Le procès de Luis Posada Carriles pour
infractions à la loi sur l’immigration étant prévu le 11 mai, le gouvernement
américain a fait une requête auprès d’un tribunal fédéral pour tenter d’empêcher
ce terroriste international de témoigner sur son rôle en tant qu’agent de la
CIA.
Le Venezuela a demandé l’extradition de
Posada Carriles, celui-ci devant être jugé dans ce pays en tant que cerveau
d’un attentat à la bombe contre un avion de ligne cubain en 1976 où 73
personnes avaient trouvé la mort. Il avait pu éviter d’être jugé pour ce crime
(à l’époque, le pire acte de terrorisme jamais commis dans l’hémisphère Ouest) en
s’échappant d’une prison vénézuélienne en 1985.
En violation d’accords internationaux et
bilatéraux, Washington a rejeté la demande d’extradition du Venezuela,
inculpant Posada Carriles d’infractions mineures à la loi sur l’immigration : être
entré aux Etats-Unis sans visa et avoir menti à des agents des services d’immigration.
Le mois dernier, le terroriste, qui se trouvait depuis mai 2005 dans une prison
fédérale, a été libéré sous caution et est retourné à Miami.
Cette remise en liberté a soulevé des
protestations internationales et mis en évidence l’hypocrisie de la prétendue
« guerre globale contre le terrorisme » proclamée par un gouvernement
qui a payé et continue à donner refuge à un terroriste recherché.
La motion de neuf pages soumise au tribunal
fédéral d’El Paso au Texas affirme que la relation entre Posada Carriles et la
CIA prit fin il y a trente ans et qu’elle n’est donc pas pertinente.
Des documents déclassifiés ont établi que
Carriles a été recruté comme agent de la CIA en 1961, qu’il a suivi un entraînement
de tactique terroriste et de démolition d’une année au sein de l’armée
américaine et qu’il figura sur la liste des salariés de la CIA jusqu’en 1967.
De 1969 à 1974, il a été officier supérieur dans la police secrète
vénézuélienne (DISIP) qui avait pour tâche de capturer, torturer et tuer les
opposants de gauche au gouvernement. Durant cette période, il est demeuré un
informateur et un « atout » de la CIA en Amérique du Sud.
En 1976, il a préparé l’attentat à la bombe
de l’avion de ligne cubain, en confiant l’exécution à deux employés de son agence
privée de détectives, montée à Caracas après sa démission de la police secrète
suite à changement de gouvernement. Deux semaines avant l’attentat, qui eut
lieu en octobre 1976, il fut impliqué dans un autre attentat terroriste,
celui-là dans le centre de Washington. Une voiture piégée y avait tué l’ancien
ministre chilien des Affaires étrangères en exil, Orlando Letelier, et sa
secrétaire américaine, Ronni Moffitt.
Après s’être évadé de prison au Venezuela, Posada Carriles se
rendit au Salvador où il devint un agent-clé de la guerre illégale contre le
Nicaragua, financée par la CIA et dirigée par le réseau (établi par
l’administration Reagan) du lieutenant-colonel Oliver North, du Conseil de
sécurité nationale. Il se rendit ensuite au Guatemala, où il fit partie des
services de renseignements gouvernementaux durant une violente campagne de
contre-insurrection qui coûta la vie à des centaines de milliers de personnes.
Durant les années 1990, Posada Carriles aurait monté, selon
ses propres aveux, une série d’attentats terroristes contre des hôtels et des
sites touristiques à Cuba et qui tuèrent un touriste italien.
En novembre 2000, il fut impliqué dans un attentat manqué à
Panama qui devait faire exploser une salle de conférence contenant des
centaines de personnes et où Fidel Castro, le président cubain, devait parler.
Il fut arrêté et emprisonné pour ce complot, mais il obtint le pardon du
président panaméen sortant, Mireya Moscoso. Ce pardon aurait été dû à des
pressions des Etats-Unis ou à des pots-de-vin provenant de groupes d’exilés
anticastristes cubains.
Réagissant à la tentative du gouvernement d’annuler tout
témoignage public concernant les liens entretenus par Posada Carriles avec la
CIA, les avocats du terroriste ont déposé cette semaine une contre-motion,
insistant pour dire qu’il était impossible de parler du « contexte »
de l’affaire sans aborder la question de la relation de leur client avec
l’agence. De plus, selon ce document, cette relation « s’est maintenue
pendant 25 ans ».
