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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Etats-Unis: La pauvreté extrême à son plus haut niveau depuis trois décennies

Par Naomi Spencer
20 mars 2007

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Selon une analyse des données du Bureau du recensement publiée le 22 février par le journal appartenant au groupe McClatchy, la pauvreté extrême aux Etats-Unis a atteint son plus haut niveau depuis trois décennies. Cette augmentation reflète la dure réalité du déclin du niveau de vie de la majorité de la population durant la soi-disant reprise capitaliste de ces cinq dernières années ainsi que la période qui l’a précédée.

En 2005, les personnes gagnant moins de 5 080 dollars par an étaient considérées comme extrêmement pauvres; une famille de quatre personnes avec deux enfants était extrêmement pauvre si elle disposait de moins de 9 903 dollars. D’après l’étude, près de 16 millions d’Américains vivaient en 2005 dans l’extrême pauvreté ou sous un seuil de pauvreté correspondant à la moitié du seuil de pauvreté fixé par le gouvernement fédéral.

Ce chiffre représente près de la moitié de l’ensemble de la population pauvre, la proportion la plus forte de la population à vivre dans la misère depuis au moins 1975. Entre 2000 et 2005 uniquement, ce groupe s’est accru de 26 pour cent et ce même durant la reprise de l’économie après la récession.

Selon Tony Pugh, l’auteur du rapport, cet accroissement de la pauvreté extrême dépassait de 56 pour cent l’accroissement de la pauvreté de l’ensemble de la population qui s’est également considérablement accru au cours de cette période.

En 2005, 12,6 pour cent de la population, ou 37 millions de personnes, y compris 13 millions d’enfants, vivaient sous le seuil de pauvreté officiel. Le rapport McClatchy constate que près d’une personne sur trois vivant dans la pauvreté extrême est âgée de moins de 17 ans, et que près des deux tiers de la population pauvre sont des femmes. Les familles dirigées par des femmes comptent parmi les plus pauvres aux Etats-Unis.

Les familles de minorités sont appauvries de manière disproportionnée. Les données des recensements révèlent que les Noirs à faible revenu sont plus de trois fois plus à même d’être extrêmement pauvres que les Blancs non hispaniques. Les Hispaniques pauvres sont plus de deux fois plus susceptibles de souffrir de pauvreté extrême. En 2005, 4,3 millions des personnes vivant dans la pauvreté extrême étaient des Noirs, et 3,7 millions des Hispaniques.

De nombreuses personnes très pauvres appartenant à des minorités sont des personnes âgées qui ont travaillé durant des décennies dans le secteur manufacturier qui s’est à présent effondré. Ces personnes souffrent de blessures attribuables au travail et d’autres problèmes de santé. Le rapport McClatchy a cité le témoignage de David Jones, président de l’association des services communautaires de New York, qui a dit: « Vous avez toute cette cohorte d’Afro-américains en particulier, des hommes dont les qualifications professionnelles restreintes font qu’ils ne peuvent intégrer le monde du travail faute de ne pouvoir rien faire d’autre que des travaux lourds. »

Mark Rank, professeur de sociologie à l’université de Wisconsin, a dit à l’agence de presse qu’un Américain sur trois sombrait au moins durant une année dans la pauvreté extrême à un moment ou un autre de sa vie. Se basant sur des recherches longitudinales, Rank a évalué que 58 pour cent des Américains âgés entre 20 et 75 ans vont vivre au moins une année dans la pauvreté. Deux Américains sur trois, âgés de 20 à 65 ans et 40 pour cent de la population feront appel à un programme d’assistance publique pendant au moins cinq ans. Les évaluations de la pauvreté ne comprennent pas la population des immigrés sans papiers qui contribuerait certainement à augmenter le taux.

Selon l’étude des données des recensements de McClatchy, 65 des 215 comtés américains ont vu leurs statistiques sur la pauvreté extrême augmenter fortement. Le rapport a noté qu’au lieu de se concentrer dans des régions particulières du pays, telle la région du Gulf Coast américaine ou des centres industriels du Midwest qui se sont effondrés, « l’augmentation des habitants extrêmement pauvres ne se limite pas aux vastes comtés urbains, mais s’étend aux zones urbaines et rurales. »

La frontière américano-mexicaine et le sud ont recensé la pauvreté la plus extrême. Là, 6,5 millions de personnes sont extrêmement pauvres. Un grand nombre d’entre eux sont des travailleurs à bas salaire employés dans l’habillement, le textile et le mobilier donc dans des usines qui ont à présent annoncé des fermetures ou des délocalisations. Il en est de même pour les soi-disant zones industrielles du Midwest et du Nord-Est américain à la suite de licenciements massifs et de fermetures d’usines.

