appuyé l’invasion de l’Irak parce qu’ils croyaient que cela
permettrait aux États-unis de s’emparer des ressources pétrolières du
pays et d’établir l’hégémonie américaine au Moyen-Orient.
Ils sont critiques envers la politique de guerre de Bush non pas parce
c’est une guerre impérialiste, parce qu’elle est illégale ou parce
qu’elle a tué des centaines de milliers de personnes. Ils sont critiques
parce que la guerre tourne mal.
Les démocrates, comme les républicains, sont contrôlés par
une oligarchie financière qui est déterminée à utiliser la force militaire pour
stopper le déclin de la puissance économique du capitalisme américain. Cette
campagne d’agression militaire ne va pas se terminer avec l’Irak.
Les préparatifs de guerre contre l’Iran sont déjà bien avancés et la
montée des tensions internationales fait apparaître le spectre de la
perspective cauchemardesque d’un conflit mondial.
Une lutte victorieuse contre la guerre est impossible en
dehors d’une confrontation avec le système qui en est à l’origine,
un système qui est entièrement subordonné au profit et à l’accumulation
de vastes fortunes personnelles pour une infime minorité. Ceux qui prétendent
que c’est possible en faisant pression sur les démocrates et le Congrès
sont soit dans l’erreur ou trompent délibérément les autres. Pour autant
que les protestations de masses sont orientées vers cette perspective, elles ne
serviront pas à transformer la société, et serviront de soupape de sécurité pour
la frustration populaire.
La lutte contre la guerre requiert la mobilisation
politique indépendante de la classe ouvrière — ceux qui paient le prix de
la guerre — contre le système de profit.
Les manifestations, aussi bien que n’importe quelle
autre forme d’activité politique, peuvent aider à atteindre cet objectif
dans la mesure où elles visent à élever le niveau de conscience politique des
masses. Elles doivent servir à éduquer les travailleurs, les étudiants et
les jeunes sur les sources du militarisme impérialiste au sein du système
économique capitaliste, et sur le rôle du Parti démocrate et du système biparti
en tant qu’instrument politique de l’élite financière dont les
intérêts sont en opposition directe avec ceux des travailleurs aux États-Unis
et partout à travers le monde.
Les appels à un retrait immédiat et inconditionnel de
toutes les troupes américaines de l’Irak et la tenue de procès pour crime
de guerre pour tous ceux qui sont responsables de cette guerre, doivent être
combinées à un large programme visant à réorganiser la vie économique, à mettre
fin à la pauvreté et a l’inégalité sociale, à briser la domination des
banques et des grandes sociétés en les transformant en service public.
Le développement et la lutte pour un tel programme peuvent
être menés seulement par l’émergence d’un nouveau mouvement
politique forgé dans une rupture irrévocable avec le Parti démocrate et dans
lutte pour la mobilisation indépendante des travailleurs pour leurs propres
intérêts politiques et sociaux.
Nous en appelons à tous ceux qui cherchent une véritable
façon de stopper la boucherie en Irak et qui veulent la fin des inégalités
sociales et de la réaction politique à lire et appuyer le World
Socialist Web Site et à rejoindre le Parti de l’égalité socialiste et
l’Internationale étudiante pour l’égalité sociale dans la lutte
pour la construction d’un nouveau parti socialiste de masse.