« La déclaration du gouvernement selon laquelle son
service pour les Etats-Unis aurait pris fin en 1976 est fausse », affirme
le document.
Les implications de cette contre-motion sont claires. Posada
Carriles travaillait pour la CIA lorsqu’il a préparé et exécuté l’attentat
terroriste qui tua 73 personnes à bord de l’avion cubain et l’assassinat à la
voiture piégée de Washington. De plus, il est demeuré un agent ou un
« atout » de l’agence du renseignement américaine tout en continuant
d’organiser des actes de terrorisme et de répression à Cuba, en Amérique
centrale et ailleurs, durant au moins une décennie de plus. Les deux actes
terroristes de 1976 furent exécutés lorsque George H.W. Bush, le père du
président actuel, était directeur de la CIA.
Des documents secrets aujourd’hui publics, obtenus en 2005 par
le National Security Archive, (disponibles
ici) établissent que la CIA avait une connaissance préalable de l’attentat
aérien projeté et que l’attaché du FBI à Caracas avait eu des contacts répétés
avec un des agents qui avait placé la bombe dans l’avion et lui avait obtenu,
quelques jours seulement avant l’attentat, un visa pour se rendre aux
Etats-Unis.
La tentative du gouvernement américain d’imposer le silence à
Posada Carriles sur ses liens avec la CIA et la contre-motion soutenant que ces
liens ont perduré pendant 25 ans au moins, montrent la véritable raison pour
laquelle l’administration Bush refuse de respecter le droit international et de
l’extrader au Venezuela pour y être jugé.
L’administration a offert cette incroyable justification de
son refus d’une extradition que Posada Carriles risquait la torture au
Venezuela (ceci de la part d’un gouvernement qui a non seulement torturé ses
propres détenus à Guantanamo, Abou Ghraib et ailleurs, mais les a également
envoyé dans d’autres pays précisément pour y être torturé). La vraie raison cependant
est qu’un tel procès révèlerait le rôle joué par Washington pendant les
décennies de terrorisme et de répression en Amérique latine.
Le 25 avril, l’ambassadeur Venezuela à l’Organisation des
États américains (OEA), Nelson Pineda, a accusé les États-Unis de donner asile
à « un terroriste avoué et reconnu coupable comme tel » et a demandé
que Washington respecte son traité bilatéral d’extradition avec le Venezuela.
Pineda a lu une déclaration du ministre vénézuélien des Affaires étrangères
disant : « La mise en liberté du terroriste Luis Posada Carriles est
le résultat final des manœuvres du gouvernement de George W. Bush, mises en
œuvre pour le protéger et par ce geste, il fait la promotion de l’impunité et se
moque de façon déplorable de la mémoire des victimes de l’explosion de l’avion
de la Cubana de Aviación en 1976. »
« Cet acte de complicité, commis par le sinistre
président américain, vise à acheter le silence de Posada Carilles, qui a été
durant des années un agent de la CIA et un pion du clan Bush, comme le démontrent
des documents déclassifiés aux États-Unis et pour cette raison, il peut fournir
des informations importantes sur les activités criminelles menées contre les
peuples de l’Amérique latine et des Caraïbes. »
En réponse à ces accusations, la représentante américaine par intérim
à l’OEA, Margarita Riva-Geoghegan, a ignoré la demande d’extradition, déclarant
crânement : « Les États-Unis ne donnent pas asile à Luis Posada
Carriles. » Elle poursuivit : « Les États-Unis ont leur propre procédure
judiciaire nationale dans un domaine où M. Posada Carriles a enfreint la
loi. »
Une telle affirmation est absurde. Les accusations de meurtre
et de terrorisme, confirmées par des documents provenant des États-Unis mêmes,
ont clairement préséance sur les infractions mineures aux lois sur
l’immigration. Ces dernières servent de prétexte pour ignorer les demandes
d’extradition et veulent cacher qu’en réalité les États-Unis abritent et
protègent Posada Carriles.
À Cuba, entre temps, la marche annuelle du 1er mai fut dominée
par des pancartes et des slogans demandant l’extradition de Posada Carriles et
la libération des « cinq Cubains », cinq personnes originaires de
Cuba et emprisonnées aux États-Unis depuis 1998. Trouvées coupables des
accusations de conspiration et d’espionnage pour avoir surveillé des groupes d’exilés
terroristes anticastristes basés à Miami, ces cinq personnes ont été inculpées
en 2001 et condamnées à des peines de prison allant de 15 ans de prison à la
perpétuité.