La décision d’Israël de commencer à couper le courant
dans la Bande de Gaza est une action de punition collective en violation du
droit international. Cela représente une nouvelle étape dans les efforts faits
par Israël de réduire par la faim le peuple palestinien. Israël avait imposé un
embargo économique sur Gaza après que le Hamas ait pris, en juin, le pouvoir
des mains du Fatah qui est à présent dirigé par le président pro-occidental de
l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas.
Le ministre de la Défense, Ehoud Barak a approuvé les plans
dressés par l’establishment de la défense le 25 octobre. Dimanche
on rapportait que la compagnie israélienne d’électricité, Dor Alon avait
confirmé avoir reçu des instructions pour commencer à réduire
l’approvisionnement.
La population de Gaza de 1,4 million de personnes utilise
environ 200 mégawatts d’électricité, dont 120 directement fournis par
Israël et 65 produits dans une centrale thermique palestinienne locale qui
dépend elle-même de l’énergie israélienne. Seuls 17 mégawatts proviennent
de l’Egypte.
Dans un premier temps, Israël va perturber l’électricité
dans diverses régions de la Bande. L’approvisionnement d’Israël
vers Gaza passe par cinq lignes électriques, dont quatre livrent de
l’électricité à une base militaire de la région et ne peuvent être
fermées. La cinquième ligne transmet l’électricité d’Israël à Beit Hanun
à l’est de Gaza, qui selon toute attente sera le plus durement touché par
ce plan.
Israël fournit aussi tous les combustibles dont Gaza a besoin,
y compris le diesel, l’essence et le gaz naturel, qui seront limités plus
encore qu’ils ne le sont déjà.
Samedi dernier, le ministre adjoint de la Défense, Matan Vilnai
a dit que le tribunal avait donné son autorisation finale à ce projet suivant
lequel Israël va « réduire de manière significative », soit d’environ
deux tiers, l’électricité fournie à Gaza dans les semaines à venir. Pour
commencer, l’électricité sera coupée chaque fois que des militants
enverront des roquettes sur Israël.
Vilnai a décrit le projet comme un « désengagement
graduel de Gaza en matière d’électricité. » Il a dit clairement
qu’Israël était déterminé à finalement couper entièrement
l’électricité, exprimant avec un cynisme extrême le « souhait que
les habitants de Gaza produiront leur propre électricité et ne dépendront pas
de nous ».
Il a justifié cette démarche en parlant de Gaza comme d’une
« entité hostile », terme employé pour la première fois en septembre pour
justifier le projet de stopper l’approvisionnement. Ce terme et les
références au « désengagement » sont utilisés par Israël pour
affirmer qu’il n’a plus l’obligation, en tant que force
d’occupation, de fournir des services à la population civile en vertu du
droit international.
Mais malgré le retrait de Gaza de ses forces, il y a de cela
deux ans, Israël en contrôle les frontières, l’espace aérien et les eaux
territoriales et utilise ceci pour étrangler la vie économique sur la bande
côtière.
L’Autorité palestinienne (AP) dirigée par Abbas a qualifié
la décision d’Israël de « crime de guerre » et de
« punition collective contre notre peuple de la Bande de Gaza ». Mais
ses protestations se sont révélées totalement insincères du fait que deux
heures de discussions se sont tenues entre Abbas et le premier ministre
israélien Ehoud Olmert lors d’un déjeuner, le jour suivant, pour préparer
le sommet à venir de l’administration Bush à Annapolis dans le Maryland.
L’AP participe directement à l’offensive en cours d’Israël
contre le Hamas, mais craint qu’une attaque aussi ouverte sur la
population toute entière de Gaza ne conduise le Fatah à perdre le contrôle sur
la population de la Cisjordanie qui devient de plus en plus agitée.
Le négociateur palestinien, Saeb Erekat a demandé une
intervention internationale du Quartet du Moyen-Orient – les Etats-Unis,
l’Union européenne, les Nations Unies et la Russie – afin
d’empêcher Israël de couper l’électricité et
l’approvisionnement en combustibles de Gaza. Mais le silence fut assourdissant,
notamment de la part de Washington, qui contrôle les cordons de la bourse
d’Israël et serait en mesure, sans grande difficulté, de mettre fin à
cette action s’il n’était pas tacitement d’accord avec Tel-Aviv.
Il ne restait plus aux porte-parole du Fatah qu’à se plaindre et dire
combien la punition collective infligée à Gaza rendait difficile pour eux la
signature d’un accord avec Israël.
Le prétexte pour l’action d’Israël a été fourni
par les attaques de roquette Qassam lancées par des groupes de militants
palestiniens de Gaza, dont on estime à 1 000 le nombre lancé durant ces
quatre derniers mois.
Néanmoins, la riposte d’Israël n’est ni légale ni proportionnelle.
Les roquettes Qassam sont des missiles de petite taille,
rudimentaires et non guidés qui sont employés depuis des années. Ils ont tué au
total 13 personnes et en ont blessé environ 200, bien que l’un d’eux
ait récemment blessé plus de 70 soldats israéliens. Le ministre de la Défense
israélien a qualifié les roquettes Qassam de « menace psychologique plus
que physique ».