Sur les cinquante états américains, Washington D.C. a enregistré la plus forte concentration de pauvreté extrême avec un taux de 10,8 pour cent de l’ensemble de la population en 2005. Ce taux dépasse même celui du Mississipi et de la Louisiane, où les populations furent dévastées par l’ouragan Katrina. Dans la capitale nationale, près de 6 résidents pauvres sur 10 sont extrêmement appauvris. En plein centre du pays le plus riche du monde, où des millions de millions de dollars sont engloutis par la guerre, par les réductions d’impôts et les cadeaux aux entreprises, la symbolique est sans équivoque.

Déjà accablantes en soi, les données rassemblées par le Bureau du recensement commencent à peine à refléter l'état de pauvreté réel existant aux Etats-Unis, on est encore loin d'expliquer les vraies raisons de son aggravation. De plus, le seuil de pauvreté officiel est en soi tout à fait inadapté comme critère de bien-être et de stabilité économiques et sert plus à minimiser le déclin du niveau de vie qu'à l'élucider.

Lorsque, il y a près d'un demi-siècle, le seuil de pauvreté fut défini, il fut déterminé en fonction  du strict minimum nécessaire pour qu'une famille se nourrisse sainement, étant donné qu'une famille moyenne dépense un tiers de ses revenus en nourriture. Bien qu'il ait été corrigé tous les ans en raison de l'inflation, le critère de pauvreté ne tient pas compte des changements substantiels survenus dans les dépenses courantes des travailleurs américains, tels le coût de la garde des enfants et les frais de transport, l’augmentation considérable des coûts de logement ou les dépenses exorbitantes des soins de santé auxquelles est confrontée la population pauvre sans couverture maladie pour la plupart.

Seules les personnes excessivement riches ont bénéficié de la reprise économique depuis 2001 ; la grande majorité des Américains ont incontestablement connu un déclin de leur niveau de vie, de leur perspective d’emploi et de retraite et de leurs économies. Selon le dernier rapport The State of Working America publié par l’Economie Policy Institute (EPI), « En dépit du fait que la reprise économique la plus récente ait débuté à la fin de 2001, le revenu réel d’une famille médiane a baissé chaque année jusqu’en 2004. Entre 2000 et 2005, le revenu familial médian réel a chuté de 2,3 pour cent, soit d’environ 1 300 dollars en 2004. » [1]

Tandis que les salaires stagnaient, le coût de la vie augmentait de façon significative en poussant les populations à revenu faible et moyen dans des circonstances toujours plus difficiles. Ceux qui, soit se trouvent au bord de la pauvreté soit y sont déjà, ont été les plus vulnérables à cette régression en raison du caractère « sans emploi » de cette reprise.

Une analyse des informations relatives à l’impôt de 2004 qui fut réalisée en novembre 2006 par le New York Times a révélé que les cinq derniers pour cent des contribuables américains gagnaient moins de 11 166 dollars et que leur revenu moyen était inférieur à 5 800 dollars. Compte tenu du fait que la définition de « contribuable » adoptée par l’IRS [Internal Revenue Service, le fisc] s’applique autant aux individus célibataires qu’aux couples qui font une déclaration unique, le Times évalue que les 26 millions de contribuables les plus pauvres représentaient près de 48 millions d’adultes et environ 12 millions d’enfants dépendants. En fonction de ce critère le Times évalue que les 60 millions d’Américains les plus pauvres vivent avec moins de sept dollars par jour. (Voir “60 million Americans living on less than $7 a day—US income figures show staggering rise in social inequality”)

En comparaison, le seuil de pauvreté était de 27 dollars par jour en 2004 pour un adulte célibataire avant son départ à la retraite et de 42 dollars par jour pour un ménage avec un enfant. La différence entre le revenu moyen de la population pauvre et le seuil de pauvreté, aussi artificiellement bas soit-il, constitue un indicateur important pour l’état réel de l’économie. Cette mesure est appelée le « piège de la pauvreté ».

En 2005, le piège moyen de la pauvreté était le chiffre record de 8 000 dollars. La signification de ce fossé est qu’en moyenne les familles pauvres sont vraiment plus pauvres à présent que durant les périodes précédentes. [2]

De nombreux analystes affirment que l’épreuve de la pauvreté est surévaluée parce que les critères de la pauvreté n’incluent pas la valeur des services sociaux tels les coupons nourriture et la couverture médicale ou les services sociaux qui leur ont succédé, le Temporary Assistance for Needy Families (TANF, programme d'aide aux familles pauvres). Cependant, les dernières données disponibles du Survey of Income and Program Participation (SIPP) émanant du Bureau du recensement, révèlent qu’en 2003, seuls 10 pour cent des Américains extrêmement pauvres recevaient une aide du TANF et que seulement un peu plus d’un tiers des très pauvres étaient enregistrés au Food Stamp program.

