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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Les élections au Québec et le virage à droite de l’élite canadienne

Par Richard Dufour
6 mars 2007

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Le déclenchement le 23 février dernier d'élections générales au Québec annonce un autre tournant à droite de l’élite dirigeante, les premiers ministres québécois et canadien travaillant main dans la main pour manipuler l’opinion publique afin de lui imposer leur programme commun axé sur l’érosion des services publics et la promotion du militarisme le plus débridé.

Élu pour un mandat de cinq ans en avril 2003, le gouvernement libéral de Jean Charest avait jusqu'en avril 2008 pour appeler à de nouvelles élections. Si Charest a décidé de fixer celles-ci au 26 mars prochain, c'est en partie parce que les sondages lui sont favorables, lui dont la cote de popularité était au plus bas il n’y a pas si longtemps suite aux mesures de réaction sociale qu’il a fait passer.

Son programme gouvernemental reposait en effet sur des baisses massives de taxes au profit des riches, le démantèlement et la privatisation de pans entiers des programmes sociaux, et l'élimination des normes de protection du travail. Bien que Charest, face à une importante opposition populaire, n’ait pas atteint la cible promise de $15 milliards en baisses d’impôt sur cinq ans, son gouvernement a quand même réussi à imposer une série de mesures de droite.

L’une des plus réactionnaires a été de permettre au secteur privé d’assurer et de fournir aux frais de l'État des soins hospitaliers pour les opérations de la hanche, du genou et de la cataracte, la liste devant ensuite être étendue, notamment aux soins cardiaques spécialisés et aux chirurgies liées au cancer.

Cette mesure a marqué une étape décisive dans l'assaut sur le réseau public de la santé que réclame l'élite dirigeante et dont le terrain légal a été préparé par le jugement de juin 2005 de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Chaoulli. Les délais pour des soins médicaux nécessaires et l'interdiction de souscrire à une assurance privée violaient la Charte québécoise des droits et libertés, a statué le plus haut tribunal du pays dans ce jugement.

Une autre mesure du gouvernement Charest qui a visé de front le monde du travail a été l'adoption en décembre 2005 d'une loi spéciale fixant jusqu'en mars 2010 la convention collective des 500.000 employés du secteur public de la province, avec une hausse salariale se situant en deçà du taux d'inflation et des clauses punissant sévèrement tout mouvement de grève.

Le programme anti-social de Charest a suscité une immense opposition populaire qui a éclaté au grand jour avec les manifestations anti-gouvernementales de masse de décembre 2003, puis lors de la grève étudiante du printemps 2005.

Ce mouvement d’opposition a été torpillé par la bureaucratie syndicale pro-capitaliste, qui craignait qu’il ne devienne une menace non seulement pour le gouvernement québécois mais pour l’élite dirigeante canadienne en son ensemble. Comme l’a souligné la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, au plus fort des manifestations anti-Charest de décembre 2003,  « je ne souhaite pas qu'il [Charest] renonce à légiférer et à gouverner ».

L’étouffement de la colère populaire à l’endroit de son gouvernement constitue la première raison de la remontée politique de Charest. La seconde réside dans le fait que l’autre grand parti de la grande entreprise au Québec, le Parti québécois, est de moins en moins capable de se différencier des libéraux, préoccupé qu’il est par son désir de « soulager le capital », selon l’expression de son chef, André Boisclair.

Les appels ouverts de Boisclair à la grande entreprise font suite au plus récent passage au pouvoir du PQ, de 1994 à 2003, période qui a vu les premiers ministres péquistes Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry réduire drastiquement les dépenses sociales et invoquer des lois anti-syndicales pour museler les travailleurs.

Ni le bilan de droite d’une décennie de gouvernements péquistes, ni l’orientation pro-patronale affichée par son chef, n’ont toutefois dissuadé les chefs syndicaux de maintenir et de réaffirmer leur soutien politique pour ce parti de la grande entreprise. Un congrès extraordinaire de la FTQ, la plus grande centrale syndicale québécoise avec plus d’un demi-million de membres, a voté ce week-end en faveur d’un appui au PQ dans l’actuelle campagne électorale.

Le second souffle politique dont bénéficie Charest exprime avant tout l’impossibilité pour les besoins de la majorité – des emplois décents et des services publics de qualité – de trouver la moindre expression dans le cadre politique existant.

Charest bénéficie également du soutien des sections les plus importantes de la grande entreprise. Celles-ci avaient initialement critiqué la lenteur du gouvernement libéral à réduire les taxes sur les riches et sa réticence à utiliser le « modèle québécois » consistant à utiliser la bureaucratie syndicale pour museler politiquement les travailleurs. Elles en sont venues, depuis, à apprécier sa capacité à prendre pour cible des acquis sociaux majeurs, tels que le système de santé public, tout en se faisant passer pour un modéré.

Cette opération camouflage de Charest a été facilitée par l’apparition de l’ADQ, un parti qui dénonce les programmes sociaux universels au nom de la liberté individuelle et prône les formes les plus vulgaires de nationalisme et de chauvinisme anti-immigrants. Ce parti est utilisé par l’élite dirigeante pour pousser le débat public encore plus à droite. Et les partis bourgeois établis, comme les libéraux de Charest, s’en servent comme épouvantail pour dissimuler leurs propres mesures réactionnaires et se présenter aux yeux des électeurs comme un moindre mal.

