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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Allemagne : comment l’« Alternative socialiste » bloque la construction d’un mouvement socialiste indépendant

Par Lucas Adler
30 janvier 2007

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Le groupe allemand Alternative socialiste (SAV), le pendant du Parti socialiste de Peter Taafe en Grande-Bretagne voit dans la prévention d’un mouvement indépendant de la classe ouvrière sa principale mission. Sa récente conférence nationale, qui avait pour objet de déterminer son attitude vis-à-vis du futur Parti de la Gauche, devant se constituer cette année à partir d’une fusion du Parti de la Gauche.PDS (Parti du socialisme démocratique) et de l’« Alternative électorale-travail et justice sociale » (WASG), l’a clairement montré.

Le SAV avait fait la une des journaux l’an dernier lorsqu’il avait soutenu une candidature indépendante du WASG contre le Parti de la Gauche.PDS à l’élection du Land de Berlin l’automne dernier – tout en préconisant en même temps une fusion des deux organisations au niveau national. Lucy Redler, du SAV, avait été tête de liste du WASG dans cette élection.

La décision d’une candidature indépendante à l’élection du Landtag (parlement régional) de Berlin se heurta à l’opposition véhémente de la direction nationale du WASG, qui fit son possible pour que son organisation berlinoise ne présentât pas ses propres candidats. Un renvoi arbitraire de la direction régionale de la WASG berlinoise par la direction nationale ne fut annulé qu’à la suite d’une décision de justice confirmant celle-là dans ses fonctions et lui permettant ainsi de participer à l’élection.

Derrière la candidature indépendante de la WASG berlinoise, il y avait le fait que le Parti de la Gauche.PDS gouverne depuis plusieurs années le Land de Berlin dans une coalition avec le Parti social-démocrate allemand (SPD). Les mesures prises durant les cinq dernières années par ce gouvernement régional avaient montré que, derrière son discours de gauche, le Parti de la Gauche.PDS poursuivait une politique très à droite. Pour la WASG, se présenter comme une alternative de gauche tout en faisant campagne pour une réélection du parti de la Gauche.PDS à Berlin aurait été dénué de toute crédibilité.

Pour cette même raison, le SAV voyait dans la participation du Parti de la Gauche.PDS au gouvernement du Land de Berlin un obstacle au projet de former un parti de gauche unifié au niveau national. Difficile de duper les électeurs et de leur faire penser qu’un tel parti représenterait leurs intérêts, alors qu’à Berlin il s’opposait à ces mêmes intérêts tous les jours. Le but de la candidature indépendante du WASG à Berlin était de forcer le Parti de la Gauche.PDS à quitter l’actuelle coalition avec le SPD et de garantir ainsi une fusion au niveau national.

Ce plan, toutefois, ne réussit pas. Malgré une hémorragie de voix dans l’élection parlementaire berlinoise, le Parti de la Gauche.PDS continue de gouverner le Land de Berlin avec le SPD et il a intensifié son attaque de la classe ouvrière et des conditions de vie des Berlinois ordinaires.

Le SAV réagit en effectuant une acrobatie politique rarement observée jusque-là. A l’Est de l’Allemagne, il s’oppose à une fusion avec le Parti de la Gauche.PDS et cherche, avec le WASG, à développer une organisation régionale d’alternative, parce qu’à l’Est, « on associe » comme il dit le Parti de la Gauche.PDS « à une participation aux coupes budgétaires et aux privatisations ». A l’Ouest de l’Allemagne, il appelle bien tout d’abord à voter contre une fusion, mais déclare en même temps qu’il continuera de travailler au sein du parti résultant d’une telle fusion puisque ce nouveau parti fera, selon le SAV, « malgré tout partie de la gauche et du mouvement ouvrier » et sera vu comme « une force d’opposition ».

Bien que le SAV soit tout à fait conscient du caractère droitier du Parti de la Gauche.PDS, il veut subordonner à ce parti les travailleurs de l’Ouest de l’Allemagne. A l’Est, où le caractère droitier du Parti de la Gauche.PDS est évident pour tous, le même objectif doit être réalisé en construisant une fausse alternative sous la forme d’une WASG régionale. Au lieu d’expliquer aux travailleurs le véritable caractère du Parti de la Gauche.PDS et de la WASG, les disciples allemands de Pater Taafe encouragent des illusions dans ces partis afin d’empêcher la classe ouvrière de développer une organisation représentant ses intérêts indépendants.

Le rapport présenté à la conférence nationale du SAV déclare explicitement que les délégués rejetaient fermement « l’idée qu’un autre parti ou organisation de gauche de type parti soit formé en réaction à la fusion prévue du WASG et du Parti de la Gauche.PDS » parce que pour le moment, la base sociale pour cela n’existe pas. Le SAV a au contraire pour objectif de construire un réseau de « forces oppositionnelles ou de gauche », « indépendamment d’une activité à l’intérieur ou à l’extérieur du parti résultant de la fusion ». Le SAV cherche de cette manière à lier au futur Parti de la Gauche toutes les forces qui ne sont pas prêtes à collaborer au sein de celui-ci ou celles qui, déçues, s’en sont déjà détournées.

