wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Pakistan : La coalition gouvenementale au bord de l'éclatement

Par Vilani Peiris
26 août 2008

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Une semaine seulement après la démission de l’homme fort militaire et président Pervez Moucharraf, la coalition gouvernementale du Pakistan est au bord de l’éclatement. La Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N) de l’ancien premier ministre Nawaz Sharif menace de quitter l’alliance dès aujourd’hui à moins que le gouvernement ne réintègre les 57 juges renvoyés par Moucharraf l’an dernier.

Cependant, le Parti du peuple pakistanais (PPP), le groupe ayant le plus de représentants dans la coalition, n’a pas indiqué qu’il allait accéder aux demandes du PML-N, qui exige de plus une diminution des pouvoirs présidentiels et un délai d’un mois afin de choisir un nouveau président. Vendredi, le PPP a annoncé que Asif Al Zardari, le mari de l’ancienne dirigeante du PPP qui fut assassinée, Benazir Bhutto, serait le candidat à la présidence du parti. L’assemblée nationale et quatre assemblées provinciales doivent être tenues le 6 septembre pour sélectionner le prochain président.

La coalition fut formée en mars après que le parti de Moucharraf, la Ligue musulmane du Pakistan-Quaid (PML-Q), eut subi une humiliante défaite aux mains du PPP et du PML-N lors des élections nationales en février. Dans l’entente, Zardari avait promis de réintégrer les juges avant 30 jours, mais il a continuellement repoussé cette action, de même que pour la destitution du président Moucharraf. Le gouvernement n’a entrepris les procédures de destitution qu’au début du mois d’août lorsque Sharif a menacé de quitter la coalition. Le PML-N s’était déjà retiré du cabinet en mai.

Depuis la démission de Moucharraf lundi dernier, l’animosité entre le PPP et le PML-N est devenue de plus en plus prononcée. Sharif a accusé Zardari d’avoir annulé l’entente visant à réintégrer les juges pas plus de 24 heures après la démission de Moucharraf. Une rencontre des deux partis mercredi dernier s’est soldée sans qu’aucune résolution ne soit établie. Pour la réintégration des juges, Sharif avait posé la date limite de vendredi mais s’est ensuite ravisé pour le lundi suivant.

Moucharraf avait expulsé les juges, dont le juge en chef Iftikhar Mohammed Chaudhry, en novembre dernier après que ces derniers eurent refusé de cautionner l’imposition, de facto, de la loi martiale. Après avoir été suspendu plus tôt l’an dernier, Chaudhry est devenu le centre d’intérêt des manifestations des avocats du pays et de leurs partisans, ces derniers exigeant sa réintégration et l’établissement de droits démocratiques fondamentaux et de la loi.

Comme l’ont noté de nombreux commentateurs, Zardari pourrait bien s’inquiéter que Chaudhry ressuscite les accusations de corruption contre lui. Moucharraf avait accordé l’immunité juridique à Zardari et sa femme Benazir Bhutto à leur retour au Pakistan l’an dernier. Cela faisait partie d’un accord établi secrètement avec l’aide de l’administration Bush afin de permettre des élections et l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement dirigé par le PPP prêt à travailler avec le très impopulaire président Moucharraf.

Zardari a sans aucun doute été impliqué dans diverses affaires de corruption. Durant le mandat de sa femme en tant que première ministre, il était connu sous le nom de « M. 10 pour cent », exigeant des pots-de-vin de contrats gouvernementaux et de compagnies étrangères. Des enquêteurs pakistanais ont avancé que Zardari avait amassé plus de 100 millions $ dans des comptes de banque et des propriétés à l’étranger.

Toutefois, Zardari est loin d’être le seul personnage politique pakistanais important à avoir été impliqué dans la corruption. Avant son expulsion lors du coup d’Etat militaire de Moucharraf en 1999, Sharif et son gouvernement furent fortement accusés de corruption et de malhonnêteté. Les atermoiements de Zardari face à Chaudhry reflètent nécessairement de plus profondes inquiétudes sur la réintégration d’un juge en chef qui a fait preuve d’un minimum d’indépendance dans un pays où le juridique est reconnu pour sa soumission au gouvernement en place.

Le gouvernement dirigé par le PPP subit d’importantes pressions de la part de Washington et de l’armée pakistanaise afin qu’il accorde une certaine forme d’amnistie à Moucharraf. Le PML-N a cependant indiqué qu’il souhaitait voir Moucharraf  répondre de ses crimes et violations constitutionnelles. Rien ne garantit que Chaudhry va accepter n’importe quelle entente avec Moucharraf, ce qui constitue un problème pour les relations du gouvernement avec les Etats-Unis et l’état-major militaire.

Plus important encore, le fait que les juges n’aient pas encore été réintégrés est une mise en garde contre les méthodes antidémocratiques que le PPP emploiera contre toute opposition à ses politiques. Le gouvernement fait face à une crise économique qui s’aggrave et à laquelle il n’a aucune solution, et il subit les pressions constantes de Washington pour intensifier les opérations militaires contre les insurgés antiaméricains dans les régions tribales voisines de l’Afghanistan.

Jusqu’à maintenant, Moucharraf a été la principale cible de la colère populaire face à la détérioration des conditions de vie et au développement d’une véritable guerre civile dans les régions frontalières. Cependant, dans la foulée de sa démission, le PPP va devenir rapidement à son tour la cible des manifestations et de l’opposition politique. Non seulement le gouvernement n’a pas réintégré les juges expulsés, mais il n’a rien fait pour corriger les changements constitutionnels apportés par Moucharraf.

