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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: Résistance des enseignants face à la manipulation par Sarkozy de l’histoire de Guy Môquet

Par Pierre Mabut
9 novembre 2007

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La première décision du président Sarkozy lors de sa prise de fonctions l’été dernier avait été d’imposer que les enseignants lisent à leurs élèves la dernière lettre de Guy Môquet à sa mère. Le jeune Môquet âgé de 17 ans avait été exécuté par l’occupant nazi le 22 octobre 1941. Tous les lycées ont reçu l’instruction de lire cette lettre à haute voix à la date « commémorative » le mois dernier comme exemple de sacrifice et de résistance pour la nation. Le ministre de l’éducation, Xavier Darcos, a déclaré que 93 pour cent des lycées avaient appliqué l’instruction, mais l’écrasante hostilité des enseignants rend cette déclaration absurde.

Des manifestants scandant “Libérez Guy Môquet, libérez Florimond Guimard » ont couvert la voix de Darcos en visite dans son ancien lycée, en Dordogne où il est maire. Très nombreux sont ceux qui accusent Sarkozy de manipuler la mémoire de Môquet à ses propres fins nationalistes, tandis que Guimard, un enseignant de Marseille a été arrêté par la police pour avoir protesté contre l’expulsion d’un parent sans-papiers. La ministre de la Justice, Rachida Dati a aussi été huée lorsqu’elle a essayé de lire la lettre dans un lycée de Villejuif à Paris. Le président Sarkozy, ayant eu vent des protestations, a annulé sa lecture au lycée Carnot à Paris, où Moquet était élève. Il a invoqué un agenda très chargé.

Môquet, membre du mouvement des jeunes du Parti communiste (PC) avait été arrêté par la police française en octobre 1940 pour troubles sur la voie publique alors qu’il exigeait la libération de son père Prosper, député PC à l’Assemblée nationale qui avait été arrêté après que le PC ait été interdit du fait de son soutien au pacte germano-soviétique (hitléro-stalinien) d’août 1939.

Ce n’est qu’après l’invasion de l’Union soviétique par Hitler en juin 1941 que le PC entra officiellement dans le mouvement de résistance contre l’occupation nazie. Suite à l’assassinat d’un officier allemand à Nantes, Guy et 26 autres prisonniers du gouvernement collaborationniste de Vichy (des syndicalistes, des membres du Parti communiste et deux trotskystes) furent livrés aux nazis pour être exécutés.

La dénonciation de la manipulation par Sarkozy de la mémoire de Guy Môquet à des fins politiques a été clairement exprimée par le principal syndicat enseignant, le SNES (syndicat national de l’enseignement du second degré) qui appelait à un boycott. « Comment accepter que l’école devienne le lien de création factice d’une Union sacrée, [unité nationale de toutes les classes sociales en soutien à la guerre, utilisée particulièrement en référence à la Première guerre mondiale] a-critique par le biais d’une cérémonie commandée ? » Il accusait Sarkozy d’essayer de créer un « mythe patriotique. »

Le syndicat SUD-éducation du Limousin, dans le centre de la France, a aussi publié une déclaration basée sur des principes: « Guy Môquet est ainsi présenté comme exemple pour la jeunesse. Evidemment coupé de son contexte, le jeune homme fusillé par les nazis incarne une jeunesse prête au sacrifice suprême pour la patrie. Au moment où M. Sarkozy s’aligne sur la politique extérieure de M. Bush et où un de ses ministres [Bernard Kouchner] parle de guerre contre l’Iran cette présentation particulière de Guy Môquet est inquiétante. »

La mobilisation contre les diktats du gouvernement et sa manipulation de l’histoire dans les établissements scolaires a encore été renforcée lorsque l’entraîneur de l’équipe de France de rugby, Bernard Laporte, a décidé de donner une leçon de sacrifice pour la nation en lisant la lettre de Môquet aux joueurs juste avant le match France-Argentine durant la coupe du monde de rugby en septembre dernier. Laporte avait été nommé secrétaire d’Etat chargé des sports avant le tournoi et il cherchait visiblement à galvaniser l’opinion publique en vue de l’intervention « commémorative » dans les lycées. Mais cela s’est retourné contre le gouvernement.