Si la classe dirigeante canadienne souhaite la réélection de Charest, comme en atteste par exemple un éditorial du Globe and Mail qualifiant ce dernier de « politicien raisonnable et mature qui a donné un bon gouvernement à sa province », ce n’est pas seulement question de maintenir un cap de droite dans la politique québécoise.

L’enjeu plus large de l’élection au Québec est son impact sur la situation politique dans l’ensemble du Canada, et en l’occurrence dans le monde.

Charest, lui-même un ancien chef du parti progressiste-conservateur fédéral, est un allié politique de longue date de l’actuel chef conservateur Stephen Harper, qui dirige depuis un an un gouvernement minoritaire à Ottawa. La réélection du premier est vue par de nombreux analystes comme un facteur essentiel dans les efforts du second pour obtenir une majorité lors d’une élection fédérale, qui pourrait être déclenchée pas plus tard que ce printemps.

Un des points forts de la campagne électorale au Québec sera le dépôt du budget fédéral prévu le 19 mars, soit une semaine à peine avant le scrutin. Le gouvernement Harper, qui prône une décentralisation de la fédération canadienne en tant que mécanisme pour saper les programmes sociaux nationaux, pourrait annoncer un transfert important de pouvoirs et de fonds d’Ottawa vers les provinces. Cela permettrait à Charest de vanter les vertus du fédéralisme canadien et de dénoncer l’option de la souveraineté du Québec défendue par le PQ.

Une éventuelle victoire électorale de Charest serait utilisée à son tour par Harper comme preuve que sa supposée « ouverture » au Québec, c’est-à-dire aux demandes de la classe dirigeante québécoise pour plus de pouvoirs, est payante pour le Canada. Il pourrait alors être tenté de provoquer des élections fédérales dans l’espoir qu’un vote accru en provenance du Québec serait suffisant pour lui donner le gouvernement majoritaire qu’il convoite pour pousser plus de l’avant sa politique radicale de droite.

Pour Harper et les conservateurs, autrement dit, l’espoir de former un gouvernement majoritaire ne repose pas sur la perspective de convaincre l’opinion publique du bien-fondé de leurs positions. Il s’agit là d’une tâche quasi-insurmontable, étant donné le très faible appui populaire pour leur programme visant à démanteler ce qui reste de l’État-providence, à fouler aux pieds les droits démocratiques sous le prétexte de la « guerre au terrorisme », et à mener une politique étrangère agressive pour faire valoir les intérêts géostratégiques de la classe dirigeante canadienne.

Par contre, tout comme il a pu prendre le pouvoir en menant une campagne démagogique autour de la corruption du gouvernement libéral précédent, Harper, qui a pu et peut encore compter sur le soutien des sections les plus puissantes de la classe dirigeante, espère consolider ce pouvoir en manipulant le processus électoral et les rivalités régionales au sein de l’élite.

Le recours à de telles méthodes, basées sur le mépris de l’opinion publique, est inséparable du contenu de la politique poursuivie par les conservateurs, qui consiste à sacrifier les besoins sociaux de la majorité à la chasse aux profits d’une minorité au nom du libre-marché et à faire renaître les traditions militaristes du Canada afin de participer activement au nouveau dépeçage colonial du monde.

Une de ses manifestations les plus aiguës est l’opération de contre-insurrection menée par les forces armées canadiennes dans le sud de l’Afghanistan dans le cadre d’une guerre d’occupation lancée par les États-Unis, opération que Harper ne cesse de promouvoir avec le plein appui de l’establishment politique et médiatique du Canada.

En arrimant ainsi la politique étrangère du Canada à celle de Washington – comme en été dernier lorsqu’Ottawa a endossé l’assaut israélo-américain sur le Liban — le gouvernement Harper se trouve à prendre appui sur l’élément le plus déstabilisateur dans le monde. Après son fiasco en Irak, l’administration Bush s’apprête à lancer une autre guerre de conquête, cette fois contre l’Iran, tout en attisant les conflits ethniques dans la région.

Pour une administration politiquement affaiblie par son échec catastrophique en Irak et sa débâcle aux élections législatives de 2006, et qui se prépare à lancer une autre aventure militaire aux conséquences incalculables, le soutien d’un pays comme le Canada, qui a longtemps maintenu pour ses propres raisons la façade d’une politique étrangère indépendante de Washington, peut jouer un rôle non négligeable.

L’élection au Québec pourrait devenir, dans le cadre des manœuvres électorales de Harper pour consolider son pouvoir et renforcer sa collaboration avec Washington, un maillon dans une chaîne internationale d’événements menant à une conflagration majeure dans une région critique du monde.

Il est d’autant plus nécessaire pour les travailleurs au Québec et partout au Canada de soulever les questions vitales qui seront écartées du débat électoral québécois – les guerres néo-coloniales en Irak et en Afghanistan et, autre expression de la crise insoluble du capitalisme mondial, l’assaut répété sur les droits démocratiques et le niveau de vie des travailleurs d’ici.

La tâche incontournable de l’heure est la construction d’un mouvement mondial de masse de la classe ouvrière contre les guerres menées et planifiées par les États-Unis et leurs alliés, dont le Canada. Aux appels nationalistes que lancent tous les partis impliqués dans l’élection québécoise, il faut opposer l’unité internationale des travailleurs dans une lutte commune contre la source objective de la guerre et des inégalités sociales montantes, à savoir le système de profit.


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