Sous le 17e amendement à la constitution, Moucharraf s’est accordé de larges pouvoirs en tant que président, tels quel la capacité de renvoyer le premier ministre et de dissoudre le parlement élu. Le président peut aussi procéder à des nominations clé comme le chef de l’armée. Bien que Sharif exige que le 17e amendement soit supprimé, le PPP n’a toujours pas indiqué s’il allait appuyer une telle mesure.

Au même moment, on ne devrait accorder aucune crédibilité à la posture démocratique de Sharif et de son PML-N, un parti d’hommes d’affaires et de propriétaires terriens qui a historiquement entretenu des liens avec l’armée. L’expulsion de Sharif par Moucharraf en 1999 n’avait pas suscité de vive indignation publique, en partie car le PPP avait tacitement appuyé le geste mais aussi parce que le gouvernement de Sharif était profondément impopulaire.

Sharif exige la réintégration des juges et des changements constitutionnels afin d’améliorer la position électorale de son PML-N. Selon un sondage mené par l’Institut international républicain, qui est lié au Parti républicain aux Etats-Unis, 83 pour cent des Pakistanais souhaitent voir l’ancienne Cour suprême réintégrée. Une forte majorité avait aussi appuyé les demandes du PML-N pour la destitution de Moucharraf.

Sans aucun doute, les milieux dirigeants pakistanais s’inquiètent aussi qu’en ne procédant pas à des changements superficiels le pays pourrait vivre une éruption politique qui exigerait des changements sociaux et politiques beaucoup plus importants. De fortes augmentations des prix de la nourriture et de l’essence ont fait grimper l’inflation à plus de 25 pour cent. La roupie pakistanaise a perdu environ 25 pour cent de sa valeur face au dollar américain et les investissements étrangers sont en baisse.

Ayesha Amir a exprimé un sentiment répandu sur le site web d’Al Jazeera : « Ça ne change rien peu importe qui dirige ce pays, ils sont tous pareils. Ils font partie de l’élite politique et ils ne représentent pas la classe ouvrière. Ce ne sera qu’un changement esthétique; le Pakistan n’en tirera aucun bénéfice. Ce sont les gens les plus pauvres de la société qui doivent faire face à l’inflation. » La colère ne fera qu’augmenter alors que l’armée pakistanaise intensifie ses opérations dans les régions frontalières. Environ 300 000 personnes auraient fui les récents affrontements et les bombardements aériens systématiques qui ont tué des centaines de civils. Les milices islamiques ont réagit par une série d’attentats. Jeudi, deux kamikazes ont tué plus de 70 personnes tout juste à l’extérieur des principales installations industrielles de défense du pays près d’Islamabad. Samedi, des soldats ont affirmé avoir tué 35 militants après qu’une voiture piégée eut tué huit policiers dans la vallée de Swat.

L’instabilité politique au Pakistan génère de profondes inquiétudes à Washington, qui a appuyé l’homme fort militaire Moucharraf jusqu’à l’os en l’utilisant comme le meilleur véhicule pour poursuivre sa frauduleuse « guerre au terrorisme ». Un article paru dans le New York Times a commenté que « la politique de coup bas [entre le PPP et le PML-N] a fait augmenter les inquiétudes parmi les responsables américains selon lesquelles personne n’est véritablement en contrôle alors que l’insurrection talibane gagne du terrain. »

Le journal a aussi soulevé des questions sur la fiabilité du chef militaire pakistanais, déclarant : « [D]es doutes s’intensifient chez les responsables américains quant au niveau de coopération dont ils peuvent s’attendre de la part du nouveau chef de l’armée, Ashfaq Parvez Kayani, un ancien chef des renseignements qui a pris le poste de M. Moucharraf en novembre dernier. » L’article a spéculé que l’armée était plus intéressée à consolider sa propre position après le départ de Moucharraf que de mettre de l’avant les demandes américaines pour intensifier la guerre contre les insurgés antiaméricains.

Après avoir passé en revue les pour et les contre des principales personnalités politiques—Zardari, Sharif et le Premier ministre Yousaf Raza Gilani—le Times a conclu que Zardari pourrait très bien détenir la présidence et exercer les pouvoirs constitutionnels considérables auparavant détenus par Moucharraf. « La coalition a promis d’abolir la clause [le 17e amendement], » dit l’article. « Mais, si M. Zardari arrive à garder le pouvoir, les Etats-Unis pourraient de nouveau faire affaire avec un organe centralisé, bien qu’avec une personne différente derrière le comptoir. »

D’autres commentateurs présentent Sharif comme un allié possible des Etats-Unis. Le magazine Time, par exemple, a dit qu’il n’était pas un « extrémiste », ajoutant : « Si l’administration Bush investit une énergie diplomatique importante pour le courtiser—même si ce n’est la moitié des efforts qu’elle a dépensés l’année dernière pour tenter de sauver Moucharraf de l’humiliation—elle peut construire une relation de travail avec Nawaz. »

Peu importe les différences tactiques, il est clair que Washington recherche un nouvel homme fort politique, semblable à Moucharraf, qui accédera à ses demandes, particulièrement en supprimant l’activité insurrectionnelle à la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan et en affrontant impitoyablement toute opposition politique que de telles méthodes vont inévitablement générer. 

 (Article original paru le 25 août 2008)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés