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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Au-delà de l’hyperbole, quel avenir pour l’Irlande du Nord ?

Par Chris Marsden et Julie Hyland
15 mai 2007

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La cérémonie d’inauguration de l’Assemblée de partage du pouvoir à Stormont, où l’on a vu Martin McGuinness du Sinn Féin s’asseoir aux côtés d’Ian Paisley du Parti unioniste démocratique (PUD), a été décrite comme une fin de conte de fée pour le processus de paix en Irlande du Nord. En fait, cet accord ressemble plus à une entente d’affaire entre deux parties hostiles qui a pour objectif d’ouvrir les portes de l’Irlande du Nord aux investisseurs globaux.

Il y quelques chose de grotesque à voir Paisley rire et plaisanter avec les médias, disant : « Je me demande pourquoi on me hait, parce que je suis une bonne personne. » Et McGuiness de se tenir debout à ses côtés alors que, devant Stormont, la police brise une manifestation contre la guerre en Irak. Il est encore plus révoltant de voir le premier ministre britannique Tony Blair chercher à se présenter comme un architecte de la paix, comme si le conflit sanglant de plus de trente ans n’avait rien à voir avec la Grande-Bretagne.

Les affirmations que le conflit confessionnel en Irlande du Nord a été mis de côté sont néanmoins exactes sur un point. Les divisions entre unionistes et républicains qui ont été nourries par l’impérialisme britannique pendant des siècles ont joué un rôle essentiel pour cacher les antagonismes de classes fondamentaux au sein de la société irlandaise du Nord. L’alliance entre le PUD et le Sinn Féin servira à les exposer comme des partisans du Capital, fondamentalement hostiles aux intérêts sociaux de la classe ouvrière, tant catholique que protestante.

Près de dix années ont passé depuis la signature de l’accord de paix du Vendredi saint en 1998, qui a fondé l’Assemblée de Stormont. Cela fut rendu possible après que le Sinn Féin ait accepté de renoncer à sa campagne terroriste et de reconnaître la légitimité de l’Etat nord-irlandais.

Au même moment, le PUD prenait la position qu’il fallait s’opposer à l’accord, contrairement au Parti unioniste de l’Ulster (PUU), le parti plus grand de David Trimble. Cette position reflétait une certaine inquiétude que les efforts de l’impérialisme américain et britannique et du gouvernement de l’Irlande du Sud pour mettre fin aux énormes coûts en sécurité reliés aux « troubles » et pour créer un environnement plus propice aux investissements menaceraient le contrôle exercés par les unionistes sur leur base protestante.

Les années qui suivirent furent caractérisées par un effort concerté de la part de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis pour que le Sinn Féin et l’Armée républicaine irlandaise (IRA) respectent les termes de l’entente. Ces efforts se sont concentrés sur la question du désarmement et de l’acceptation du service de police de l’Irlande du Nord réformé. Le PUD a pu profiter des préoccupations de la majorité protestante pour dépasser le PUU en popularité. Le PUD est ainsi devenu le principal obstacle à l’implémentation des nouveaux arrangements constitutionnels.

Dans les mois qui ont précédé la cérémonie, une grande pression a été exercée par Washington et Londres pour que Paisley rentre dans le rang. Ainsi, l’organisation partisane de la ligne dure et la plus opposée à l’accord détient la majorité et le poste de premier ministre à l’Assemblée aux côtés du Sinn Féin en tant que plus grand parti républicain.

La manipulation des tensions confessionnelles est toujours présente. En fait, elle est intégrée aux structures mêmes de la constitution irlandaise, qui définit les parties comme les représentants des deux « communautés » opposées.

Le Sinn Féin et le PUD sont unis sur l’idée qu’il faut transformer l’Irlande du Nord en une plateforme d’investissement où les impôts sont bas, offrant un accès un marché européen et à une force de travail parlant anglais, semblable à ce qui se fait en Irlande du Sud. Ils se sont rapprochés sont l’œil de Blair, le secrétaire de l’Irlande du Nord, Peter Hain, le premier ministre irlandais, Bertie Ahern et une délégation de notables américains ayant à sa tête le sénateur Edward Kennedy, dont les intérêts dans le processus sont comparables à ceux d’un important actionnaire dans un conseil d’administration.

