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WSWS : Nouvelles et analyses : Afrique

Bush décrète de nouvelles sanctions contre le Soudan

Par Bill Van Auken
2 juin 2007

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Le président Bush a annoncé mardi que son administration imposera de nouvelles sanctions économiques contre le Soudan, déclarant que les mesures ont pour but de faire pression sur le gouvernement de Khartoum pour que le sang cesse de couler dans la province occidentale du pays, le Darfour.

Les sanctions ciblent trente compagnies détenues par le gouvernement soudanais ainsi qu’une compagnie que Washington accuse de trafic d’armes au Soudan, les empêchant d’établir toute relation financière avec les Etats-Unis et criminalisant toutes compagnies et personnes américaines qui feraient affaire avec elles.

Trois personnes (deux hauts responsables soudanais et un dirigeant des rebelles) sont soumises à des sanctions économiques semblables selon l’édit présidentiel.

Bush a aussi promis de chercher à obtenir une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies pour imposer un embargo plus sévère sur les armes vers le Soudan et créer les conditions pour d’autres interventions militaires.

Quatre années de lutte dans la région du Darfour entre les rebelles séparatistes armés, les forces gouvernementales et Janjaweed, une milice arabe pro-gouvernementale, ont divisé les tribus indigènes arabes et non arabes. Il est estimé que les combats ont fait plus d’un quart de million de morts, la plupart causées par la faim et la maladie, et ont créé plus de deux millions de réfugiés.

Alors que Washington a constamment cherché à placer tout le blâme de la prolongation du conflit sur le gouvernement de Khartoum, les faits semblent plutôt démontrer que les rebelles séparatistes sont peu motivés à en arriver à une entente, croyant que la continuation de la violence augmentera la pression pour une intervention de l’Occident et ira dans le sens de la réalisation de leurs objectifs d’autonomie régionale et de partage des pouvoirs.

Dans son discours mardi, Bush a justifié les nouvelles sanctions en accusant le président soudanais Omar Hassan al-Bashir de bloquer le déploiement d’une force de maintien de la paix de l’ONU.

Le gouvernement soudanais s’est opposé au déploiement des troupes onusiennes, craignant que cela ne fasse du pays un protectorat de facto de l’Occident. Plutôt, il a appelé pour une force élargie de l’Union africaine bénéficiant du soutien de l’ONU.

Encore une fois, Bush a donné le nom de « génocide » à la crise humanitaire au Darfour. Cette affirmation a été rejetée par les Nations unies et plusieurs organisations d’aide humanitaire actives dans cette région, qui reconnaissent que le Darfour est le théâtre de l’un des plus grands désastres humanitaires au monde, mais s’opposent à ce que l’on en infère que la répression violente du gouvernement de Khartoum constitue une tentative d’exterminer tout un peuple.

L’utilisation de ce terme a un but qui ne trompe pas. Selon la charte des Nations unies, la détermination d’un génocide dans un pays donné exige une intervention armée. Les accusations de génocide que lance Washington vont main dans la main avec la tentative de présenter le conflit comme une lutte raciale liguant tribus arabes contre tribus africaines noires, une simplification et une distorsion grossière du conflit visant à enflammer les sentiments de la population.

Le terme « génocide » est aussi utilisé à des fins politiques aux Etats-Unis. Mentionné d’abord à la veille de l’élection de 2004 par le secrétaire d’Etat de l’époque, Colin Powell, l’accusation était populaire parmi la droite chrétienne et les organisations sionistes, qui ont adopté la cause du Darfour pour leurs propres raisons.

L’administration Bush avait, jusqu’à récemment, cessé d’employer le mot génocide, mais elle a recommencé cette pratique dans les derniers mois.

 « Le peuple du Darfour souffre depuis trop longtemps aux mains d’un gouvernement qui est complice d’attentats, de meurtres et de viols de civils innocents », a déclaré Bush lors de son discours mardi à la Maison-Blanche. « Mon administration a qualifié ces actes, à juste titre, de génocide. Le monde a la responsabilité d’y mettre fin. »

Si l’on remplaçait le mot « Darfour » par « Irak », ces paroles constitueraient un juste réquisitoire contre l’administration Bush elle-même. Le nombre d’Irakiens ayant perdu la vie à cause de quatre ans de guerre et d’occupation par les Etats-Unis est au moins trois fois plus élevé que le nombre de morts au Darfour, et l’action militaire est directement responsable d’un pourcentage beaucoup plus élevé de ces décès. Deux fois plus d’Irakiens ont dû quitter leurs demeures, forcés de se déplacer ailleurs au pays ou à l’étranger, et chaque institution sociale essentielle et infrastructure de base ont été détruites.  

Washington ne cherche pas à perpétrer un génocide en Irak ; son objectif n’est pas d’éradiquer le peuple irakien ni d’exterminer sa population sunnite. Son but est plutôt de réprimer toute opposition à son contrôle semi-colonial du pays et de sa richesse pétrolière stratégique, un but qui a déchaîné la violence et la mort à un niveau quasi génocidaire.

Et le gouvernement d’al-Bashir ne souhaite pas plus exterminer le peuple non arabe du Darfour; il tente plutôt de réprimer toute opposition à son contrôle centralisé, une tâche qui a aussi causé énormément de morts et de souffrance.