Les enseignants de bien des lycées ont réagi avec colère à une telle manipulation. La décision d’enseignants du lycée Robert de Luzarches à Amiens, dans le nord de la France, est représentative. « Les collègues réunis en heure d’information syndicale mardi 16 octobre déclarent: Nous, enseignants au lycée Robert de Luzarches, avons décidé collectivement de ne pas lire la lettre de Guy Môquet ce lundi 22 octobre. Nous considérons que le contenu de cette lettre a été instrumentalisé afin de véhiculer le message d’un patriotisme exacerbé. Nous refusons de faire de cette lettre un outil de propagande politique en la décontextualisant de son histoire et en participant à une grande messe à mille lieues de la dimension intime que revêt ce document. C’est justement parce que nous avons à cœur d’éveiller la conscience de nos élèves, de refuser de couler leurs esprits dans des moules formatés, que nous manifestons ici, à notre tour, un acte de résistance. »

La position prise par les enseignants contraste fortement avec l’attitude molle du Parti socialiste, qui se range derrière Sarkozy sur toutes les questions majeures. Il soutenait cette lecture de la lettre mais n’a pas osé le dire aussi ouvertement. « Le PS fait confiance aux enseignants pour qu’ils fassent les choix pédagogiques qui restituent son sens historique et humain à cette lettre. Il déconseille fortement à ses élus de se substituer aux enseignants pour la lecture de cette lettre dans les établissements scolaires.»

Depuis le début, le Parti communiste n’a cessé de tergiverser pour en fin de compte soutenir la lecture, que sa secrétaire nationale Marie-Georges Buffet avait déjà « saluée » comme étant positive.

« Je comprends que des enseignants se posent la question de lire ou non cette lettre »… il fallait « la mettre dans son contexte …. Et si de nombreux partis de gauche ont critiqué la ‘récupération’ de ce symbole par Nicolas Sarkozy, ‘les problèmes de récupération’, quelque part, je m’en moque. »

Le PC a aussi publié un supplément de 16 pages à son quotidien l’Humanité, supplément  consacré à la vie de Môquet et qui, une fois de plus, déforme l’histoire. L’éditorial déclare : « Nous avons conçu ces pages avec le souci de replacer la lettre de Guy Môquet dans son contexte, d’être utile à tous ceux, qui, en lisant ou en l’écoutant le 22 octobre, voudraient comprendre ou donner à comprendre ce qui conduisit un jeune communiste de dix-sept ans, qui ne demandait qu’à vivre, à mourir ainsi, exécuté par les nazis après leur avoir été livré par des services de la police française qui, sur ordre du gouvernement de Vichy, collaborait avec l’Allemagne de Hitler. »

Les staliniens du PC ont « replacé la lettre dans son contexte » et donné leur aval à la manoeuvre de Sarkozy, tout en falsifiant l’histoire. Môquet était bien sûr, comme le PC le sait bien, victime à la fois de la collaboration de Vichy et de la collaboration du PC lui-même avec l’Allemagne de Hitler du fait de son soutien au pacte germano-soviétique (hitléro-stalinien.) (Voir Guy Môquet, Sarkozy et l’école stalinienne de falsification).

La tempête déclenchée par l’incident de la lettre de Môquet a forcé Sarkozy à faire marche arrière concernant l’ordre que lecture soit faite chaque année aux lycéens de cette lettre. Le porte-parole du gouvernement, Laurent Wauquier a annoncé l’intention de « transformer cette journée Môquet en une journée consacrée  à la jeunesse résistante. » Les accents sinistres de cette démarche vont de pair avec la politique du président consistant à militariser la France et l’Union européenne. L’équation de Sarkozy « la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran » montre le virage inéluctable vers la militarisation de la société, et spécialement des jeunes, sous le couvert de notions de « résistance » et d’ « intervention humanitaire » colportées par son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner.

(Article original anglais paru le 8 novembre 2007)


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