Mise à part la rhétorique sur la « paix » et le processus de « guérison », on ne discuta que des changements nécessaires à l’économie de l’Irlande du Nord, et en particulier du démantèlement du secteur public.

McGuinness a même axé son discours sur la promesse « d’encourager l’investissement et améliorer les infrastructures de la province ».

Qu’est-ce que cela signifie ? Dans un commentaire publié dans le Guardian, Hain a affirmé : « Lorsque je suis devenu secrétaire d’Etat deux ans auparavant, je fus étonné et consterné de constater que l’Irlande du Nord était, et est toujours, très dépendante du secteur public.

 « Et bien que le taux de chômage n’ait jamais été aussi bas, les prix des maisons à la hausse indiquant une prospérité accrue, il faut rééquilibrer l’économie si l’on souhaite maintenir cette situation à long terme. Cela signifie investir davantage chez nous, plus de croissance pour les entreprises d’ici et encourager encore plus les entrepreneurs. »

Il insista que « de brillants efforts devront être réalisés pour permettre à l’Irlande du Nord de faire face aux défis mondiaux en provenance de l’Europe de l’Est, de l’Inde et de la Chine. »

Faire face aux « défis mondiaux » veut dire couper dans les taxes imposées aux sociétés ainsi que dans les dépenses publiques, afin de rattraper Dublin.

Paisley a lui-même appuyé la mise en place d’un taux d’imposition unique pour les entreprises à travers l’Irlande, qui se situe à seulement 12,5 pour cent au Sud. Payer pour cette mesure exigerait d’importantes réductions dans les prestations et les services sociaux dans un contexte où les revenus du Nord proviennent à 60 pour cent de Westminster. L’écart entre les dépenses publiques et les taxes perçues au Nord se situe environ à 6 milliards £, ou 3000 £ par personne.

Londres a déjà clairement affirmé que ce niveau de subventions devait cesser bien que, afin de faciliter la transition vers une forme de gouvernement autonome, il ait accepté temporairement de subventionner le Nord. De plus, même si l’Irlande du Nord n’est plus considérée comme une région européenne nécessitant une aide économique spéciale, elle reçoit toujours du financement de l’ordre de 1 milliard € sur sept ans de l’Union européenne, ainsi que plus d’un demi-milliard d’euros pour faciliter le processus de paix.

Le Sinn Féin et le PUD se sont alliés afin d’exploiter ce qu’ils perçoivent comme étant une occasion limitée dans le temps, durant laquelle ce financement peut être utilisé pour contrer en partie les impacts sociaux d’une restructuration économique. Cependant, la grande entreprise souligne déjà que cet argent devra servir à favoriser l’investissement et non à financer des programmes sociaux.

Le Financial Times a affirmé : « L’Irlande du Nord dépend trop du secteur public... Le gouvernement est l’employeur direct d’environ un tiers de la main-d’oeuvre et près de deux tiers de la production économique provient de ce dernier. La proportion des gens en âge de travailler qui ne sont pas économiquement actifs est de 27,7 pour cent, soit le plus haut pourcentage des 12 régions du Royaume-Uni et bien au-delà de la moyenne de celui-ci qui se situe à 21,4 pour cent. »

Selon le journal, « S’unir pour exiger plus de financement du gouvernement central à Whitehall doit paraître plus facile que de bâtir une telle coalition pour adopter des politiques de développement de l’entreprise et d’appui aux entrepreneurs ». Il a averti que « Les ministres du tout nouvel exécutif n’ont pas de temps à perdre. C’est un moment propice pour obtenir l’appui de l’Union européenne sur des mesures spéciales visant à aider l’Irlande du Nord. Plus le temps passe, plus cette générosité diminuera et le contribuable anglais critiquera l’ampleur des subventions publiques offertes à la population de la province. L’autonomie doit devenir la motivation pour une autosuffisance, avant que la perspective d’une collaboration entre M. Paisley et M. McGuinness ne devienne banale plutôt qu’extraordinaire. »