Il y a bien sûr une différence notable entre ces deux processus tragiques. George Bush dirige la plus puissante nation du monde, militairement et économiquement, alors qu’al-Bashir est le président de l’une des plus pauvres — une nation qui arbore les blessures d’une longue domination coloniale et qui fut vers la fin du vingtième siècle le théâtre de guerres sanglantes fomentées par l’impérialisme américain dans le but de contrer l’influence soviétique dans la région.

La tentative invraisemblable de George W. Bush de se présenter comme le défenseur des droits de l’homme est motivée par de tels intérêts géostratégiques. Le Soudan est un important producteur de pétrole, avec des réserves évaluées jusqu’à 1,2 milliard de barils. De plus, étant le pays avec la plus grande superficie en Afrique, il s’étend de la stratégique mer Rouge, au Maghreb, à l’Afrique centrale et à la Corne de l’Afrique.

Enfin, et ce qui est loin d’être négligeable, il est devenu le centre d’intérêt de la Chine qui tente de satisfaire sa demande croissante en pétrole en consolidant d’étroits liens économiques et politiques avec le continent africain.

La Chine a investi environ 15 milliards $ au Soudan depuis 1999, et elle détient 40 pour cent des parts de la Greater Nile Petroleum Operating Co., qui exploite les ressources pétrolifères du Soudan. Ses importations de pétrole soudanais ont été multipliées quasiment par six au cours de la dernière année, atteignant 220 000 barils par jour, selon les statistiques des douanes publiées par Pékin plus tôt ce mois-ci.

C’est sans surprise que l’imposition unilatérale de sanctions par Bush et sa demande à l’ONU de faire de même ont soulevé de vives critiques de la part de Pékin, qui n’a pas l’intention de céder ses intérêts dans la région. Selon l’Associated Press, Liu Guijin, l’envoyé spécial de la Chine au Soudan, a commenté, « imposer obstinément des sanctions et faire pression ne mènera pas à la résolution du problème et va compliquer les choses. »

Revenant tout juste d’un voyage des camps de réfugiés au Darfour, Liu a dit qu’il croyait que les factions soudanaises et les négociateurs internationaux travaillaient ensemble pour résoudre la crise humanitaire dans la région. 

 « Je n’ai pas vu de scénario désespéré de gens mourant de faim », a dit l’envoyé chinois à la presse. Il a ajouté, « La question du Darfour et les questions de l’est et du sud soudanais sont causées par la pauvreté et le sous-développement. Ce n’est que lorsque l’on s’attaquera aux problèmes de la pauvreté et du sous-développement qu’il y aura la paix au Soudan. »

L’opposition aux sanctions américaines a été reprise par la Russie et l’Afrique du Sud. L’ambassadeur russe à l’ONU, Vitaly Churkin, questionnait le choix de Washington du moment de l’adoption des mesures, en disant à l’agence de nouvelle Reuters que l’ONU avait travaillé avec le Soudan et qu’il y « avait eu quelques développements positifs »

L’ambassadeur sud-africain à l’ONU, Dumisani Kumalo, a également démontré du scepticisme à l’égard des sanctions américaines. « En ce moment la chose surprenante c’est que nous pensions que le gouvernement soudanais commençait à aller dans la bonne direction et acceptait ce que nous allions faire, a t-il dit. On ne sait pas vraiment où l’on va. »

Washington n’a pas d’intérêt à stabiliser le Soudan ou d’y résoudre la crise humanitaire. Sa politique, comme pour en Irak, bien avant la crise du Darfour, est celle du changement de régime, avec pour couverture ses préoccupations humanitaires. Comme la Chine – perçue par Washington comme étant son principal rival mondial – a étendu son influence dans le pays, le désir pour un changement de régime n’a fait que se renforcer.

Il y a aussi sans aucun doute dans cette nouvelle campagne sur le Darfour, une tentative de détourner l’attention publique de la catastrophe que l’impérialisme américain a créée en Irak.

L’administration Bush bénéficie du fort appui pour cette diversion des rangs même de sa soi-disant opposition, le Parti démocrate, dont les principaux dirigeants politiques ont cherché à présenter l’intervention américaine comme une sorte de croisade morale. Le mois dernier, le sénateur Joseph Biden, le démocrate du Delaware qui dirige le comité des relations étrangères et candidat pour la course à la nomination du parti pour les élections de 2008, a appelé à une intervention militaire américaine directe.

 « J’utiliserais la force américaine maintenant, a-t-il dit lors d’une audience de son comité. Je crois non seulement qu’il est temps de ne pas écarter la question de l’utilisation de la force. Je pense même qu’il est temps de la considérer et de l’utiliser. »

Dans la même veine, en février, la démocrate de New York, Hillary Clinton, en tête de la course pour la candidature présidentielle du Parti démocrate, demandait que les États-Unis « stoppent le génocide au Darfour ». Durant le témoignage du secrétaire à la défense, Robert Gates, et de celui du Général Peter Pace, elle demandait au chef du Pentagone si l’administration Bush allait envoyer des avions de guerre pour faire respecter la zone d’interdiction de vol au dessus du Soudan.


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