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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

Assassinat d’une journaliste critique des seigneurs de guerre afghans

Par James Cogan
18 juin 2007

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Le meurtre brutal d’une journaliste afghane, Zakia Zaki, le 6 juin, sur qui on a tiré sept fois alors qu’elle était couchée aux côtés de son jeune fils, symbolise l’absence de même un semblant de démocratie dans le pays après plus de cinq années d’occupation américaine.

Zaki était propriétaire et présentatrice de nouvelles de Radio Paix, qui diffusait de la musique, des histoires pour enfants, de l’information sur les droits des femmes et des nouvelles favorables à l’occupation à Kaboul et dans plusieurs provinces voisines. Elle a été tuée dans la province de Parwan, près de l’immense base américaine de Bagram, par des assassins qui sont entrés par infraction chez elle au milieu de la nuit.

Le gouverneur provincial a mis le meurtre sur le compte d’un membre de Hezb-e-Islami, une organisation distincte des talibans qui lutte contre l’occupation américaine et contre le gouvernement afghan.

Toutefois, Rahimullah Samader, qui dirige l’Association des journalistes indépendants d’Afghanistan, a suggéré à Reporters sans frontières que Zaki pourrait avoir été tuée par un seigneur de guerre régional qu’elle avait critiqué. Il n’a pas nommé cette personne.

« Elle [Zaki] a été menacée à cause de certaines de ses émissions, a-t-il dit. Et ceux qui l’ont menacée ont dit que certains reportages étaient critiques d’une des personnalités de la région. Ils ont dit que les émissions étaient un complot contre cette personne. Les commandants régionaux sont influents dans la province et ils lui ont fait des problèmes à plusieurs reprises dans le passé. »

La province de Parwan a déjà été décrite par le président afghan Hamid Karzaï comme la « plus sûre » du pays parce que le niveau d’activité des talibans y est très bas. La sécurité qui y règne, toutefois, vient surtout du fait que c’est une des régions le plus sous la poigne de l’armée américaine et des différents seigneurs de guerre qui se sont rangés derrière les Etats-Unis lors de l’invasion de 2001-02.

Jamiat-e-Islami, qui était la principale faction de l’Alliance du Nord, soutenue par les Etats-Unis, et qui contrôle maintenant Kaboul et la région, a une influence considérable dans la province. Le principal dirigeant de l’organisation, Burhanuddin Rabbani, a été le président de l’Afghanistan de 1992 à 1996. Le chef de guerre ouzbek Abdoul Rashid Dostum, qui contrôle de grandes bandes de territoire au nord-ouest de l’Afghanistan, maintient aussi une présence à Parwan, situé près de la capitale Kaboul.

Malgré toutes les prétentions démocratiques américaines, l’occupation a en réalité livré l’Afghanistan aux chefs de guerre régionaux et dirigeants tribaux qui entretiennent des liens avec les moudjahidines islamiques qui combattirent, avec l’appui des Etats-Unis, l’occupation soviétique durant les années 1980. Parmi ceux-ci se trouvent plusieurs individus, tels que Dostum et Rabbani, qui ont été responsables de nombreux crimes durant la guerre civile qui a suivi le retrait des troupes soviétiques en 1989. La brutalité, la corruption et l’indifférence des chefs de guerre aux besoins du peuple afghan ont été d’importants facteurs dans la montée du soutien populaire pour le mouvement fondamentaliste taliban qui, en 1996, avec l’appui du Pakistan et le soutien tacite des Etats-Unis, avait le contrôle de la majorité du territoire afghan.

L’invasion américaine en octobre 2001 pour renverser les talibans était vue par de nombreux dirigeants moudjahidines détrônés comme l’occasion de revenir au pouvoir. Alors que l’autorité des talibans s’effondrait, les chefs de guerre et leurs milices reprirent le contrôle de leur ancien territoire et exploitèrent l’occupation américaine pour s’établir fermement. Le gouvernement Karzaï n’est qu’une feuille de vigne inefficace qui exerce peu d’autorité à l’extérieur de Kaboul.

Bien que partisane de l’invasion américaine, Zaki est entrée plusieurs fois en conflit avec les milices et politiciens locaux qui ont été portés au pouvoir par l’occupation. En 2002, elle rapporta à l’Association des journalistes qu’elle avait été menacée par des miliciens du Jamiat pour avoir interviewé des femmes dans la rue pour ses reportages.