De graves conséquences sociales découlent de telles mesures. Un rapport sur la « Pauvreté et répartition des revenus en Irlande du Nord », publié par le Conseil économique et social de recherche, affirme que « Nulle part ailleurs au Royaume-Uni la pauvreté infantile est-elle plus enracinée, plus importante ou, en de nombreux endroits, plus concentrée. »

En plus de la pauvreté infantile, qui se situe actuellement autour de 37 pour cent en Irlande du Nord, le rapport continue en mentionnant que « dans les parties les plus pauvres de Belfast et Derry…, dans certains quartiers, 90 pour cent de la population survie avec des prestations ». Le rapport remet en question l’efficacité des différents programmes de travail obligatoire pour l’obtention des prestations alors que les salaires sont 20 pour cent plus bas que le salaire moyen en Angleterre.

Le rapport attire l’attention sur une étude précédente publiée par le groupe de réflexion Dialogue démocratique de Belfast, qui conclu que 30 pour cent des foyers d’Irlande du Nord sont pauvres, 2 pour cent sont récemment sortis de la pauvreté et 12 pour cent sont vulnérables à la pauvreté. Cela fait au total plus d’un demi-million de personnes, y compris près de 150 000 enfants. C’est un taux de pauvreté plus élevé qu’en Angleterre dans son ensemble et plus que dans la république d’Irlande.

Le rapport note également des aspects du processus de paix donnant un aperçu des véritables intérêts sociaux représentés par le Sinn Féin et l’UDF.

Il déclare : « Comparé au tigre celtique au sud, la croissance économique a été plus modeste, mais a été plus rapide que toute autre région de l’Angleterre à la fin des années 90. Il y a eu une grande extension de la classe moyenne des deux côtés de la ligne de division, mais particulièrement au sein de la communauté catholique, nourrie par une éducation plus élevée, qui a produit un plus grand nombre de professionnels et de managers. Alors qu’avant, les foyers protestants avaient un revenu plus élevé que les catholiques, la différence aujourd’hui est beaucoup moins importante.   

« Plusieurs emplois ont été créés comme résultat de l’entente de paix. La réforme du système de justice criminel et de la police a entraîné une augmentation des dépenses plutôt qu’une réduction pour la paix, en établissant un système de poursuite indépendant, des partenariats entre les districts pour la surveillance policière, des partenariats pour la sécurité entre communautés, des analystes civiles pour les crimes, des officiers de même rangs et un soutien aux employés. »

Le rapport souligne : « la vie de ces professionnels est plus en évidence que la pauvreté masquée » dans l’étude du Dialogue démocratique.

La tentative délibérée de cultiver une base sociale petite bourgeoise pour le nouvel arrangement constitutionnel trouve son expression la plus achevée dans la transformation du Sein Féin, de concert avec le PUD, en gardien de l’Etat de l’Irlande du Nord.

Néanmoins, la couche sociale qu’ils représentent est étroite et, compte tenu des coupes demandées, insoutenable à moyen terme.

Comme l’expliqua le World Socialist Web Site au moment de la ratification de l’Entente de l’Irlande du Nord en mai 1998 :

« Les profonds problèmes démocratiques et sociaux auxquels sont confrontés les travailleurs irlandais ne peuvent pas être et ne seront pas surmontés par une mise à niveau des mécanismes existants  du pouvoir capitaliste. Le balayage de l’héritage des traditions arriérées et des antagonismes religieux requiert une restructuration radicale de la vie économique et sociale. La classe ouvrière est la seule force sociale capable de mobiliser tous les opprimés pour mener à bien un tel changement révolutionnaire. La question cruciale est le développement d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière, ce qui requiert une rupture consciente avec les politiques du nationalisme et du réformisme.

« Un nouveau parti de la classe ouvrière doit être construit, basé sur un programme qui réponde aux besoins universels de la classe ouvrière pour des emplois et un niveau de vie décent, qui défende les droits démocratiques et lutte pour l’égalité sociale. Sur la base d’un tel programme socialiste, toutes les sections de la classe ouvrière – protestantes et catholiques, irlandaises et britanniques – pourront et devront être unies dans la lutte contre l’oppresseur commun, le capitalisme. »

(Article original paru le 10 mai 2007)


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