Un mécanisme de ce genre a déjà été créé au sein du WASG, avec la participation active du SAV, sous forme d’un « Réseau opposition de gauche » (NLO). Dans l’intervalle, une majorité au sein de ce Réseau est parvenue à la conclusion qu’il faudra éventuellement construire une nouvelle force politique d’alternative au Parti de la Gauche.

Bien que ceci se veuille surtout être une menace vis-à-vis de la direction du WASG, pour le SAV, cela va trop loin. L’appel à la construction d’une organisation d’alternative est devenu la cause de vives disputes au sein du NLO. Dans une lettre ouverte datée du 19 décembre, la direction nationale du SAV annonçait que de telles décisions signifiaient que le SAV « ne pouvait plus collaborer avec le NLO ».

Le SAV critique surtout le fait que le NLO dit vouloir construire une force politique d’alternative vis-à-vis de tout parti « privatisant la propriété publique, impose des restrictions sociales et des bas salaires ». Pour le SAV, les conditions actuelles « ne promettent pas réellement un succès » pour ce qui est de la construction d’une « force d’alternative » vis-à- vis du Parti de la gauche fusionné.

Ces arguments révèlent l’étendue du cynisme et de la duplicité de cette organisation. « Nous supposons que le parti issu de la fusion doit tout d’abord être discrédité au niveau national avant que ne se développe la base sociale nécessaire à la formation d’un nouveau parti ou d’une “force d’alternative”, écrit le SAV. Cela se produira si la présente direction prévaut à l’avenir, ce qui est à prévoir ».

Le SAV part du fait qu’un Parti de la Gauche unifié poursuivra à l’avenir une politique de vives attaques du niveau de vie et des conditions de travail de la population ordinaire. Mais au lieu de lancer une mise en garde contre lui, de dire la vérité et de lutter pour construire une alternative révolutionnaire, il encourage de nouvelles illusions dans ces forces droitières en affirmant que le Parti de la Gauche est « la seule force de gauche sérieuse au niveau des partis politiques » et que les « militants » se tourneront vers lui.

On ne peut pas montrer plus clairement que le SAV n’est rien d’autre qu’une caution de gauche pour la politique droitière du Parti de la Gauche.

On forgea aussi à la conférence nationale du SAV un discours adéquat pour cette pratique opportuniste. Ainsi, Lucy Redler, de la direction du SAV, expliqua que les marxistes avaient aujourd’hui la double tâche de développer une organisation marxiste et de contribuer à la reconstruction du mouvement ouvrier au sens large. Présentement, elle joue elle-même ce double rôle en vitupérant publiquement le cours droitier du Parti de la Gauche.PDS et du WASG tout en restant dans la direction nationale de la WASG, afin de donner au parti qui sera issu de la fusion une couverture de gauche.

Une telle distinction entre la construction d’une organisation marxiste et la construction du mouvement ouvrier est typique des organisations petite-bourgeoises comme le SAV. Par mouvement ouvrier « au sens large » ils entendent les syndicats, des appareils bureaucratiques réactionnaires et corrompus qui se fondent sur la collaboration de classe. L’idée que le mouvement ouvrier ne peut se développer que par la construction d’un parti marxiste indépendant ne les effleure même pas. C’est précisément de cette manière que fut construit dans la seconde moitié du 19e siècle en Allemagne un des mouvements ouvriers les plus puissants, le SPD, qui défendait encore à cette époque, un programme marxiste.

La condition préalable la plus importante de la reconstruction d’un mouvement ouvrier révolutionnaire est une rupture consciente avec les vieilles organisations réformistes et les conceptions théoriques du réformisme social. Le SAV est, quant à lui, organiquement hostile à une telle rupture. Il cherche à tout prix à perpétuer la subordination des travailleurs à des bureaucraties décrépites dont ils se détournent après de longues années pleines de déceptions.

Le SAV joue le même rôle en Allemagne que les organisations petite-bourgeoises radicales comme la Ligue communiste révolutionnaire en France ou Rifondazione Communista en Italie. Partout en Europe, les vieilles organisations ouvrières sont largement discréditées du fait de leur politique droitière et une masse de gens cherche une politique d’alternative. Pour défendre son système social, la bourgeoisie dépend par conséquent de plus en plus de telles forces petite-bourgeoises « de gauche », dont la tâche principale est d’empêcher la classe ouvrière de rompre d’avec le réformisme social et de se tourner vers une perspective socialiste.

(Article original paru le 13 janvier 2007)

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