Lors des élections de septembre 2005, elle se présenta contre la candidate gagnante Samia Sadat, une femme qui est maintenant directrice honoraire du département d’éducation de Parwan. Durant la campagne, Sadat tenta d’obtenir la fermeture de Radio Paix sur la base que c’était un « outil de propagande » contre elle. Après avoir été victime d’une tentative de meurtre en janvier 2006, Sadat accusa faussement l’un des journalistes de Zaki d’avoir tenté de la tuer. Ce dernier fut détenu par la police de Parwan durant 11 mois avant que les accusations ne soient finalement retirées.

L’élection elle-même fut qualifiée de farce par certains observateurs. Human Rights Watch affirma : « À travers le pays, des candidats et des organisateurs politiques ont formulé des plaintes à Human Rights Watch décrivant des situations où des commandants ou des hommes forts locaux, ou des représentants gouvernementaux locaux liés à eux, avaient organisés des réunions lors desquelles ils dictaient aux électeurs et aux dirigeants de la communauté pour qui voter. Dans certains cas, des candidats et leurs partisans soutiennent que des menaces directes avaient été proférées. »

Après les élections, Zaki a publiquement critiqué la présence de dizaines de seigneurs de guerre et de dirigeants miliciens dans le parlement afghan dont l’attitude envers la démocratie et les droits de la femme n’est pas différente de celle des talibans. En conséquence, elle a reçu des « avertissements » selon l’Association des journalistes indépendants. 

Le traitement accordé à Zakia Zaki n’est qu’un exemple de la répression systématique de toute dissidence au régime que l’administration Bush a érigé en Afghanistan.

Le 8 juin, des assaillants inconnus ont arrêté la voiture du procureur général du pays, Abdul Jabar Sabet, et l’ont battu à coups de bâton et de crosse de fusil juste à l’extérieur de Kaboul. Sabet avait publiquement condamné la corruption au sein du gouvernement afghan, impliquant particulièrement des membres de l’Alliance du Nord. Il a été si sévèrement blessé qu’il est toujours hospitalisé.

Le mois dernier, le parlement afghan a voté la suspension de la députée Malalai Joya pour avoir dit lors d’une entrevue télévisée que le parlement était « pire qu’une étable ». Au moins, a-t-elle dit, les vaches donnent du lait aux gens, les ânes transportent de lourdes charges et les chiens sont fidèles.  Le parlement, par déduction, ne donne rien au peuple afghan. Après avoir montré la séquence, le porte-parole du parlement a demandé un vote pour l’empêcher de se présenter au parlement pour la durée de son mandat de cinq ans qui se termine en 2010. Une majorité a voté en faveur de la motion. 

S’exprimant par la suite, Joya a déclaré: « Depuis que j’ai commencé ma lutte pour les droits de l’homme en Afghanistan, pour les droits des femmes, ces criminels, ces trafiquants de drogue se sont dressés contre moi dès que j’ai élevé la voix ». Durant la loya jirga tenue en 2003 pour faire adopter la constitution et durant sa propre présence au parlement en 2006, Joya a qualifié les législateurs de « seigneurs de guerre. » L’an dernier, on lui a lancé des bouteilles d’eau. Elle dit aussi avoir été menacée de viol. Depuis sa suspension du parlement, elle a averti que s’il lui arrivait quelque chose « tout le monde saurait » qui sont les responsables. 

Tant Zakia Zaki que Malalai Joya ont été l’objet de documentaires en Occident. Zaki est apparue dans l’émission spéciale en 2005 sur le droit des femmes Si je me lève.  Joya était le point central du documentaire en 2005 sur les élections en Afghanistan, Les ennemis du bonheur. Ils étaient présentés comme étant la preuve vivante que l’invasion américaine de 2001 apportait des changements fondamentaux.

En réalité, malgré les beaux discours sur la démocratie, y compris sur les droits des femmes, le but de l’administration Bush était d’établir la domination américaine en Afghanistan, qui est situé stratégiquement près des régions riches en ressources de l’Asie centrale et du Moyen-Orient. Washington n’a pas la moindre intention de miner son réseau de seigneurs de guerre et de chefs tribaux sur lequel s’appuie son occupation. Ce n’est pas Washington qui va exiger qu’ils soient délogés du pouvoir et traînés devant les tribunaux pour répondre de leurs crimes.

(Article original anglais paru le 15 juin 2007)


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