Confrontés à des demandes patronales visant de front leurs
conditions de travail, les 2.200 employés du service d’entretien de la
Société de Transport de Montréal (STM), dont la convention collective est échue
depuis le 6 janvier dernier, ont débrayé dans la nuit de lundi à mardi.
Les deux questions au cœur du litige sont les salaires
et le régime de retraite. La STM veut imposer un gel des salaires la première
année et deux pour cent d’augmentation les quatre années subséquentes. Même
si le taux d’inflation devait rester à son niveau actuel d’environ
deux pour cent, cela représenterait une baisse du salaire réel des employés. La
STM veut aussi maintenir le régime actuel qui fait passer l’âge de la
retraite de 30 à 35 ans d’ancienneté pour ceux qui prendront leur
retraite après 2020, soit environ la moitié des travailleurs.
Dans une menace à peine voilée de soulever des exigences
encore plus draconiennes, le président du conseil d’administration de la
STM, Claude Trudel, écrivait la semaine dernière : « nous ne fermons
pas l’entreprise, nous ne coupons pas de postes, … nous demandons
seulement un gel de salaire en 2007 ». Cette remarque illustre combien
l’intransigeance patronale à laquelle font face les employés d’entretien
de la STM s’inscrit dans le cadre d’un assaut généralisé sur les
conditions de travail dans tous les secteurs de l’économie.
Les employés du secteur public québécois sont en outre
confrontés à une série de lois anti-syndicales. L’une d’elles
concerne le Conseil des services essentiels, mis sur pied par le Parti
québécois en 1982 pour enlever à toutes fins pratiques le droit de grève aux
travailleurs des hôpitaux, des écoles et du transport en commun. Fidèle à son
mandat, ce Conseil est immédiatement intervenu dans le conflit à la STM pour exiger
que les services d’autobus et de métro soient maintenus aux heures de
pointe et en fin de soirée, tant la semaine qu’en fin de semaine.
Malgré ces sévères restrictions, des personnalités politiques
telles que Mario Dumont, populiste de droite dont le parti forme maintenant l’opposition
officielle à Québec, ont appelé le gouvernement libéral minoritaire de Jean
Charest à adopter une loi spéciale pour briser la grève.
Au même moment, comme il fallait s’y attendre, la
presse patronale, la direction de la STM et l’administration de la ville
de Montréal tentent de dépeindre les travailleurs des services
d’entretien comme des ouvriers surpayés qui devraient accepter sans
critique les salaires qu’on leur impose.
Par des commentaires démagogiques, ils invoquent la pénible
épreuve que devront subir les familles à revenus plus modestes qui dépendent du
transport en commun. Comme s’il était possible d’établir une
comparaison entre l’impact d’une grève de travailleurs qui
défendent leurs conditions de vie et les conséquences de décennies de coupures
dans les services publics et sociaux.
Alors que le Conseil des services essentiels se pose en
défenseur de la population face aux demandes supposément excessives des
employés du secteur public, il ne souffle pas mot devant la dégradation
continuelle des services publics sous le couperet des différentes instances
gouvernementales, qui canalisent les ressources de la société vers des baisses
d’impôts pour les riches et la grande entreprise.
Dans le cas de la Société de Transport de Montréal, les
chiffres démontrent que malgré un achalandage croissant au cours des dernières
années, la part des revenus du budget fournis par la ville de Montréal et la
province de Québec n’a cessé de diminuer, alors que celle provenant des
usagers augmentait.
Dans les prévisions du budget de la STM de 2007, on
rapporte que 47,3 pour cent des revenus devraient provenir des usagers,
comparativement à 42,9 pour cent pour la même donnée en 2000. Pour la même
période, la part relevant de la municipalité et du gouvernement provincial
devrait passer de 44,5 pour cent à 41,2 pour cent. Et alors que les usagers
subissaient une augmentation considérable du prix de la passe mensuelle,
20 $ en neuf ans, de 45 $ à 65 $, les services offerts en terme
de distances desservies par l’autobus et le métro demeuraient
essentiellement les mêmes.
La bureaucratie privilégiée qui domine les syndicats
n’a ni la volonté, ni la capacité, de mener l’offensive politique
nécessaire pour démasquer la démagogique patronale en faisant appel aux couches
les plus larges parmi les travailleurs et les classes moyennes. Le syndicat des
travailleurs de l’entretien, affilié à la Confédération des syndicats
nationaux (CSN), était plutôt occupé à faire des concessions dans le vain
espoir d’éviter la confrontation avec la STM.
C’est qu’ainsi que la direction syndicale
proposait à la dernière minute lundi de ne pas exercer le mandat à 97 pour cent
pour la grève obtenu le 4 mars dernier, et de renoncer à ses demandes
initiales, à savoir : des augmentations salariales de 2 pour cent plus
l’indexation au coût de la vie sur un contrat de trois ans, et
l’abolition du régime de retraite qui divise les travailleurs selon
l’âge.
Dans un communiqué émis par le syndicat, on peut lire ce
qui suit : « Selon les termes de la proposition syndicale, les sommes
nécessaires au rétablissement de l’équité dans le régime de retraite, équivalant
à plus ou moins 1 %, seraient puisées à même les sommes dévolues aux
augmentations de salaire. »
Le syndicat des employés d’entretien se vante aussi
de n’avoir recouru, depuis 1983, qu’une seule fois à la grève, qualifiant
ce moyen de pression de « moyen ultime à utiliser de façon
responsable ». Et de fait, la quasi-absence de grèves de 1983 à
aujourd’hui à la STM contraste vivement avec la multitude de conflits de
travail qui ont pris place lors des années précédentes.
Cette statistique reflète à quel point les luttes des
travailleurs ont été étouffées durant cette période par une bureaucratie
syndicale qui associe la défense de ses privilèges au maintien du système
existant.