Un camp écologiste d'une semaine dans le nord
du Kent [Est de Londres] s'est terminé par des accusations répétées d'excès de
zèle et d'agressivité contre la police. Environ 100 personnes ont été arrêtées
au cours de cette action de protestation, dont 46 ont été inculpées,
principalement d'entrave à l'action de la police. Le maintien de l'ordre dans
le camp a couté plusieurs millions de livres, il constitue une atteinte grave
aux droits démocratiques et aux libertés publiques.
Le camp avait été établi pour protester contre
la construction d'une nouvelle centrale électrique au charbon à Kingsnorth, sur
l'estuaire de la Medway. La compagnie d'électricité E.ON UK propose le
remplacement de l'actuelle centrale au charbon par une nouvelle. Ce serait la
première centrale au charbon construite en Grande-Bretagne depuis plus de 30
ans. La proposition doit encore être acceptée par John Hutton, dont le
portefeuille de ministre du commerce, des entreprises et des réformes
réglementaires comprend les questions de sécurité énergétique. La proposition a
été transmise au bureau d'Hutton après avoir été acceptée par l'autorité locale,
la municipalité de Medway.
Kingsnorth est la première d'une série de
nouvelles centrales au charbon proposées pour différents sites au Royaume-Uni.
Le gouvernement a fait de ces centrales un élément clef pour garantir
l'approvisionnement en énergie. Les manifestants affirment que les centrales au
charbon, avec leurs rejets de CO2 élevés, sont les moyens les plus polluants de
produire de l'électricité. Entre 1000 et 2000 manifestants avaient rejoint le
camp durant la semaine pour protester contre la construction de la centrale de
Kingsnorth. À côté de l'activité militante immédiate, le camp organisait
également des ateliers et des discussions.
L'adjoint du chef de la police du Kent, Garry
Beauridge, a reconnu lors d'une conférence de presse que la police préparait
son action envers le camp depuis avril de cette année. Cette action fit arriver
sur les lieux 1400 officiers de police venant de 26 forces différentes à
travers toute la Grande-Bretagne. Ils étaient aidés par une surveillance
aérienne constante. Les autorités portuaires de Medway ont également autorisé la
police à appliquer certaines de leurs ordonnances de police pour empêcher que
les manifestants ne s'approchent de la centrale par la rivière.
Le coût final de cette opération n'est pas
encore connu, mais il a été estimé entre 1 et 8 millions de livres [1,2 à 10
millions d'euros]. Il est question que la police du Kent dépose une demande au
ministère de l'intérieur pour l'aider à payer la facture.
Il y a une tendance marquée ces dernières
années de la part de la police à donner des chiffres inférieurs au nombre réel
de manifestants. Dans le cas de Kingsnorth, elle a estimé l'affluence à 1000
personnes. D'après leurs propres données, ils ont donc mis en place une
présence policière bien plus nombreuse que celle des manifestants. L'estimation
des organisateurs est dans ce cas de 1500 personnes, ce qui donne un rapport de
1 policier pour chaque manifestant. Même l'estimation la plus élevée ne se
monte qu'à 2000 personnes.
Le fait que la présence policière visait à
décourager les protestations a été confirmé lorsque Beauridge a déclaré qu'il
considérait « La majorité des manifestants » comme « des gens respectueux des
lois, présents pour un motif légitime. » Il a justifié le nombre de policiers
par la présence « d'un petit noyau dur de gens … prêts à utiliser des
tactiques et des activités criminelles. » D'après un rapport, ce « petit noyau
dur » était estimé à seulement 150 personnes. Comme l'a remarqué le
porte-parole officiel du camp, Kevin Smith, « Chaque année, la police utilise
l'existence supposée d'une minorité dure comme justification pour avoir la main
lourde, et chaque année cette minorité dure ne se concrétise pas. »
Il est évident que la présence policière
visait à dissuader toute forme de protestation. Les manifestants du camp ont
décrit la présence permanente des hélicoptères de police qui servait à
perturber les réunions et les discours. Il est également question de véhicules
utilisés par les manifestants pour ravitailler le camp qui ont été confisqués
par la police.