Comme le constate le rapport McClatchy, « les faibles taux de participation sont inquiétants parce que les pires risques liés à la pauvreté tels des taux plus élevés de criminalité et de violence, des perspectives plus mauvaises pour la santé, l’alimentation et l’éducation sont d’autant plus graves pour ceux qui vivent dans une pauvreté profonde. »

En effet, une étude parue dans le numéro d’octobre de l’American Journal of Preventive Medecine sur la prévalence de la pauvreté extrême arrivait à la conclusion qu’« Une hausse des taux de pauvreté est significative en raison des difficultés considérables auxquelles sont confrontés les pauvres pour satisfaire les besoins humains les plus élémentaires (tels l’éducation, l’emploi et des salaires plus élevés) ». [3]

L’étude énumère les conséquences de la pauvreté: « L’accroissement de la pauvreté a des implications profondes pour la santé publique compte tenu du lien très étroit qui existe entre la classe sociale et la mortalité précoce, la maladie et la maladie mentale. Les pauvres sont plus facilement exposés aux facteurs de risque tels ceux causés par le fait d’être sans logement, d’habiter un logement insalubre et par la pollution environnementale. Ils connaissent un plus fort taux de tabagisme, d’inactivité physique et d’obésité en partie dû au fait que des quartiers appauvris et désaffectés ne favorisent pas des pratiques de vie saine (construction d’un environnement favorisant la marche et des grandes surfaces offrant un choix de produits frais et sains) ; ces communautés sont également la cible des campagnes de promotion des cigarettes, des boissons alcoolisées et des fast foods. » Pour ce qui est du tiers de la population pauvre qui ne dispose pas dune assurance maladie et de la majorité qui n’a pas d’économies, tous ces facteurs s’additionnent.

Plus important encore, l’étude a trouvé que « le récent accroissement des taux de pauvreté s’explique en grande partie par une hausse spectaculaire de la pauvreté extrême » après l’année 2000. « La population dont le revenu est déficitaire d’au moins 8 000 dollars par rapport au seuil de pauvreté », qui inclut une part de plus en plus grande de la population en général, « paraît être vulnérable à des situations différentes que celle qui a un revenu se rapprochant plus du seuil de pauvreté. »

L’étude suggère que l’accroissement de la pauvreté extrême produisait un effet « siphon » sur la répartition du revenu américain en général, en exposant encore plus d’Américains à des situations de détresse.

Ces remarques sur les tendances de la pauvreté sont très précieuses et singulièrement perturbatrices. Les auteurs de l’étude signalent que leurs recherches effectuées au moyen des moteurs de recherche de Social Sciences Citation Index et de PubMed pour la période de 2001 à aujourd’hui sur la « pauvreté extrême » et la « grande pauvreté » n’ont trouvé aucun article. Entre 2002 et 2005, les auteurs ont précisé que le Washington Post et le New York Times n’ont publié que huit articles concernant les données de recensement et dans lesquels en moyenne deux phrases seulement étaient consacrées à l’accroissement constant et substantiel de la pauvreté.

Les communiqués de presse issus du Bureau du recensement n’étaient guère mieux ; seule une information sur la pauvreté extrême est accessible depuis 2000, dans le cadre d’une révision faite en 2003 des données de 2002. La note consistait en une seule phrase : « Les 14,1 millions de personnes disposant d’un revenu inférieur à la moitié de leurs seuils représentent 4,9 pour cent de la population (et 41 pour cent de la population pauvre), des pourcentages qui ne diffèrent pas de ceux de 2001. » [4]

Quasiment nulle part n’est mentionnée la relation entre la pauvreté extrême et l’accumulation extrême de richesses. L’accroissement de l’appauvrissement extrême est une manifestation sans équivoque d’inégalité qui est elle-même le produit d’une politique bien définie visant à détourner les ressources sociales pour les mettre entre les mains d’une élite financière. A une époque où le un pour cent figurant au haut du classement des ménages américains absorbait 17 pour cent de l’ensemble du revenu national, détenait pour plus d’un tiers de l’ensemble de la valeur nette et pour plus de 42 pour cent de tous les actifs nets, près d’un cinquième des ménages ne disposait d’aucun ou d’un actif financier net négatif. Un autre tiers de la population disposait de moins de 10 000 dollars. [5]

Notes:
[1] Mishel, Lawrence, Jared Bernstein, and Sylvia Allegretto. The State of Working America 2006/2007. An Economic Policy Institute Book. Ithaca, NY: ILR Press, an imprint of Cornell University Press, 2007, p. 39.
[2] Ibid, p. 288.
[3] Woolf S, Johnson R, Geiger, H. The Rising Prevalence of Severe Poverty in America: A Growing Threat to Public Health. Am J Prev Med 2006; 31 (4): 332-341. Accessed at: http://www.ajpm-online.net.
[4]
http://www.census.gov/hhes/www/income/income02/prs03asc.html
[5] Mishel, Lawrence, Jared Bernstein, and Sylvia Allegretto. The State of Working America 2006/2007. An Economic Policy Institute Book. Ithaca, NY: ILR Press, an imprint of Cornell University Press, 2007, p. 257.

(Article original anglais paru le 5 mars 2007)


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