Israël a essayé d’exagérer la menace en parlant de
roquettes Katyushka plus grandes et plus sophistiquées, mais on n’en
aurait trouvé que trois jusqu’à présent.
Les roquettes ne sont en fait qu’une riposte quelque peu
dérisoire dans un conflit militaire manifestement inégal. Au moins 4274
Palestiniens ont été tués depuis le 29 septembre 2000 contre 1024 Israéliens.
Moins d’un tiers des victimes israéliennes sont des civils contre 2023 Palestiniens
non combattants tués.
Israël resserrant son étau sur les Territoires occupés, cette
différence s’est creusée. 660 Palestiniens au total ont été tués en 2006,
dont 141 mineurs, alors que 17 civils israéliens et six membres des forces de
sécurité ont été tués par les Palestiniens. A Gaza uniquement, l’attaque
militaire israélienne en juin de l’année dernière avait tué 405
Palestiniens, dont 88 mineurs, et un total de 205 non-combattants. Israël avait
aussi détruit plus de 300 foyers palestiniens.
Même ces chiffres terribles ne tiennent pas compte de
l’impact du siège d’Israël sur l’espérance de vie, notamment
pour les bébés, les enfants, les malades et les personnes âgées.
Le fait qu’Israël a fermé les frontières de Gaza à
presque tout, sauf la nourriture et les médicaments de l’aide humanitaire,
a quasiment détruit le peu qu’il restait de son économie.
Avant même ce blocus, Israël avait retenu illégalement les
taxes et droits de douane qu’il collecte pour l’AP, et qui
correspondent à peu près à 50 pour cent des revenus de cette dernière. Il
n’a depuis remis ces fonds qu’à la Cisjordanie dirigée par le
Fatah. Le Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie et Nations Unies) a
aussi tout arrêté sauf l’aide humanitaire à Gaza.
51 pour cent en tout des Palestiniens dépendent de cette aide
pour la nourriture, et la malnutrition est le principal problème de santé
publique. De plus, 64 pour cent des Palestiniens sont passés en dessous du
seuil de pauvreté en 2006, et près de 80 pour cent des habitants de Gaza vivent
maintenant avec moins de 2 dollars par jour et dépendent des colis de
nourriture des Nations Unies.
Selon un reportage de la Banque mondiale, le mois dernier, 90
pour cent de la production industrielle de Gaza a cessé et la production
agricole a baissé de 50 pour cent en 2007.
Israël n’autorise quasiment aucun produit fini ou
marchandise à entrer ou à quitter la Bande de Gaza. Quasiment toute
construction a été stoppée, dont des projets d’une valeur de 90 millions
de dollars alloués par les Nations Unies pour la construction de maisons,
d’écoles et de traitement des égouts. Le chômage s’élève à plus de
75 pour cent. La production de nourriture d’hiver de Gaza, tels les
fraises et les tomates cerises, va très probablement pourrir. Le prix des
produits de base a augmenté de 30 pour cent ces six derniers mois. Le prix du
sac de farine de 50 kilos a augmenté de 80 pour cent.
Israël bloque, retarde et harcèle de façon arbitraire les
personnes qui ont un problème médical urgent et qui ont besoin de quitter la
Bande de Gaza, ainsi que les étudiants qui veulent faire des études
universitaires à l’étranger. Les Nations Unies déclarent qu’en moyenne
cinq patients de Gaza par jour seulement entrent dans Israël, par rapport à 40
par jour en juillet. Les propres installations médicales de Gaza sont
confrontées à une pénurie de médicaments et d’équipement de laboratoire
en état de marche.
Walter Fust, à la tête de l’organisme suisse, Direction
pour le développement et la coopération (DDC), a qualifié la situation à Gaza d’« intenable »
et de « choquante » à la fin d’une récente visite de quatre
jours. Il a dit que la situation de la nourriture s’était aggravée
« considérablement », avec 30 pour cent des enfants sous-alimentés et
a décrit la situation dans les hôpitaux et les dispensaires comme précaire.
Des personnalités militaires israéliennes de haut rang ont
appelé à une incursion de grande envergure dans Gaza, mais le gouvernement n’y
a pas donné suite s’efforçant d’avoir l’air de faire le
nécessaire dans la recherche de la paix à quelques jours de la conférence sur
le Moyen-Orient, soutenue par les Etats-Unis et qui doit se tenir vers la fin
du mois à Annapolis, dans le Maryland.
Néanmoins, des raids répétés ont eu lieu à la frontière de
Gaza, dont un le 17 octobre et une incursion plus importante le 25 octobre
– le jour où Barak approuvait les coupures de courant – près de
Khan Younis au sud est. Des bulldozers ont aplani des terres agricoles sur un
kilomètre dans la région de Al-Fukhari jusqu’à l’est de Khan Younis
et des soldats ont fait des descentes dans plusieurs maisons et procédé à des
arrestations.
(Article original anglais paru le 29 octobre 2007)