En particulier, les manifestants ont attiré
l'attention sur les tactiques agressives de la police anti-émeutes, qui a
utilisé des matraques et des boucliers pour les arrestations. Plusieurs
manifestants ont été blessés lorsque la police les a chargés alors qu'ils
tentaient de pénétrer dans un champ de maïs. Beauridge a maintenu qu'une telle
réaction était « proportionnée…À cause du niveau de résistance, les
policiers ont été autorisés à utiliser la matraque durant deux journées de la
manifestation. Il y a des conditions légales strictes pour leur emploi et nous
avons donné des avertissements clairs à chaque fois qu'une équipe de
spécialistes était déployée. »
La députée des Verts, Caroline Lucas, qui a
visité le camp, a déclaré qu'elle était « horrifiée que [la] police… ait
utilisé des bombes au poivre, l'équipement anti-émeutes [et] l'intimidation
physique. » La police surveillait les manifestants avec des chevaux, des chiens
et des motos tout-terrain, ainsi qu'avec une couverture permanente des
hélicoptères.
Pour maintenir ce niveau d'intimidation et de
perturbation, la police a obtenu des pouvoirs étendus pour arrêter et fouiller
les manifestants. La section 60 du Criminal Justice and Public Order Act
[Loi sur la justice pénale et l'ordre public] est entrée en vigueur pour le
leur permettre. Initialement, les dispositions de la section 60 n'étaient
appliquées qu'à la zone du camp. Par la suite, elles ont été étendues à toute
la péninsule de Hoo. Ces dispositions autorisent la police à arrêter et
fouiller un suspect si un officier ayant le grade de commissaire ou supérieur
croit qu'il pourrait se produire des violences sérieuses.
À Kingsnorth, la section 60 a été utilisée
pour espionner tous les visiteurs du camp. Un témoin a raconté avoir rejoint
une queue pour être fouillé. Le policier chargé de la fouille ne savait pas qui
avait autorisé les fouilles. Après avoir été palpé et son sac ouvert, il a reçu
un brassard rose. Il a dû le montrer à trois autres policiers avant de pouvoir
pénétrer dans le camp pour de bon. Il a été fouillé à nouveau quand il a voulu
sortir. Certains manifestants ont également été menacés de fouille au corps. En
un autre endroit, on raconte que la police a tenté d'utiliser la section 60
pour justifier la destruction de radeaux improvisés.
Lucas, avec le député du Parti libéral
démocrate Norman Baker et le député travailliste Collin Challen, a écrit à la
police du Kent pour exprimer son inquiétude à propos d'une telle utilisation de
pouvoirs discrétionnaires. Lucas a averti que cela « minait nos libertés
publiques. »
Lucas, avec d'autres, a également attiré
l'attention sur un livret apparemment perdu par un des policiers qui
surveillaient le camp. Ce livret, intitulé « Policing Protest [Surveiller
les manifestations] » est édité par l'Unité nationale de coordination tactique
sur l'extrémisme et offre « des conseils tactiques et des lignes de conduite
sur la surveillance des extrémismes de l'intérieur concernant des questions
spécifiques. »
La police a organisé un programme de
confiscations systématiques pendant les fouilles. Elle a déclaré à la presse
qu'elle avait confisqué beaucoup de couteaux, alors que les manifestants ont
décrit cela comme une tactique d'exagération. La police a également montré aux journalistes
un jeu de plateau satirique, War on Terror [Guerre contre le
terrorisme], qu'ils avaient confisqué. Il semble y avoir eu une consigne pour
rendre la vie aussi incommode que possible aux manifestants. Parmi les
autres objets confisqués, il y avait de la colle, du savon, un costume de
clown, de morceaux de tapis, du papier toilette, des escabeaux, des
surligneurs, des marqueurs, des éléments des toilettes, et des banderoles.
Ils ont également confisqué les radios de
secours et les gilets de sauvetage des manifestants. Un manifestant impliqué
dans la manifestation le long de la rivière a décrit une rencontre avec les
garde-côtes locaux. Les gardes-côtes les ont complimentés sur les précautions
prises par les manifestants et ont critiqué la confiscation des gilets de
sauvetage par la police, disant, « C'était irresponsable, ça aurait pu mettre
des vies en danger. »
De telles tactiques visaient clairement à
réprimer toute forme de contestation et décourager toute future manifestation.
À cet égard, il est particulièrement inquiétant que l'Union nationale des
journalistes (NUJ) ait eut à se plaindre que ses membres étaient aussi soumis
aux mêmes fouilles, rudesses et surveillances. Le NUJ envisage de déposer
plainte contre « Cette conduite injustifiable de la police. » D'après le NUJ,
les journalistes étaient fouillés quand ils entraient et sortaient du camp. Les
fouilles continuaient après que la police ait vu leur carte de journaliste. Des
journalistes ont également été « rudoyés » par la police, et filmés alors
qu'ils utilisaient le réseau WiFi du McDonalds local.
De tels événements indiquent une détermination
à utiliser la manière forte contre toute forme de protestation légitime, et
devrait être traitée comme une atteinte très sérieuse aux droits démocratiques.